Processus d’engendrement de la qualité et négociations entre acteurs de l’architecture

Véronique Biau et François Lautier

p. 11-26

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Véronique Biau et François Lautier, « Processus d’engendrement de la qualité et négociations entre acteurs de l’architecture », Cahiers RAMAU, 5 | 2009, 11-26.

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Véronique Biau et François Lautier, « Processus d’engendrement de la qualité et négociations entre acteurs de l’architecture », Cahiers RAMAU [En ligne], 5 | 2009, mis en ligne le 10 octobre 2021, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/414

La question de la qualité est aujourd’hui centrale dans tous les domaines de production et de service. Elle l’est de manière plus ou moins explicite, opposée ou non à celle de la quantité, rapportée ou non à celle du coût et de la valeur, abordée de manière plus ou moins normative ou réflexive. Dans les opérations architecturales et urbaines, elle est tout particulièrement en vogue actuellement. Pour autant, son évaluation apparaît particulièrement complexe et difficile, tant les variables à considérer sont nombreuses et disparates1. En outre, elle est souvent associée à des vocables qui en diversifient fortement le sens : « qualité architecturale », « management de la qualité », « haute qualité environnementale », « qualité de vie », etc. Le besoin s’est fait jour d’entrer dans cette « boîte noire » à la fois lourde d’enjeux et chargée de présupposés et de non‑dits.

1. Recherches et débats préalables à cette publication

Dans la succession des rencontres du réseau Ramau qui alimentent les Cahiers dont celui-ci est la cinquième livraison, les thématiques développées ont généralement trouvé leur origine dans les réflexions et les travaux des chercheurs qui participent au réseau. Les journées de rencontres confrontaient, d’une part, les synthèses et hypothèses prospectives émanant des chercheurs et, d’autre part, les expériences et analyses des praticiens et représentants institutionnels, français et étrangers, participant à titre d’intervenants ou de public.

Dans le cas présent, la préoccupation dont ce cahier est issu a émergé chez des partenaires professionnels, en l’occurrence l’association Architecture et Maîtres d’Ouvrages (AMO). À son initiative, nous avons conduit une recherche commanditée par le Plan Urbanisme Construction Architecture (Puca). Elle portait sur l’évaluation de la qualité dans les opérations de logement ; nous en donnons quelques résultats plus loin2. Ce fut l’occasion de débats nourris avec les membres de cette association dont une des richesses est de mettre en dialogue des maîtres d’ouvrage, publics et privés, et des concepteurs, tous soucieux de se dégager de leur activité quotidienne pour favoriser un regard critique sur leur action et le contexte dans lequel elle se déploie ; il s’en suit éventuellement des démarches d’amélioration.

Les rencontres Ramau des 31 mars et 1er avril 2005 à l’Arche de la Défense, organisées en collaboration avec le Puca et avec le soutien de la Direction de l’Architecture et du Patrimoine, nous donnaient l’opportunité de reprendre et d’approfondir ces débats, toujours dans cette interlocution chercheurs-praticiens à laquelle nous tenons. Une centaine de chercheurs, praticiens et administratifs a pris part à tout ou partie de ces journées intitulées « Qualité et maîtrise des processus dans les projets d’édifices ». Le présent ouvrage en rassemble les principales contributions.

Parallèlement, et également sous l’impulsion du Plan Urbanisme Construction Architecture, avait été lancé un programme de recherche intitulé « Qualités architecturales ; conceptions, significations, positions », piloté par Danièle Valabrègue et placé sous la responsabilité scientifique de Rainier Hoddé. Un colloque de valorisation de ses résultats s’est tenu à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine les 5 et 6 décembre 2006 suivi d’un ouvrage éponyme, paru en 20063. L’appel à communications que nous avons lancé pour « nourrir » nos journées d’étude a d’ailleurs sollicité et rapporté des contributions émanant d’un certain nombre des chercheurs de ce programme.

Sur divers points, les approches se rejoignent. Elles se gardent d’entrer dans un jeu d’appréciation, de jugement, de « procès en qualification », ou bien encore dans un discours de prescription, d’injonction ou de normalisation. Au contraire, elles partent du caractère éminemment pluriel voire conflictuel de la définition de la qualité, des qualités, pour s’attacher à toutes les manifestations de la « controverse » qui se déploie autour d’elle(s). En cohérence avec les orientations respectives des chercheurs, le programme Puca prenait « l’architecture » sous l’angle d’objets à mettre en rapport avec les débats sur la qualité, alors que le réseau Ramau, fidèle à son approche des organisations et professions, mettait les « processus » en avant.

2. Qualité et jugement

La qualité, jusqu’il y a peu, était une manière d’être, une propriété d’un objet, de quelque sorte qu’il soit. Etre rouge ou vert, cultivé ou en jachère, ancien ou récent, ce sont des qualités. Puis s’est ajouté à ce sens celui d’un jugement de valeur : les qualités de cet homme ou de cette chose. Les qualités deviennent des valeurs positives. Un temps encore, et ce ne sont plus les qualités qui sont examinées, mais la qualité dans sa globalité qui est évaluée : on dira un homme « de qualité », on voudra améliorer la qualité de tel ou tel produit, etc.4

La qualité est devenue globale, intégrant des jugements sur de multiples composantes, lesquelles ne sont d’ailleurs rien d’autre que les qualités prises au premier sens. La qualité d’un moteur, valeur globale, est l’effet d’une meilleure connaissance et d’un meilleur emploi des principes physiques en jeu, d’un travail portant sur de multiples pièces, d’une gestion plus appropriée des ressources utilisées, etc. Elle garantit aux utilisateurs du moteur des performances, une durée d’usage, un service pour aller à l’essentiel. Cette qualité, globale, prend sens dans la comparaison que l’on peut établir avec d’autres moteurs, modèles antérieurs ou concurrents. L’acheteur choisira le service rendu le plus adapté à ses besoins, ce qu’est censée attester, à ses yeux, la qualité du moteur. Il le peut parce que ce service est décrit à travers quelques indicateurs mesurables et donc comparables de l’un à l’autre des moteurs qui sont sur le marché : prix, consommation, rendement énergétique, fiabilité, etc. Eventuellement ces indicateurs sont complexes, demandent des études ou des tests techniquement difficiles. Le principe demeure le même : on peut comparer, parce que l’on peut ramener à des cotations et finalement « mesurer », fut-ce de façon approximative voire erronée, le service rendu par rapport au service escompté.

Certains produits échappent à ce mode de comparaison. C’est notamment le cas des œuvres d’art. Comment comparer un tableau de Raphaël à celui d’un Cézanne ou d’un Rothko ? La chose est cependant devenue aisée dès lors que l’on considère les œuvres à partir du marché. Celui-ci les hiérarchise selon ses principes propres, leur attribuant, grâce à l’équivalent monétaire, une cote, c’est-à-dire une qualité globale dans l’ensemble de celles qui participent du même marché. On est alors dans la situation inverse de celle du moteur : dans un cas c’est la qualité du moteur qui le place sur le marché, dans l’autre c’est la place du tableau dans le marché qui témoigne de sa qualité.

3. La qualité comme enjeu de l’action

Lorsqu’il s’agit des opérations architecturales et urbaines, la double dimension des objets produits, à la fois œuvres et services5 nourrit, dès lors que la question de la qualité est soulevée, des ambivalences dont il était nécessaire de se dégager. Objet d’usage, et même généralement d’usages multiples, l’architecture peut être qualifiée par son adéquation fonctionnelle ou symbolique à ces derniers, par les services qu’elle rend ou qu’on en attend. En même temps, comme œuvre d’art, indépendante de ses buts techniques ou sociaux comme des moyens qu’elle déploie pour les atteindre, indépendante donc de sa première dimension, l’architecture échappe aux comparaisons fonctionnelles. Dès le début de la recherche circonscrite aux opérations de logement, cette ambivalence était notable puisque, dans la formulation des attentes à notre égard, l’accent était mis sur la comparaison, en termes de qualité, entre les productions relevant de la maîtrise d’ouvrage publique et celles de la promotion privée.

Au lieu de chercher à définir de façon objective, mais au risque de l’arbitraire une qualité, architecturale ou autre, on a donc cherché à comprendre comment la question de la qualité prenait place dans les stratégies et les pratiques des acteurs de la conception des édifices concernés : la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. Quels sont les objectifs du maître d’ouvrage en matière de qualité ? Quels moyens se donne-t-il pour les atteindre, dans l’immédiat, à long terme ? Quels critères concrets élabore-t-il pour juger de son évolution dans ce domaine ? Quels modes de contrôle se donne-t-il à cet égard ? Comment le choix du maître d’œuvre, le contrat passé avec lui, puis la façon de travailler avec lui participent-ils de cette recherche de qualité ? Y a-t-il capitalisation, et sous quelle forme ? De leur côté, les maîtres d’œuvre ont leurs propres objectifs de qualité. Quels sont-ils ? Sont-ils partagés par tous et avec les maîtres d’ouvrage ? Comment sont-ils proposés, défendus ? Quelle responsabilité les maîtres d’œuvre revendiquent-ils ? Avec qui et sous quelle forme cela doit-il être négocié ? Etc. On peut résumer autour de deux points les principaux résultats de cette étude.

3.1. Le poids des contraintes

D’une part, les acteurs expriment les difficultés qu’ils rencontrent pour tenir leurs objectifs de qualité eu égard aux contraintes, de plus en plus prégnantes à leurs yeux, qui limitent leurs marges de manœuvre. Les cycles économiques qui touchent le BTP sont très courts et les prix de construction sont de plus en plus fluctuants. Dans le logement social, les crédits d’État sont de moins en moins adaptés à la réalité des coûts de revient et supposent un complément de plus en plus substantiel de la part des collectivités locales ou des organismes de 1 % patronal. Dans la promotion privée, c’est la solvabilité des ménages qui détermine des plafonds très sévèrement calculés eux aussi. Par ailleurs, les normes et les réglementations sont de plus en plus exigeantes du fait d’une demande sociale accrue en faveur du respect de l’environnement, de la santé, du patrimoine urbain, etc. On se trouve en outre, dans diverses grandes métropoles françaises, en situation de pénurie foncière : peu de terrains sont disponibles à la construction et ils sont souvent chers, morphologiquement ou techniquement incommodes. On peut encore ajouter à cette rude énumération le peu d’implication dont font souvent preuve les élus et techniciens locaux quant à l’ordinaire de la production architecturale et urbaine.

3.2. Les logiques d’action

En même temps que se complexifie le cadre de leur action, on voit s’organiser des démarches actives des professionnels pour garder la maîtrise du processus. La question est tellement cruciale que certaines de ces démarches n’ont pour objet que de permettre aux opérations de « sortir », notamment sur les plans juridiques et surtout économiques. Au-delà, on note chez les maîtres d’ouvrage des actions pour améliorer la qualité de leur production que ce soit par des méthodes plus ou moins formalisées de rationalisation des tâches, d’élaboration fine de leurs attentes en termes de programmes, de définition préalable de leurs modalités de coopération avec les architectes et les entreprises, d’approvisionnement en terrains de bonne qualité, de mise en place d’outils de connaissance des marchés ou d’évaluation de leurs partenaires, etc. Chez les architectes aussi se développent, de manière plus ou moins liée à ces évolutions au sein de la maîtrise d’ouvrage, des démarches explicites pour appuyer voire stimuler leur travail de conception par une meilleure prise de conscience de ce jeu de contraintes.

Au-delà, mais à partir des mises en œuvre concrètes de mesures appropriées, de grandes logiques d’action ont pu être distinguées qui s’articulent et se combinent lors de chaque opération. Ainsi, dans chaque cas, et dans chaque organisation éphémère correspondante, la qualité se définit selon une élaboration à chaque fois différente d’un système de valeurs partagé. Parmi les maîtres d’ouvrage, ces stratégies de qualité s’appuient principalement sur l’une ou l’autre de ces dynamiques :

  • Une recherche de la « qualité de la chose vendue » qui vise en premier lieu la satisfaction de l’acquéreur et dont une préoccupation majeure est celle du degré de diversification à introduire dans l’offre.

  • Une préoccupation gestionnaire dans laquelle prédomine le souci du long terme en termes économiques, techniques et sociaux : il s’agit de trouver le bon compromis entre le prix, les usages, la qualité technique et le confort.

  • Un mode d’action personnalisé et fortement empreint d’une éthique de la polis dans lequel se mêlent le souci de contribuer à la qualité de l’habitat et de l’environnement urbain et l’ambition de se poser comme précurseur pouvant faire référence dans une réflexion progressiste à propos de la production du logement.

Du côté des architectes, les stratégies de qualité prennent aussi des formes différenciées :

  • Une première position identifiable est celle où l’architecte fait siennes les exigences du maître d’ouvrage et cherche à lui fournir, avec les meilleures garanties de sérieux (exhaustivité des dossiers produits, respect des budgets, disponibilité, fiabilité) la réponse « attendue ».

  • À l’extrême opposé se trouve la position de l’architecte qui revendique une forte autonomie de son savoir-faire, de son travail de conception et même de sa définition des objectifs à atteindre, quitte à « tirer » vers le haut les attentes du maître d’ouvrage, en particulier sur le plan des usages ou sur celui de l’insertion dans le paysage urbain.

  • En position intermédiaire, l’architecte-stratège recherche une qualité passant à la fois par la satisfaction des exigences considérées comme légitimes du maître d’ouvrage mais ne cédant pas sur la revendication de conserver d’une opération à l’autre une « écriture », un style, une démarche spécifique6.

Cette ébauche de typologie présente l’intérêt de déplacer la question de la qualité de l’objet à qualifier – et nous avons rappelé à quelle aporie cela conduisait – vers les enjeux et les moyens de qualité que se donnent les acteurs professionnels dans le cours même des opérations. Elle doit cependant être discutée, réintroduite dans un contexte plus large, confrontée à d’autres problématiques et d’autres expériences.

4. Approches de la qualité

Au long des textes qui suivent, le lecteur constatera le balancement des propos entre diverses approches. Le thème de la qualité et les acceptions qu’elle prend chez les différents participants à l’acte de construire re-dessine en effet la cartographie des périmètres d’influence respectifs d’une culture esthétique, d’une culture technique et d’une culture gestionnaire dans les milieux de l’urbanisme et de la construction. Ainsi, pour certains, la qualité est inénarrable parce que relevant principalement des émotions produites par l’objet bâti ou, au mieux, par l’avancée que cet objet représente dans la pensée et le savoir-faire architecturaux. Pour d’autres, elle est enracinée dans la performance concrète, que celle-ci soit motivée par une demande socio-économique directe (rendement énergétique, qualité environnementale, qualité d’ambiance et confort, rentabilisation du foncier…) ou indirecte (nouveauté d’un procédé constructif, défi technologique…). Pour les derniers, « qualité » sera synonyme de « zéro défaut » avec, en référence aux milieux industriels où ces préoccupations sont plus anciennes, le souci d’objectiver les interventions multiples sur la production de l’objet, d’en rationaliser le déroulement, de le soumettre à divers tableaux de bord, d’en gérer l’amélioration continue par l’instauration de séries et d’évaluations.

Les travaux de recherche que réunit cet ouvrage renvoient pour partie à cette diversité et il nous semble rare et riche de pouvoir les associer dans une même publication. Ces entrées, en effet, ne sont pas (ou ne devraient pas être) étanches les unes aux autres, mais gagnent à être mises en synthèse et en hybridation. C’est en tous cas ce que suggère la trilogie qu’esquisse Michel Callon à propos de la maîtrise d’ouvrage avec un pôle politique, un pôle expertise et un pôle marché7, trilogie qui donne à voir la diversité des stratégies des maîtres d’ouvrage quant à leur production et qui montre l’intérêt pour eux de se saisir au moins de deux de ces registres de réflexion et d’action simultanément.

Aussi bien, ces contributions ne cherchent-elles aucune controverse esthétique, ne prétendent-elles à définir aucune critériologie de la qualité, ne proposent-elles aucune doctrine. Au risque de décevoir les lecteurs pressés, à une question simple, « comment faire advenir la qualité dans la production bâtie ? », ils n’apportent que des bribes de réponses et, plus souvent même, des reformulations de la question pour des travaux ultérieurs. Ils émanent pour la plupart de chercheurs mais sont centrés sur les activités et sur les interactions liées aux enjeux de qualité des acteurs de la production des édifices dans la diversité de leurs positions, de leurs intérêts, de leurs modes d’action (maîtres d’ouvrage, qu’ils soient privés ou publics, investisseurs, promoteurs, propriétaires-bailleurs, clients occasionnels, etc. ; assistants à la maîtrise d’ouvrage ; professionnels de la conception ; maîtres d’œuvre d’exécution ; utilisateurs, usagers, riverains, etc. ; organisations politiques et administratives émettant des règles et normes déterminantes par rapport à certaines qualités, etc.). Une sorte d’hypothèse implicite court dans la plupart d’entre eux. Sans doute réunir des partenaires de qualité est-il nécessaire pour réussir une opération de qualité ; cependant, ce sont, au-delà des personnes elles-mêmes, leurs interactions qui sont, pour satisfaire aux enjeux de qualité, déterminantes. Une autre caractéristique est commune à presque tous les auteurs : ils appuient leur propos sur une ou des opérations concrètes qu’ils ont, chacun avec son point de vue singulier, suivies et étudiées.

4.1. La qualité se construit, se perçoit, se reçoit collectivement

Parmi ces interactions, une importance croissante est donnée à celles qui rapprochent les utilisateurs actuels ou futurs des édifices conçus. Déjà ancienne, la réhabilitation dont Rainier Hoddé fut un des acteurs et aujourd’hui le rapporteur est un fort témoignage. Elle fait valoir qu’une qualité recevable par les habitants peut être produite que ce soit dans les domaines technique et fonctionnel, en s’appuyant sur leurs usages et leurs pratiques, ou dans celui des choix formels ou paysagers, à partir de leurs enjeux affectifs ou symboliques. L’accueil, la recherche même, de ces émergences souvent tues parce qu’ignorées, loin de l’affaiblir, enrichit alors un travail de conception volontairement tourné vers ceux qui vivront ces lieux.

Ce qui pourrait n’être retenu que comme l’expérience initiatique de jeunes architectes se décline, certes dans des termes différents, dans les pratiques de nombre de maîtres d’ouvrage. Cela peut n’être que pour des motifs commerciaux ; pour vendre il faut satisfaire. D’autres se préoccupent surtout de la pérennité de l’investissement, laquelle est fortement liée à l’adéquation aux usages et aux représentations. Cela peut aussi être fondé sur une éthique : l’exigence de qualité de l’édifice doit d’abord concerner la qualité de vie de ceux qui s’y trouvent.

Ces simples questions : pour qui est pensé, voulu, le travail de conception, par rapport à quoi et à qui sont retenus les critères de qualité, sont au cœur de l’analyse que proposent Daniel Siret et Olivier Balaÿ sur le Palais de Justice de Bordeaux. Pourtant, et cela peut sembler paradoxal, leur entrée est technique : quelles qualités d’ambiance dans cet important bâtiment ? Seulement, ce qui fait la qualité d’ambiance ce ne sont pas seulement de la lumière, de la température, de l’aération, etc., c’est leur adéquation aux situations et aux activités que le bâtiment est censé accueillir et favoriser, aux « attentes symboliques, techniques et organisationnelles » des utilisateurs. Leur méconnaissance ou plutôt l’insuffisante justesse de leur prise en considération peut mettre gravement en cause un projet qui, par ailleurs, présente les meilleures garanties.

Dans le cas étudié, les maîtres d’œuvre avaient pourtant cherché à faire valoir les dimensions symboliques, techniques ou organisationnelles du projet. Simplement, ce que montre la recherche est l’écart entre ce que ceux-ci ont traduit de ces dimensions, et ce que les utilisateurs en ont reçu. Caroline Lecourtois prolonge l’investigation sur cet écart en analysant la perception des œuvres architecturales en tant qu’actes cognitifs. S’appuyant sur les acquis de l’architecturologie, elle va jusqu’à proposer la perception comme une autre forme de conception ou plus précisément comme une re-conception, fondant les qualités de l’architecture sur d’autres critères que ceux qui ont été portés et retenus par les concepteurs. Elle prend ainsi distance avec une position plus traditionnelle qui s’assure de la qualité d’une architecture à partir de celle de l’architecte, reprise et développée ici par Philippe Dehan. Pour lui, si la qualité architecturale est difficile à évaluer malgré les principes largement reconnus sur laquelle cette reconnaissance peut s’établir, elle est une. Il y a ou non qualité, c’est une propriété de l’édifice.

Mettre en évidence une dualité de points de vue et donc des évaluations légitimes de la qualité – en fait une diversité, les utilisateurs étant eux-mêmes divers – demande un réexamen des situations et processus de participation à la conception, et même des intentionnalités qui les conduisent. S’il y a un apport de la participation en termes d’attention aux usages, celle-ci n’implique aucune reconnaissance en termes de qualité tant sont éloignées les représentations dont les uns et les autres sont porteurs. Les cultures dans lesquelles s’inscrivent les architectures, à l’intérieur desquelles elles trouvent référence, divergent entre concepteurs et utilisateurs. Et sauf à reconnaître a priori comme « de qualité » ce que fait un architecte, justement parce qu’il possède, lui, cette qualité, ce qui n’est pas entendu peut être rejeté.

Le propos de Christophe Camus participe, avec d’autres questions, au champ d’interrogation ainsi ouvert. Comment se décide, ou plutôt se dessine, lors d’un concours, la qualité d’une réponse architecturale ? Quelle sorte de négociation plus ou moins implicite s’effectue entre les « juges » de la qualité, architectes jurés, édiles, futurs utilisateurs, etc. d’une part, média d’autre part, enfin concepteurs eux-mêmes ? Dans le cas ici exposé, partie d’une recherche qui en analysait plusieurs autres, la proposition de l’architecte présente une bonne adéquation aux exigences du programme d’une part et un jeu de formes qui satisfait aux intentions stratégiques des différents acteurs du projet. On pourrait dire en résumé qu’elle a été considérée comme une bonne architecture. Cependant, ce qui lui assure très vite la prépondérance sur les autres propositions, puis lui permet d’affronter les innombrables accidents, retards, défauts, et difficultés de toutes sortes de la réalisation, c’est, aux yeux de l’auteur, « son pouvoir d’expression : la proposition retenue s’énonce et se communique clairement ». Elle est ainsi diffusée auprès d’un large public qui l’accueille aisément. Avant même la construction, l’édifice a reçu une existence sociale et une reconnaissance publique.

4.2. La qualité nécessite des outils de coopération

À partir du même constat de divergences normales d’appréciation des objectifs et des critères de qualité du fait des différences de points de vue des acteurs d’une opération, Stéphane Hanrot a construit un outil d’évaluation des projets architecturaux permettant l’expression de ces différences, leur analyse et, sinon leur résorption, du moins leur négociation. L’enjeu est de pouvoir comparer, par rapport aux principaux aspects d’un projet, les appréciations des maîtres d’ouvrage, des concepteurs et des usagers. Ainsi on pourra comprendre ce qui fait défaut aux yeux de l’un ou de l’autre, éventuellement corriger un point, rééquilibrer les termes d’une alternative, etc., voire simplement mieux expliciter ou exposer un choix. Au-delà, l’auteur attend d’un tel outil et de ses développements ultérieurs « une représentation plus globale de la qualité architecturale », acceptant comme intrinsèque à l’architecture la relativité des évaluations de sa qualité et permettant à la discipline architecturale de « mieux comprendre et reconnaître les termes positifs de la critique et du débat qu’elle ouvre. »

Dès lors que l’on place les interactions au cœur des processus de production de la qualité, les outils de ces interactions, outils de coopération, deviennent décisifs : les moyens de communications actuels ouvrent dans ce domaine des perspectives consistantes8. On sait qu’il s’agit là d’un axe de recherche majeur dans le secteur du BTP nécessaire du fait des différences de nature des phases du procès de production comme de la diversité des intervenants et de leurs modalités d’action, d’expression et de représentation. C’est à cette question que se sont affrontés Sylvain Kubicki, Jean-Claude Bignon et Gilles Halin, partant de l’hypothèse que dans leurs formes ordinaires, les communications nécessaires à des interactions favorisant la qualité, aussi bien du processus que du produit, elles doivent être sensiblement améliorées pour accroître l’efficience du secteur. En analysant les principales formes de coopération sur les chantiers, ils proposent un modèle apte à décrire les différentes relations entre acteurs, selon leurs activités, les objets en cause et les documents supports de ces relations. Ce modèle se décline alors en un outil d’aide à la communication qu’ils ont, par la suite, expérimenté en situation réelle.

Analysant eux aussi les modes d’interactions entre acteurs de la conception puis de la réalisation des opérations, Eric Henry et Gilles Debizet cherchent à dépasser l’alternative entre modèle séquentiel et modèle concourant. L’évolution des organisations leur permet de dégager une sorte de modèle mixte qui, sur une base classiquement séquentielle, introduit un certain nombre de focalisations conduisant nécessairement à une concourance de fait. Tout particulièrement, ils évoquent en ce sens les chartes de qualité établies par des groupes d’entreprises, de maîtres d’œuvre et de maîtres d’ouvrage, réunissant l’ensemble des acteurs autour de références précises et tout au long du processus de conception et de réalisation. Dans le même esprit, la démarche de haute qualité environnementale (HQE) ne peut se développer sans que les partenaires établissent des modes d’élaboration en commun de tout un ensemble de domaines et de moments de la conception. Ainsi les démarches formelles de qualité, parce qu’elles ne peuvent s’effectuer en découpant les processus de conception selon les séquences traditionnelles de la production du bâtiment, apparaissent comme un facteur important d’une transformation de l’organisation des projets allant elle aussi vers une meilleure prise en compte de la qualité.

4.3. La qualité n’est pas indifférente au contexte

Que se passe-t-il lorsque l’on change d’environnement culturel, technique, règlementaire, organisationnel ? Cette question, autre manifestation de la relativité de l’évaluation de la qualité, Jean-Michel Léger, la fait résonner dans un cas particulier : celui d’un architecte travaillant dans un pays dont il est étranger. Ce déplacement fait ressortir des points particuliers, positifs ou négatifs, des pratiques de conception de chacun des pays concernés. L’auteur souligne surtout les effets qui peuvent s’en suivre sur les conditions de la conception. Maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre, tenus de sortir de leurs habitudes, voire de leurs habitus, par la différence d’avec l’autre sont contraints d’enrichir leurs représentations et leurs pratiques. Cependant, cette créativité nouvelle risque de s’épuiser petit à petit dans les exigences règlementaires auxquelles elle se heurte ou par l’affaiblissement des capacités de négociation du concepteur pris dans un contexte socio-culturel et professionnel qui n’est pas le sien. Quant à la réception des opérations par les usagers, elle demeure interne aux lieux de ces usages.

Quel est le poids des modèles locaux ou nationaux d’organisation de la conception et de la réalisation des opérations sur l’émergence de la qualité ? Sans prétendre traiter cette question de façon générale, et au-delà des situations d’export évoquées ci-dessus, il était intéressant de l’examiner sur un exemple. Celui du Brésil est proposé ici par Silvio Melhado et Ana Rocha de Souza, tous deux chercheurs dans ce pays. Une caractéristique domine l’organisation des projets et la poursuite de la qualité : la séparation de la gestion de projet, pour l’essentiel dévolue aux entreprises, et de la conception par des architectes le plus souvent absents des chantiers. Ainsi apparaît une maîtrise d’œuvre de plus en plus autonome par rapport aux concepteurs. Ce cloisonnement entre les différents acteurs d’une opération induit un manque de qualité qui devient de plus en plus difficile à accepter. C’est pourquoi ces chercheurs ont travaillé, au sein d’un groupement d’acteurs, à l’établissement d’une sorte de charte, encore expérimentale, de la conduite de projet qui permette de relier les différentes phases et les différents partenaires. L’intention est bien de faire évoluer les organisations de projet dans une direction favorisant une qualité qui doit nécessairement croître.

Mais qu’en est-il du cas français ? La contribution de Cristina Conrad n’est pas le travail d’un chercheur mais la contribution d’un responsable d’organisation professionnelle. Elle ne porte pas sur l’ensemble de production architecturale, mais sur celle du logement, et plus précisément du logement social. Elle en analyse point par point les handicaps, de plus en plus lourds. Les architectes et autres concepteurs ne sont pas les seuls acteurs de la qualité : ce sont ici les politiques, aussi bien nationaux que locaux, mais aussi les bailleurs sociaux qui sont interpellés. La qualité architecturale et urbaine de ces logements passe par des choix qui, aux yeux de beaucoup, ne sont pas assurés. Une urgente prise de conscience et de grands efforts aussi bien financiers que de recherche et de travail sont appelés.

5. En architecture : « qualité » ou « valeur » ?

Pour conclure cette introduction, et en même temps faire rebondir le débat que propose l’ouvrage, il nous a paru intéressant de porter encore une fois le regard légèrement de côté. Dans la littérature anglo-saxonne, (dont malheureusement il n’y a pas de porte-parole au sein de cette publication), le terme de « qualité » cède de plus en plus le pas à celui d’« excellence »9, ce qui n’enrichit pas beaucoup le débat, mais surtout à celui de « valeur », qui mérite que l’on s’y attarde un instant. On sait combien le New Public Management, très en vogue dans le Royaume-Uni de ces dix dernières années, a mis en avant le critère de la Best Value for Money, introduisant une culture du résultat dans tous les domaines de la gestion publique. En matière de construction publique par exemple, la procédure de partenariat public-privé qui s’est considérablement déployée pendant cette même période, la Private Finance Initiative, a subi cette influence : dans une première phase, l’optimisation des investissements a été le mot d’ordre, que ce soit en termes de gestion des risques financiers, de coût global d’exploitation, de compléments fournis par des bénéfices commerciaux, etc. Puis, à la mise en service de ces hôpitaux, de ces écoles, de ces prisons conçus selon une procédure très complexe et qui privilégiait très largement les aspects juridico-financiers sur les questions de conception et d’usage, des interrogations se sont fait jour sur l’évaluation de la Best Value for Money appliquée à l’architecture. C’est ainsi que la question de la qualité architecturale revenait aux très sérieux organismes de contrôle des dépenses publiques, le National Audit Office et l’Audit Commission : comment vérifier que la qualité du bâtiment est en rapport avec la dépense consentie ? Et comment situer la part propre de la conception dans la satisfaction finale, celle-ci étant définie par une batterie de critères performantiels dans des contrats les associant à des pénalités financières ? Il est intéressant de noter qu’au tournant du millénaire, la question de la valeur en architecture a pris suffisamment de poids pour que le RIBA (Royal Institute of British Architects) passe commande d’une réflexion sur ce thème à un économiste du bâtiment (Quantity Surveyor) d’une part, à un politologue d’autre part. Pour le premier10, les clients ont le souci de plus en plus manifeste de mesurer la productivité de l’utilisation d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, ce qui conduit les professionnels européens à s’intéresser à la pratique nord-américaine du Value Management11. Sur l’architecture emblématique, le « fleuron de l’architecture », les approches de l’économiste et du politologue12 convergent, avec l’idée de déterminer et quantifier les effets indirects de l’opération « signée » (flagship effect). Les cas du musée Guggenheim de Bilbao, du quartier Beaubourg à Paris, de la Tate Gallery St Ives sont illustratifs des processus de revalorisation de quartiers voire d’agglomérations à l’occasion d’opérations architecturalement « remarquables », initiatrices de bénéfices indirects en matière touristique, commerciale, fiscale et autres. À propos de la réhabilitation de quartiers d’habitat social, on évoque de la même façon la réduction de la criminalité, le moindre recours aux services médicaux, etc. L’économiste renvoie quant à lui à la notion de Design Dividend, empruntée à P. Droege13, qui désigne la plus-value immobilière enregistrée par les opérations de promotion privée dessinées par des architectes renommés. La qualité de la conception pourrait être d’autant mieux prise en compte par les promoteurs d’une opération immobilière et/ou les propriétaires d’un édifice qu’elle augmenterait la valeur d’échange de celle-ci ou celui-ci. Voilà, pour les travaux sur la qualité architecturale, des perspectives de développement sur des chemins encore non balisés…

1 Comme l’a bien montré le travail de Phippe Dehan (Dehan P. Qualité architecturale et innovation, t. 1, Puca, 1999).

2 Biau V., Lautier F., Enjeux, critères et moyens de la qualité dans les opérations de logement, Paris, Puca, 2004.

3 Hoddé R. (éd.). Qualités architecturales ; conceptions, significations, positions, Paris, Ed. Jean-Michel Place, 2006.

4 Cf. J-M Gogue, Traité de la qualité, Paris, Économica, 2000.

5 Cf. C. Camus, « L’architecte entre le service et l’œuvre », Cahiers Ramau n° 2, Interprofessionnalités, Paris, Ed. de la Villette, 2001.

6 Même s’il est important de le constater à nouveau empiriquement, il n’y a rien là de très neuf. Il est par exemple aisé de voir que l’on retrouve

7 M. Callon, « Politique, expertise et marché : le triangle vertueux de la maîtrise d’ouvrage » in M. Bonnet, F. Lautier, éds., L’élaboration des

8 Cf. par exemple J-M Dossier, « Du produit industriel au bâtiment : les bénéfices des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication 

9 Voir par exemple le guide produit par la CABE (Commission for Architecture and the Built Environment) à destination des maîtres d’ouvrage : Creating

10 Loe E. The Value of Architecture ; Context and Current Thinking, Ed. RIBA Future Studies, Londres, 2000, 63 p.

11 Voir par exemple à ce propos : Kelly J., Male S., Value Management in Design and Construction, Londres, Taylor and Francis Group, 1992.

12 Worpole K. The Value of Architecture ; Design, Economy and the Architectural Imagination, Ed. RIBA Future Studies, Londres, 2000, 55 p.

13 Droege P., The Design Dividend. Sidney, Property Council of Australia, 1999.

1 Comme l’a bien montré le travail de Phippe Dehan (Dehan P. Qualité architecturale et innovation, t. 1, Puca, 1999).

2 Biau V., Lautier F., Enjeux, critères et moyens de la qualité dans les opérations de logement, Paris, Puca, 2004.

3 Hoddé R. (éd.). Qualités architecturales ; conceptions, significations, positions, Paris, Ed. Jean-Michel Place, 2006.

4 Cf. J-M Gogue, Traité de la qualité, Paris, Économica, 2000.

5 Cf. C. Camus, « L’architecte entre le service et l’œuvre », Cahiers Ramau n° 2, Interprofessionnalités, Paris, Ed. de la Villette, 2001.

6 Même s’il est important de le constater à nouveau empiriquement, il n’y a rien là de très neuf. Il est par exemple aisé de voir que l’on retrouve ici les tensions jadis mises en évidence par Hegel dans son Esthétique entre buts et moyens d’une part, entre ceux-ci et indépendance de l’architecture d’autre part. La première peut servir à classer les maîtres d’ouvrage et la seconde est en quelque sorte le discriminant des positions stratégiques des architectes.

7 M. Callon, « Politique, expertise et marché : le triangle vertueux de la maîtrise d’ouvrage » in M. Bonnet, F. Lautier, éds., L’élaboration des projets architecturaux et urbains en Europe. Vol. 4 : Les maîtrises d’ouvrage en Europe, évolutions et tendances. Paris, Puca, 2000, pp. 145‑156.

8 Cf. par exemple J-M Dossier, « Du produit industriel au bâtiment : les bénéfices des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication », in J-J Terrin, dir., Maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises. De nouveaux enjeux pour les pratiques de projet, Paris, Eyrolles, 2005.

9 Voir par exemple le guide produit par la CABE (Commission for Architecture and the Built Environment) à destination des maîtres d’ouvrage : Creating Excellent Buildings. Londres, CABE, 2003, 242 p.

10 Loe E. The Value of Architecture ; Context and Current Thinking, Ed. RIBA Future Studies, Londres, 2000, 63 p.

11 Voir par exemple à ce propos : Kelly J., Male S., Value Management in Design and Construction, Londres, Taylor and Francis Group, 1992.

12 Worpole K. The Value of Architecture ; Design, Economy and the Architectural Imagination, Ed. RIBA Future Studies, Londres, 2000, 55 p.

13 Droege P., The Design Dividend. Sidney, Property Council of Australia, 1999.

Véronique Biau

CRH-LOUEST, École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Val de Seine, Secrétariat scientifique Ramau.

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François Lautier

LET, École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette, Secrétariat scientifique Ramau.