Juste pour revenir sur ce qui a été dit par rapport au rôle déterminant de l’entreprise. J’adhère complètement à cet axiome, et je dénonce la certification qui en fait n’est pas une finalité ; on fait de la qualité sans certification. Mais je crois qu’au contraire, pour nous architectes, le rôle de maître d’œuvre passe, je pense, par la rigueur. On n’a pas parlé des bureaux d’étude, et je pense à la laine qui a été mangée sur le dos des architectes depuis des années sur ce chapitre, nous, on doit justement arriver à reprendre notre place, alors que tout le temps on cherche évidemment à nous écarter par rapport à l’entreprise. Cela passe par la rigueur. Je ne veux absolument pas parler de la qualité architecturale, ni de l’aspect artistique transversal, parce que c’est un autre débat. D’ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse discuter de la qualité architecturale avec un maître d’ouvrage : moi je ne donne pas mon avis sur le bilan économique et je ne donne pas mon avis sur les remontées de bénéfices dans les sociétés. Je ne veux absolument pas aborder cet aspect parce qu’après vingt ans d’expérience, il m’est toujours très difficile de discuter de qualité architecturale avec le représentant du maître d’ouvrage. Je suis désolé de vous le dire, mais c’est la réalité. Je le dis sans aucun esprit polémique.
Mais par contre, par rapport aux entreprises, où on a un rôle qui est très précis, je pense que lorsqu’on a des pièces graphiques, qu’on a un descriptif, qu’on a un respect total de toutes les réglementations, il est très difficile, à l’entreprise, de contourner le projet qui est dessiné. C’est mon point de vue, et je pense qu’on a énormément de travail à faire sur cet aspect, cet aspect juridique, de rigueur, de mise en place des éléments. Et de toute façon, dans la mesure où cette rigueur est respectée, le budget est respecté aussi parce qu’on connaît les prix. D’ailleurs c’est très drôle, quand on rencontre un grand groupe, que ce soit Dumez, la SAE, Vinci ou autre, on a tous les mêmes ratios. Donc si on a une grille de conception qui fonctionne en terme de conception sur ce ratio, à la sortie, on peut sortir de 8 % du cadre, mais jamais de 25 %. Je ne parle pas pour les logements aidés et les logements sociaux, le problème est différent dans le rapport entreprise/maîtrise d’ouvrage. Par contre, dans le privé, je peux attester qu’une démarche précise, réglée, peut faire reculer l’entreprise justement sur ses souhaits de variantes, de modifications et autres.
La qualité, ce n’est pas que la façade, c’est tout, c’est la plinthe, c’est le joint métallique, c’est le double flux, c’est tout, je veux dire c’est un ensemble de choses. Dans la mesure où je pense vraiment la justesse de ces cadres, je peux réaliser ce qui est projeté. Nous avons peut-être eu de la chance, mais ça ne nous est arrivé qu’une fois, de dire, si c’est comme ça, on obtient le permis de construire et on s’arrête là, et après vous en faites ce que vous voulez. Mais je crois que l’attitude qu’on a, de rigueur, de rigidité, vis-à-vis du client et vis-à-vis pour l’entreprise permet d’éviter les glissements. Je ne suis ni pour le client ni pour l’entreprise. J’ai une ligne, qui est celle de la qualité du produit, et j’utilise le terme volontiers, parce qu’aujourd’hui je pense que ce sont des produits qu’on vend, parce que les gens achètent un produit à une adresse, autrefois un financement, ce qui n’est plus le cas, puisqu’on a des taux très bas.
Je voudrais encore dire quelque chose à propos du débat qu’il y a eu sur la notion d’unique, d’unicité. Je crois qu’il y a d’abord un aspect – je parle du logement et de la qualité dans le logement –, la qualité dans le logement passe par la finalité de l’utilisateur c’est-à-dire c’est la qualité dans le processus industriel, et c’est celui-ci qui est unique. Je dis qu’il est unique dans la mesure où les données du problème sont fixées ; à un problème qui a des questions identiques, à mon point de vue, il y a une réponse souvent identique. Quand on a des programmes de surface, des séjours, des cuisines, des trames, des voitures, des normes, on arrive à une unicité de la production. Par contre, on a certains critères de la qualité, et cette qualité est maîtrisée d’une certaine façon, on la maîtrise d’une façon et parfois d’une autre et là on réalise en fait une sorte de prototype. On s’accapare un système industriel, qui est unique, et chaque projet est un prototype. À ce stade, si on maîtrise parfaitement les attentes de notre client, les attentes des acteurs, ce qu’on aura mis nous, là-dedans va nous permettre aussi de faire œuvre je dirais d’écriture, œuvre d’architecture, qui n’est qu’une partie du dispositif, dont d’ailleurs je pensais qu’on ne parlait pas aujourd’hui.
Pour moi, ce sont deux choses totalement scindées : on peut très bien s’accaparer le système industriel et je dirais jouer sur la partie musicale des entreprises des BTP – parce qu’entre autres, on a une façon de construire du logement, je suis désolé : c’est le béton ; après il y a des expériences parallèles ; mais quand on a un outil industriel, il y a une façon de fabriquer du logement, ce n’est pas moi qui peut la remettre en cause de façon isolée, donc obligatoirement, il y a un système industriel. Et ce système industriel, il existait au 19e siècle. Il y avait une façon de construire les façades, et il y avait une trame, et il y avait œuvre artistique sur la façade, pas seulement, essentiellement je dirais. Quand vous regardez les cours arrière vous avez un dispositif différent. Aujourd’hui c’est à peu près le même schéma, on a un système industriel unique, et après chacun y met ce qu’il veut. On s’accapare le prototype pour faire l’œuvre qu’on a à faire. La partie initiale est industrielle.