Le processus actuel de conception et de réalisation de l’habitat social ne favorise pas l’obtention d’une réelle qualité architecturale et urbaine. Cette contribution tente de repérer les origines de ces difficultés, aussi bien du côté des conditions générales de production, que du côté de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage.
Il apparaît, après analyse et plusieurs rencontres avec des maîtres d’ouvrages du logement social, notamment dans le cadre du forum Moemo (maîtrise d’œuvre / maîtrise d’ouvrage)1, que la contrainte la plus déterminante est celle des financements. Cette situation préoccupe le Conseil Régional des Architectes, d’autant plus que :
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Dans le cadre de la politique de l’A.N.R.U., de nombreux architectes sont impliqués dans des démolitions de logements dont la qualité architecturale et urbaine est dépréciée mais qui nécessiteraient une analyse plus fine sur des critères précis (taille des logements, ensoleillement…) avant démolition.
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La crise de l’offre de logements, en tous cas de l’offre « abordable2 » s’amplifie et risque d’avoir pour conséquences, une gestion de la pénurie, privilégiant la quantité aux dépens de la qualité et se traduisant par une diminution accrue des surfaces et des crédits alloués pour la réalisation de logements sociaux.
1. Le constat
On constate en Ile-de-France, et en particulier à Paris, une forte insuffisance du nombre de logements construits3 du fait des difficultés économiques que rencontrent les maîtres d’ouvrages HLM pour les réaliser mais aussi de l’indifférence, voire du rejet, des collectivités locales. Or, le coût du foncier étant prohibitif, une opération ne « sort » que si le foncier et parfois les VRD (aménagements et réseaux) sont assumés par la collectivité locale ; il est impossible de réaliser des opérations dans le cadre des loyers d’équilibre, sans y injecter des « fonds propres » et (ou) des subventions. De plus, les coûts de construction sont en augmentation constante et les appels d’offres sont de plus en plus souvent déclarés infructueux ; les dotations d’État, hors ZUS (Zone Urbaine Sensible) ont baissé, ce qui rend de plus en plus difficile la production des PLAI, trop coûteux. Les loyers plafonds de l’APL (Aide Personnalisée au Logement) n’ont pas été revalorisés. L’État a beaucoup accumulé de retard dans le versement des subventions aux organismes HLM, ce qui pèse lourdement sur leur trésorerie (100 millions d’€ pour Paris) ;
Cette insuffisance est aussi liée aux évolutions de la maîtrise d’ouvrage HLM :
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Les gestionnaires ont remplacé les développeurs ;
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Les bailleurs sociaux sont tenus pour responsables des risques pris (parfois par l’aménageur ou la ville) ce qui les pousse à la prudence, voire à l’immobilisme ;
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L’« architecture » financière et fiscale actuelle pénalise les organismes HLM qui construisent ;
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Les « HLM » tenus pour coupables des questions sociales et urbaines font le « gros dos » ;
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La versatilité de l’État a entamé la crédibilité de sa politique du logement. La confiance est à reconstruire.
Cette impossibilité de « faire » se manifeste alors même que la taille des logements a été fortement réduite (-12 % en moyenne) et est parmi la plus faible d’Europe (hormis l’Espagne et la Grèce) et que l’ensemble des frais d’études (études préalables et honoraires de la maîtrise d’œuvre, notamment) ont été depuis vingt ans revus à la baisse par les maîtres d’ouvrage.
1.1. Une réduction de la surface des logements
En France, le logement social est depuis toujours, une affaire d’État. Les différentes politiques du logement social se sont assignées comme objectif une réduction des coûts de construction dans le but de réduire la charge publique et le montant des loyers. Le caractère social du logement étant indissociable de son caractère économique.
Pour atteindre cet objectif, l’État a déployé de nombreux efforts, en essayant d’agir sur les entreprises et les grands groupes, par la mise en place de filières qui permettaient de passer des marchés de gré à gré en échange de coûts réduits obtenus grâce à des systèmes constructifs innovants. Le rêve de l’industrialisation totale de la construction des logements en était l’aboutissement4. Or la nécessaire « reconstruction » de la ville sur elle-même (retour sur les centres villes), la raréfaction du foncier et le naufrage des grands ensembles ont considérablement modifié les conditions de construction des logements sociaux.
Les opérations sont plus petites, « contextuelles ». Elles doivent s’inscrire dans un environnement urbain existant qui impose ses contraintes d’implantation, ou bien elles doivent elles-mêmes créer de l’urbain, à l’intérieur de plans d’urbanisme dont l’objectif était de ne pas refaire ce qui a été fait dans les années 1960 et 1970.
Les dernières actions de l’État visant une réduction des coûts de réalisation du logement social (LQCM, logements à coûts et qualités maîtrisés), n’ont pas répondu aux objectifs initiaux et ont entraîné un encouragement explicite à la réduction des surfaces. Et ce, au moment où les évolutions des modes de vie (formation continue, 35 heures, rythmes de travail non synchrones, chômage, maintien à domicile des personnes âgées, prolongement des études…) devraient conduire à une augmentation des surfaces5.
Par ailleurs, les conclusions de nombreuses recherches et actions (le « Palmarès architecture à coûts maîtrisés » de la DGUHC et l’UNFOHLM, notamment) étaient que la réduction des surfaces n’était pas le meilleur moyen pour diminuer les coûts. Ceux-ci sont davantage liés au jeu des acteurs, au partenariat, à la confiance entre opérateurs, à la conjoncture locale, à la pression foncière, à la situation des entreprises, à leur plan de charges, à la gestion du chantier, aux modes de financements publics, aux types de montages financiers du maître d’ouvrage, à l’ingéniosité constructive, à la compacité et la simplicité du projet… etc.
Paradoxalement, construire des petits logements coûte plus cher que construire des grands logements, en prix de construction au m² (équipements semblables, linéaires de façade équivalents…). En effet, les loyers-plafonds de l’APL n’ayant pas été revalorisés, la réduction des coûts de construction est le seul moyen d’obtenir des loyers bas. Pour la plupart des maîtres d’ouvrage, cela se traduit par une réduction des surfaces, car cela entraîne aussi une baisse des charges. On en arrive ainsi à réaliser des T3 de 55 m² ! Le tout au détriment de la qualité architecturale, difficile, voire impossible à assurer dans d’aussi petites surfaces.
1.2. Une conception de plus en plus pauvre, stéréotypée et mal adaptée
Les contraintes financières et la réduction de la taille des logements obligent à une certaine rationalisation des plans (gaine unique par logement, compacité et suppression des décrochements de façades…). Mais elles aboutissent également à la création de logements inconfortables, sans originalité et engendrant des difficultés de cohabitation (entrée par le séjour, cuisine intégrée dans le séjour, en second jour, chambres commandées par le séjour, salles de bains et WC sans fenêtre, hauteurs sous plafond limitées à 2,50 m, escaliers de desserte extérieurs aux logements, absence d’espaces collectifs de transition entre espaces publics et privés, etc.).
En individuel, la limitation de la surface du logement pénalise les jeux de niveaux et les duplex, ce qui risque de reconduire à l’horizontale, la répétitivité tant critiquée des ensembles collectifs.
Les nouvelles réglementations (handicapés, Qualitel…) ont également eu pour effet d’augmenter les surfaces des circulations et des distributions, diminuant de facto, sans autre arbitrage possible, celle des pièces à habiter.
1.3. Une augmentation croissante de l’habitat individuel (hormis sur Paris et la proche banlieue)
Les difficultés sociales des ZUS s’accompagnent du rejet à la fois du grand ensemble comme forme urbaine et de l’habitat collectif comme forme architecturale. L’accession à la propriété et le pavillon sont fortement souhaités par les élus car c’est une manière d’individualiser les problèmes et de se dégager de leurs responsabilités urbaines. Ils sont aussi promus par les promoteurs-constructeurs (à travers les médias, la publicité, les « salons »...) qui facilitent l’accession par des réalisations « clef en main » avec des variantes envisageables pour l’acquéreur. Ils sont enfin encouragés par l’État grâce :
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Au prêt à taux zéro excluant l’ancien (jusqu’au 1er février 2005) ;
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À l’absence de contraintes en matière de réglementation handicapés ;
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À l’intervention de la « Foncière Logement » en faveur du pavillonnaire, (en arguant que l’offre de pavillons est seule susceptible d’attirer les couches moyennes dans les quartiers ZUS6) ;
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Aux nouvelles aides du plan Borloo (maisons à 100 000 Euros7) qui risquent de généraliser la réalisation de lotissements et de pavillons.
Or, l’innovation architecturale est, à coûts équivalents, depuis longtemps, plus présente en France dans l’habitat plus dense (modes de groupements, espaces de transitions, rapport espace privé/public, imbrication de volumes…) que dans le pavillonnaire.
1.4. Une rémunération insuffisante des concepteurs
La réalisation de logements sociaux a atteint une grande complexité. Certes, l’habitat social, contrairement à l’équipement public, peut être partiellement reproductible. Mais cela n’exonère pas d’une prise en compte du contexte (social, urbain, architectural…). L’ensemble des architectes constatent que le logement est le secteur le plus contraint, le plus difficile à assumer sur le plan technique, administratif et financier (si on le compare aux commandes d’équipements, d’aménagements publics ou même à certaines commandes privées), et en même temps le plus mal payé et le plus ingrat.
1.5. Un logement réduit à un produit économique et technique
Le logement n’est plus pensé, conceptualisé comme constitutif de l’urbain, comme un élément de la (re)composition urbaine. La terminologie employée pour évoquer l’habitat est d’ailleurs symptomatique de la place qu’on lui accorde : le mot « produit » s’impose, alors qu’il devrait s’agir d’un patrimoine culturel, que l’on lègue aux générations futures et dont le « développement est censé être durable ».
L’État se désengage de plus en plus du logement social. À travers la loi de Robien, il passe le relais à la sphère privée (groupes financiers, promoteurs, particuliers...). Après avoir été considéré depuis le 19e siècle comme un placement et un rendement, l’habitat devient ainsi un outil fiscal. Mais le réduire à un « produit fiscal » est grave car sa définition ne répond plus alors à un marché local ou à un besoin social mais à une norme.
1.6. Une vision à court terme
Une prise en compte du développement durable et du coût global des opérations amènerait nécessairement à une remise en cause des réalisations actuelles et une réflexion sur la densité, afin d’éviter l’étalement urbain (pollutions et gaspillages liés au développement de l’automobile, risques de santé, coûts d’entretien de la voirie, de l’éclairage public, des services, risques à venir de copropriétés dégradées, sans intervention publique possible… etc.)
Mais peu d’élus, peu de maîtres d’ouvrages ont cette vision à long terme car
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L’habitat n’est plus considéré comme un enjeu collectif mais comme la somme d’enjeux individuels ;8
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Cela exige un travail intellectuel et partenarial, en amont, afin d’apprécier les enjeux et préparer les arbitrages ;
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Elle est plus onéreuse en études et investissement (ainsi, une pompe à chaleur, un panneau solaire ou la géothermie entraînent un surcoût de 10 à 20 %).
1.7. Un grand absent : le futur locataire ou accédant
Pour intégrer la dimension de développement durable et adapter au mieux l’habitat aux demandes, il faudrait pouvoir, comme cela se fait en Allemagne, en Autriche, en Hollande, consulter les futurs utilisateurs. Faute de temps et de crédits, la participation, malgré quelques velléités dans les années 1980, est inexistante en France, aujourd’hui.
2. Pour les acteurs, une mission impossible ?
2.1. Pour la maîtrise d’œuvre
Beaucoup de contraintes sont venues s’imposer aux réalisations, de manière cumulative, aux dépens parfois de la qualité des espaces réalisés, rendant la qualité spatiale et urbaine difficile, voire impossible, à cause du carcan financier et des limitations des surfaces : renforcement de la réglementation sécurité-incendie, contraintes thermiques (RT 2000), renforcement de la réglementation pour l’accessibilité des personnes handicapées, réglementation acoustique, intégration des objectifs HQE et de Développement Durable, exigences et normes pour la sécurité du chantier.
L’ensemble de ces contraintes participent de la qualité globale de l’habitat et de son confort mais l’arbitrage ne devrait pas se faire aux dépens de la fluidité, de la lumière, de la taille ou de l’usage des lieux.
Elles n’étaient pas présentes lors de l’élaboration de la loi MOP. Elles n’ont pas donné lieu à une revalorisation des honoraires. De même, la maîtrise d’œuvre doit intégrer les contraintes suivantes, dans des honoraires forfaitisés, non revalorisés : l’imposition d’un économiste, parfois d’un thermicien, d’un paysagiste, d’un acousticien, d’un spécialiste HQE (certification, en débat) ; l’exigence d’un volet paysager ; les contraintes administratives supplémentaires du permis de construire ; la certification ISO 9001.
Ces règles, normes ou exigences, pour positives qu’elles soient, restreignent le champ d’action des concepteurs et contribuent à faire baisser la rémunération de chaque intervenant.
Ce n’est probablement que l’une des raisons pour lesquelles le logement social, fer de lance de la création architecturale des années 1970 à 1980, est aujourd’hui désinvesti par un grand nombre d’architectes. Ceux-ci considèrent que les contraintes et responsabilités engendrées par la production d’habitat sont trop importantes par rapport aux possibilités réelles de conception et les rémunérations trop faibles par rapport à l’investissement intellectuel et matériel nécessaire.
2.2. Pour la maîtrise d’ouvrage
Les bailleurs sociaux sont, de leur côté, obligés d’intégrer ces nouvelles impositions à un métier qui s’est depuis vingt ans considérablement complexifié. Les opérations sont devenues plus petites, plus souvent insérées en tissu urbain constitué et plus souvent menées par réhabilitation en site occupé. Le foncier est devenu rare, en particulier faute de politique foncière dans la maîtrise d’ouvrage communale et HLM, son coût a augmenté de 20 % en 5 ans (parallèlement, le prix de la construction augmentait de 4 %) et le secteur social est en concurrence âpre avec le secteur privé pour ce foncier. Par ailleurs, l’équation économique est devenue quasiment insoluble : le coût des charges a augmenté alors que le manque de solvabilité de la population logée rendait nécessaire de diminuer le niveau des loyers et des charges. Le montage administratif est lui aussi plus lourd et plus complexe : les normes et agréments s’accumulent, les dépôts des demandes de financement doivent désormais se faire en deux vagues (été, hiver) entraînant des montages de projets dans l’urgence, les locataires et riverains des opérations sont mieux organisés et expriment plus ouvertement leurs exigences (contentieux, actions des associations…). Restent enfin à gérer les difficultés politico-sociales liées à certaines parties du parc social : fuite des populations solvables vers le secteur privé et déséquilibres sociaux, présence de populations démunies, vieillissement du patrimoine, dégradation et vandalisme… localement accompagnés d’une certaine réticence des élus par rapport au logement social, comme l’application de la loi SRU l’a mis en évidence.
3. Le retour de la politique des « modèles »
Dans sa recherche pour économiser sur un plus grand nombre possible de postes de dépense, le maître d’ouvrage tend à court-circuiter une partie des missions nécessaires à la qualité finale des réalisations et à leur intégration environnementale. Il ne fait pas réaliser d’étude préalable, de projet urbain, de diagnostic urbain et d’étude de faisabilité. Cette absence de réflexion sur le foncier et le site urbain a des incidences non négligeables, car la ville ne peut se constituer d’une addition d’opérations, aussi réussies, soient-elles. Le PLU quant à lui ne constitue pas, la plupart du temps, un véritable garant de la cohérence urbaine car les villes souhaitent des PLU souples sans trop de contraintes.
Le programme se réduit à ses volets quantitatifs et techniques, sans exigences qualitatives et urbaines, abandonnant ainsi le volet » noble » de la mission de maîtrise d’ouvrage. Les études techniques (études de sols et de fondations, contrôle technique, études acoustiques, relevés topographiques…) sont insuffisantes et sous‑payées.
Cette situation a pour conséquences de détériorer les rapports entre maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage et d’installer entre eux un jeu de « poker menteur » : l’estimatif de travaux, en début d’opération, est sous-évalué ; puis le concepteur est, à chaque fois que cela est possible, désigné par le biais d’une « procédure adaptée » qui prend comme seuls critères, le chiffre d’affaires, le montant des honoraires et les délais de réalisation ; parce que le taux d’honoraires de la maîtrise d’œuvre est négocié à la baisse, l’architecte répond a minima (absence de réflexion sur le site, la topographie et le contexte, reprise de logements-types, suivi insuffisant du chantier…). En retour, le maître d’ouvrage définit des « modèles » de maisons ou d’appartements et fidélise des maîtres d’œuvre sur la base d’honoraires très minorés (bien en-dessous des indications fournies par la loi MOP9).
La diminution des prestations des réalisations et la fixation d’un coût des travaux extrêmement serré entraînent une réalisation répétitive et sans recherche. Les réalisations produites dans un tel contexte réglementaire, financier et sociétal, ne peuvent satisfaire ni les municipalités, ni les maîtres d’ouvrage, ni le public, ni l’État, ni bien sûr les architectes. Car le risque est grand de produire des logements qui poseront à terme plus de problèmes encore que ceux issus des constructions des années 1960.
4. Conséquences des évolutions législatives actuelles
4.1. Enjeux et pertinence des démolitions ?
Les difficultés de réalisation du logement social aujourd’hui interrogent fortement les programmes de démolition. Est-il raisonnable de démolir, si l’on ne peut offrir mieux par la construction neuve, au niveau technique, au niveau des prestations et au niveau urbain ? La méthode de la « tabula rasa », tant décriée pour les grands ensembles, participe par ailleurs à couper, une fois de plus, toutes racines, mêmes récentes. Comme si la ville n’était qu’une accumulation de matériaux, sans appropriation des lieux, supports de mémoire et de travail vivant. Certains logements que l’on démolit, sont aujourd’hui amortis et insérés dans le tissu urbain, accessibles par les transports en commun. Il serait souhaitable de les conserver pour offrir de grands logements qui ne sont plus produits aujourd’hui.
La « Foncière logement » est censée reconstruire 1/3 des logements démolis, soit environ 70 000 logements sur 4 ans. Elle impose de manière assez systématique un habitat individuel « classique » avec de grandes parcelles (500 m² minimum). Il est certes intéressant d’introduire d’autres catégories sociales dans ces quartiers et de diminuer le pourcentage de logements sociaux, mais cela ne doit pas conduire à oublier le fonctionnement du quartier (équilibre économique des équipements, commerces, transports…) ni l’urbanité et la morphologie urbaine.
La réalisation d’un important programme d’habitat individuel remet ainsi en cause à la fois le Code de l’Urbanisme (être économe en espace), la loi SRU (contre l’étalement urbain) et les objectifs du développement durable (économies d’énergie, entre autres).
4.2. Logement social / logement privé
Actuellement, le nombre de logements réalisés par la promotion privée prend le pas sur les réalisations de logements sociaux10. Il semble paradoxal que le coût de construction de certains logements privés en accession soit parfois inférieur à celui du locatif social. Mais il faut dire que les économies trouvées pour ce faire s’éloignent d’une démarche de gestionnaire à long terme et de développement durable : médiocre qualité des matériaux, économies sur les ascenseurs et le nombre de cages d’escaliers, petitesse des logements-types, nombre parcimonieux de fenêtres, dimensionnement des couloirs au minimum requis par la réglementation sur la sécurité incendie, épaisseurs des murs séparatifs entre logements et des cloisons calculées au plus juste…
4.3. Les contrats de partenariats public‑privé et le logement social
Les procédures de partenariat public-privé, envisagées pour les équipements, semblent peu adaptées aux opérations d’habitat social : en effet, l’organisme HLM mobilise les financements propres aux opérations de logement social et gère les logements selon des règles spécifiques.
Cependant, pour la construction d’opérations plus importantes, mixtes avec des équipements et/ou des logements en accession, de nouvelles procédures et pratiques pourraient avec la décentralisation, se développer et recueillir l’intérêt des collectivités locales.
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Soit en montage dans le cadre de réalisations d’urbanisme pré-opérationnel. Des groupes privés prendraient alors en charge la totalité de l’opération, en assurant le montage, considéré comme complexe par la collectivité. Mais ces montages ne peuvent répondre aux seules logiques économiques et supposent une éthique, qu’il faudrait définir.
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Soit par le développement d’opérations immobilières, hors programme et contexte. Cela pourrait se traduire par des opérations de logements sociaux exécutées par des promoteurs privés dans le cadre de réalisations de logements en accession, au nom de la mixité, et revendus en VEFA à un gestionnaire social. Une autre modalité de partenariat serait la réalisation de logements privés pour investisseurs dans le cadre de la défiscalisation prévue par la loi de Robien. Ce sont des projets « hors sol », traités comme des produits financiers, sur catalogue, aboutissant à des constructions répétitives et de ce fait, de qualité contestable (futures copropriétés dégradées ?). Chaque logement vendu à un particulier ou investisseur est loué avec des loyers plafonnés.
La loi MOP est modifiée depuis le 17 juin 2004 : l’accès au mandat de maîtrise d’ouvrage et à la conduite d’opération est ouvert à toute personne privée ou publique. Cette disposition met en concurrence les organismes HLM et les sociétés privées, alors que celles-ci n’ont pas les mêmes contraintes et éthiques.
Pour conclure
À l’heure du développement durable, de la rénovation urbaine et de la recrudescence des « sans abri » et des mal-logés, il faut s’assurer de trois choses :
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Que, à l’occasion du plan Borloo, le nombre des logements sociaux construits soit supérieur à l’addition du nombre de logements HLM démolis, des logements sociaux privés disparus, et du nombre de logements sociaux habituellement réalisés (répondant aux besoins recensés : augmentation démographique, décohabitations…) ;
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Que la qualité de l’habitat social réalisé soit supérieure à celle des logements démolis et qu’elle participe à la construction de la ville, de sa requalification à travers deux critères : l’usage : taille du logement, solidité et durabilité des matériaux, niveau des prestations en matière de confort thermique, acoustique et services annexes de gestion, qualité des volumes extérieurs et intérieurs, personnalisation des logements… etc. ; l’urbanité : insertion urbaine et paysagère, qualité résidentielle, diversité des occupations et mixité sociale, diversité des fonctions et usages des espaces publics, qualité environnementale, lumière, échelle des opérations.
Étant donné qu’un des motifs majeurs de la démolition est l’échelle et l’absence d’urbanité, la qualité du logement social passe par son insertion urbaine. Il faudrait, en particulier s’assurer que ne soient pas détruits des logements socialement utiles, pouvant être actualisés :
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Que les types d’habitat construits répondent à la diversité des besoins actuels et futurs des familles et aux nouveaux et futurs modes de vie. Il faut s’assurer notamment qu’ils tiennent compte de l’évolution des familles et des modes d’habiter : éclatement des familles, familles recomposées, familles monoparentales, augmentation des personnes âgées et handicapées, exigences environnementales et de développement durable (économies d’énergie, notamment), prégnance de l’informatique dans la vie familiale, nouveaux rapports habitat-travail (travail à domicile…), besoins de sécurité, recherche de lieux « identitaires », de lieux d’intimité, d’espaces extérieurs en prolongement du logement…
Ceci implique pour le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, à la fois une certaine audace, des convictions et un véritable travail de recherche prospective.