Trois raisons pour s’intéresser à Ramau

Marielle Riche

p. 18-21

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Marielle Riche, « Trois raisons pour s’intéresser à Ramau », Cahiers RAMAU, 1 | 2000, 18-21.

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Marielle Riche, « Trois raisons pour s’intéresser à Ramau », Cahiers RAMAU [En ligne], 1 | 2000, mis en ligne le 07 novembre 2021, consulté le 03 décembre 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/562

Je tiens à remercier les organisateurs pour ces premières rencontres du Réseau activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme. J’expliquerai en quoi ce réseau, pour la Direction de l’architecture et du patrimoine, est important et en quoi il peut nous intéresser. Je vois a priori trois éléments : d’abord les problématiques et les axes de recherche qui peuvent être développés, ensuite le rapprochement et les synergies que l’on peut faire entre différentes problématiques, entre différentes institutions – et j’expliquerai en quoi, pour nous, c’est surtout important à l’heure actuelle – et, enfin, une certaine concordance des thèmes que vous abordez par rapport à une réflexion que nous avons lancée sur la modernisation de la profession.

Sur le premier point, l’organigramme nouveau de la Direction de l’architecture et du patrimoine fait que j’ai la responsabilité non seulement de l’enseignement et de la recherche mais également des professions. C’était une volonté de notre directeur, François Barré, ce qui signifie bien que nous devons penser la profession de l’architecte, non seulement par rapport à sa formation, par rapport à ses outils, mais aussi en terme de perspectives et dans son insertion dans le milieu de la production et de la conception de l’architecture, de la ville et du paysage. La Direction de l’architecture et du patrimoine a une préoccupation majeure, à savoir la place de l’architecte au sein de ce dispositif, parce que nous considérons que d’une part, il faudrait que l’architecture s’oriente vers quelque chose qui pourrait être une reconnaissance d’intérêt public et que, d’autre part, l’architecte, par sa capacité à élaborer le projet, ait un rôle particulier dans ce dispositif. Les axes de recherche que vous pouvez développer pourraient nous aider à voir les segmentations des professions, des activités, des acteurs et à envisager comment l’architecte, au côté duquel nous nous engageons évidemment, pourrait trouver une place qui devrait en fait être la sienne. Nous souhaitons qu’en terme de réflexion, vous portiez vos réflexions sur la connaissance des contextes économiques de la production du cadre bâti, sur les contextes juridiques également très importants, sur l’ensemble des processus des opérations d’aménagement ainsi que sur les contextes culturels, puisqu’on ne peut pas faire une ville sans les hommes. Ce sont donc ces thèmes que nous aimerions que le réseau tente de développer.

Le deuxième point qui nous intéresse particulièrement est la notion de regroupement et de rapprochement, qui est la philosophie même de ces réseaux. Ce rapprochement est important parce qu’une lisibilité de nos recherches dans les écoles d’architecture est primordiale. Je dirais également une lisibilité des ressources des chercheurs et des profes­sionnels, une lisibilité sur les savoirs, sur les activités de conception architecturale et urbaine. La question de la création d’un système de représentation, d’informations et d’échanges sur Internet, est actuellement pensée et mise en place. Ces points nous paraissent importants, eu égard à une force de frappe qu’il faudrait essayer de développer au sein des écoles d’architecture, notamment par rapport à la création des écoles doctorales. Actuellement, nous avons mis en place un cas pilote sur l’Ile-de-France. Nous avons réuni les directeurs des laboratoires de recherche pour voir comment les laboratoires des écoles d’architecture et les universités (en l’occurrence au sein d’une région, puisque c’est plus facile) raisonnent relativement aux notions de « sites » pour la création des écoles doctorales, et pour voir comment il est possible de rassembler nos compétences et nos forces, développées à l’origine dans chacune des écoles, pour disposer d’une force capable de s’associer à l’Université. Je pense qu’à l’heure actuelle, il n’est pas question, du point de vue de l’enseignement supérieur, de nous permettre de créer des écoles doctorales autonomes et de délivrer seuls des DEA. Un potentiel de recherche ne se décrète pas. C’est pourquoi nous avons avantage à travailler avec les universités pour s’inscrire dans les écoles doctorales. Mais pour cela, il faut que nous fassions cet effort de rapprochement et de lisibilité de ce que nous avons été capables de faire et de ce que nous serons capables de faire. En ce sens, je pense que les réseaux, dont celui de Ramau, peuvent avoir un impact considérable.

Le dernier point, c’est une concordance entre le thème de votre réseau, activités et métiers de l’architecture notamment et de l’urbanisme, et les réflexions que nous avons engagées au sein de la Direction de l’architecture et du patrimoine et avec les professionnels. Nous sommes partis du constat que la loi de 1977, telle qu’elle a été formulée, et ce qui a présidé à son élaboration, ne sont plus vraiment à l’ordre du jour. Autrement dit, au-delà de la crise économique des années 1980 et 1990, un certain nombre d’évolutions se sont fait sentir, tant dans la nature des marchés qu’avec la baisse de la commande publique. Un certain nombre de changements de valeurs se sont opérés, puisqu’on évolue vers davantage de protection du consommateur, davantage de sécurité, et qu’on doit tenir compte de l’ouverture internationale, de l’ouverture européenne par rapport à la modernisation de la profession.

Quatre groupes de travail se sont réunis, dont je rappelle brièvement les thèmes. Un des thèmes porte sur la représentation de la profession et la nécessité que la profession elle-même, au côté des pouvoirs publics, porte cette réforme, son organisation et son expression ; la profession doit pouvoir se valoriser elle-même et doit pouvoir contribuer à redonner aux architectes un rôle d’intérêt public, d’utilité publique, un rôle économique et social global. Il faut que la profession puisse le faire et il est clair qu’aujourd’hui elle n’est pas du tout armée, en termes d’organisation, pour y parvenir. Le deuxième champ de réflexion est le renforcement des missions de l’architecte. Nous devrons étudier cette question notamment avec le ministère de l’Equipement, et traiter les questions des seuils, des permis de construire, des certificats de conformité, de l’extension de la loi Mop à la maîtrise d’ouvrage privée, mais également du rôle et de l’avenir des CAUE (un groupe spécifique travaille sur ce point). La grande question de l’intervention des architectes dans les fonctions publiques, notamment dans la fonction publique territoriale, est très mal prise en compte aujourd’hui et il est indispensable qu’elle soit abordée. Un groupe spécifique fonctionne, notamment avec le ministère de l’Intérieur.

Ensuite la question du statut de l’architecte, de l’entreprise est importante. Un de nos constats est que les entreprises actuelles d’architecture n’ont pas de capacités suffisantes pour intervenir dans de nombreux domaines. D’autres questions concernant les autres statuts que peuvent avoir l’architecte (salarié, collaborateur, associé) ont été étudiées, ainsi que les questions d’assurance, de responsabilité.

Le dernier groupe de travail a essayé d’évoquer la question de l’environnement international, c’est-à-dire l’ouverture au niveau international et au niveau européen. Ce groupe a traité notamment de la position que la France doit prendre en matière des services dans le cadre des négociations du GATS, puisque cette position doit être prise d’ici la fin de ce semestre. C’est toute la question, notamment en Europe, de l’harmonisation des diplômes et je dirais éventuellement de la création d’une culture commune, notamment sur la ville européenne, qui est fondamentalement différente des villes américaines ou d’autres continents. Nous pensons donc qu’avoir cette culture commune pourrait nous aider dans des débats, notamment internationaux.

A ce jour, les quatre groupes de travail ont terminé leur réflexion, les quatre rapporteurs bouclent leurs rapports qui seront disponibles sur le site archi.fr, et nous en sommes au stade de proposition d’un plan d’actions. On a pu constater – et c’est très positif – que les organisations professionnelles se sont vraiment rassemblées, alors qu’il n’est pas sûr qu’elles se soient parlé antérieurement. Les organisations professionnelles, très présentes dans ces 130 ou 140 réunions organisées, ont réussi à dialoguer, à réfléchir ensemble et à faire, sur un certain nombre de points, de nombreuses propositions communes. Je ne peux aujourd’hui vous donner les conclu­sions à tirer de ces orientations puisque nous y réfléchissons à l’heure actuelle avec le cabinet de la ministre. Au mois de juillet, Catherine Trautmann réunira les organisations professionnelles pour leur proposer un plan d’actions dont certaines parties dépendront du ministère de la Culture (par exemple les parties relatives à l’ordre des architectes), et d’autres, devront être négociées avec d’autres ministères.

Voilà où nous en sommes sur ce plan et nous sommes vraiment intéressés par l’offre scientifique de recherches sur les professions que vous pouvez apporter. Je crois que votre aide intellectuelle est judicieuse, au moment où nous nous engageons dans un plan d’actions. Je souhaite que ces deux journées vous permettent de nous apporter des réflexions sur ce point.

Marielle Riche

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