Entre dispositifs et agencements : les nouveaux assemblages de l’expertise territoriale

Thierry Maeder et Laurent Matthey

p. 193-207

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Thierry Maeder et Laurent Matthey, « Entre dispositifs et agencements : les nouveaux assemblages de l’expertise territoriale », Cahiers RAMAU, 11 | 2022, 193-207.

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Thierry Maeder et Laurent Matthey, « Entre dispositifs et agencements : les nouveaux assemblages de l’expertise territoriale », Cahiers RAMAU [En ligne], 11 | 2022, mis en ligne le 08 juillet 2022, consulté le 21 décembre 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/653

Cet article s’intéresse aux transformations en cours de la commande publique d’études en aménagement et urbanisme. Il se focalise sur les rapports des administrations avec les hautes écoles suisses. L’analyse replace d’abord les transformations en cours dans un contexte historique, puis se concentre sur le rôle de « marginaux sécants », à savoir des acteurs à l’articulation de plusieurs systèmes organisationnels, dans le renouvellement contemporain de la production de l’expertise territoriale. Les auteurs mobilisent un matériau collecté au moyen d’entretiens semi-directifs réalisés en 2018 et 2019 auprès d’acteurs de la recherche en aménagement et urbanisme en Suisse et d’observations participantes de séances de mise en œuvre d’un tiers-lieu du territoire.

This article examines current transformations of the public commissioning of urban planning studies. It focuses on the case of the relationship between administrations and Swiss universities. The analysis, first of all, re-establishes the transformations taking place in a historical context and then focuses on the role of “marginal secants” (i.e., actors in the articulation of several organizational systems) in the contemporary renewal of the production of territorial expertise. The authors mobilize material collected via semi-directive interviews conducted in 2018 and 2019 with actors in urban planning and development research in Switzerland and participatory observations of implementation sessions in a third space of the territory.

Questionner le rôle des marginaux sécants dans le renouvellement de l’expertise territoriale

Depuis quelques années, émergent en Suisse francophone1 de nouveaux modes d’articulation de la recherche en urbanisme et de la commande publique, qui tendent à rapprocher les hautes écoles2 et les administrations publiques. Ces rapprochements semblent portés par un désir de renouveler les modes d’expertise territoriale : on aspire, par exemple, à faire mieux dialoguer les spécialistes actifs dans les collectivités publiques, les bureaux privés, les instituts de recherche et la société civile, au moyen d’hypothétiques tiers-lieux du territoire (Gaberell et Jaboyedoff, 2020). S’exprime aussi le souhait de construire des pôles de compétences autour d’une thématique donnée : la ville, le paysage ou l’environnement. Portées à la fois par les administrations et les hautes écoles, ces coalitions opportunes semblent ainsi permettre le développement de configurations dans lesquelles chacun des partenaires gagne quelque chose. Du côté des administrations publiques, il en résulte en effet une capacité accrue d’orientation de la recherche sur des thèmes qui leur sont utiles (aux dépens, peut-être, de travaux plus critiques). Du côté des instituts de recherche et de formation, on observe un indéniable effet de légitimation par l’utilité publique de ce qui se fait en ses murs (à l’heure où les masters professionnalisants attirent les étudiant·es).

Ces coalitions procèdent en quelque sorte de la logique des assemblages : elles composent avec (et recomposent) des entités différentes, parfois hétérogènes, pour produire des configurations le plus souvent labiles, sinon instables (Dodier et Stavrianakis, 2018 ; Dodier et Barbot, 2016). Ce sont ces assemblages que nous souhaitons discuter ci-après, en nous focalisant plus spécifiquement sur deux exemples tirés de contextes suisses distincts.

Le premier relève du dispositif, au sens de Giorgio Agamben, à savoir une production « qui, d’une manière ou d’une autre, [a] la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants » (Agamben, 2014, p. 80). Dans le cas que nous décrirons, ce dispositif devrait être composé, à terme, d’acteurs individuels, d’associations, d’institutions et d’administrations appelés à coopérer pour produire des expertises d’un nouveau genre, dans la mesure où elles seraient de nature collaborative et dialogique.

Le second exemple participe plus spécifiquement de l’agencement, en ce qu’il est articulé autour d’actions spécifiques et n’a pas pour objectif un cadrage plus général des logiques d’action. Nous nous conformons en cela à la distinction suggérée par Michel Callon (2013, p. 426-428) : « Je propose, pour clarifier une terminologie qui n’est pas exempte d’ambiguïtés, qu’on réserve la notion d’agencement à la combinaison : arrangement + action spécifique, et que l’on qualifie l’agencement pour désigner le type d’action spécifique qui est en jeu » (ibid.).

De manière plus spécifique, nous tentons de comprendre le rôle des « marginaux sécants » dans la constitution de ces assemblages, ainsi que leurs formes respectives. Les marginaux sécants étant des acteurs qui, maîtrisant les codes et les logiques d’action de plusieurs champs, entretenant des relations au sein des multiples systèmes, peuvent s’imposer comme point de passage obligé, gagnant ainsi une « marge de manœuvre, et surtout d’expérimentation » (Crozier et Friedberg, 1977, p. 187-188) vis-à-vis de leur structure organisationnelle.

Nous mobilisons, pour ce faire, un matériau collecté au moyen de vingt et un entretiens semi-directifs réalisés entre 2018 et 2019 auprès d’acteurs (contemporains et anciens) de la recherche en aménagement et urbanisme en Suisse, de deux entretiens (recoupés au moyen des entretiens semi-directifs) réalisés sous la forme de récits de vie professionnelle (tableau 1) et d’observations participantes de séances de conception d’un tiers-lieu du territoire.

Tableau 1. Synoptique des entretiens

Personnes interrogées

Nombre

Urbanistes ou architectes, responsables d’agences privées

10

Urbanistes, cadres de l’administration publique

4

Urbaniste, responsable d’agence et enseignant-chercheur

1

Chercheurs en urbanisme, responsables d’instituts de recherche

3

Chercheurs en urbanisme retraités, anciens responsables d’instituts de recherche

3

Total

21

Les entretiens semi-directifs visent à restituer l’histoire régionale du champ de la recherche en aménagement et urbanisme du point de vue du marché des études, c’est-à-dire des mandats attribués par des collectivités publiques pour documenter une question donnée, que celle-ci relève de la prospective, du diagnostic territorial, du rapport d’expertise, de l’étude d’impacts, etc.

Les récits de vie, quant à eux, ont été récoltés en vue de comprendre comment une trajectoire professionnelle est susceptible d’influencer, dans un contexte donné, une modalité de rapprochement des administrations et des institutions de recherche et de formation.

Les observations participantes, enfin, ont mobilisé l’un des auteurs de cette contribution à titre de représentant d’une haute école. Les séances observées avaient pour objectif de poser les contours et les modalités d’un réseau de collaborations en matière d’aménagement et d’urbanisme. Seules les notations issues du carnet de terrain de l’observant sont en l’occurrence utilisées. Elles activent immanquablement un regard réflexif et critique que nous avons déjà discuté par ailleurs (Matthey, 2005 et 2007 ; Fall et Matthey, 2008). Ce regard procède également ici d’une auto-analyse et d’une herméneutique de notre propre positionnement, dans la mesure où nous sommes, à des titres divers, des acteurs de la reconfiguration en question, que ce soit en tant qu’experts portant des études suscitées par les nouveaux assemblages que nous décrivons, en tant qu’enseignants responsables d’ateliers de projets réalisés en réponse à une demande émanant de collectivités publiques ou en tant que participants institutionnels à des réflexions stratégiques.

Dans un premier temps, nous esquissons les transformations de la recherche en urbanisme et aménagement en Suisse romande. Puis nous décrivons plus spécifiquement, à partir des deux récits de parcours professionnels déjà évoqués, l’émergence d’un dispositif et d’un agencement organisant la rencontre de la commande publique et de la recherche en aménagement.

D’une économie de la commande aux configurations agiles : une brève histoire de la recherche en urbanisme et aménagement en Suisse romande

La création d’un marché des études en aménagement

Alors qu’il était jusque-là largement absent du paysage politique et administratif suisse, l’aménagement du territoire est devenu, au tournant des années 1970, un objet de débat à l’échelle nationale (Walter, 1996). L’adoption d’une série de lois fédérales en lien avec le territoire et le paysage puis, en 1979, de la première loi sur l’aménagement du territoire (LAT) a provoqué une certaine effervescence dans les collectivités publiques. D’une part, communes et cantons se sont vu enjoints par la Confédération de mieux planifier et évaluer les impacts de leur développement territorial. D’autre part, les cantons, amputés d’une partie de leurs prérogatives en matière d’aménagement, ont alors cherché à développer une expertise propre pour peser dans le débat. De manière plus particulière, les cantons romands craignaient d’être soumis au poids grandissant des institutions fédérales et redoutaient un renforcement de l’Institut für Orts-, Regional und Landesplanung3 (ORL) de l’École polytechnique fédérale de Zurich.

La nécessité de produire des études d’aménagement propres à alimenter les planifications directrices désormais requises par la loi ainsi que la volonté de s’émanciper d’un producteur unique d’expertises territoriales suscitent une commande publique particulièrement forte, donnant une impulsion majeure à la structuration du marché des études en urbanisme. Cette impulsion réanime des projets débattus depuis près d’une décennie. Dès la fin des années 1960 en effet, les cantons de Suisse francophone envisageaient de créer un institut intercantonal et interuniversitaire de recherche en aménagement du territoire. Celui-ci devait servir de centre de ressources pour l’aménagement, d’une part en produisant des expertises, d’autre part en fonctionnant à la manière d’un forum régional pour l’ouest de la Suisse. Le contexte politique et aménagiste des années 1970 réactive ce projet, permettant qu’une issue soit trouvée au blocage de certains cantons4. Si cet institut n’a certes jamais vu le jour dans sa forme originelle, les discussions entamées conduisent à la création, au sein de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), de la Communauté d’études pour l’aménagement du territoire (CEAT). D’abord soutenu par des subventions publiques, ce laboratoire a pour objectif de fonctionner de manière autonome (« voler de ses propres ailes », pour reprendre les termes de l’un de ses anciens directeurs) à un horizon plus ou moins proche, en finançant ses activités au moyen d’un volume suffisant de contrats.

La manne de la commande publique attire cependant d’autres acteurs universitaires sur ce marché des études. Ainsi, dès la fin des années 1970, l’Institut de recherche sur l’environnement construit (IREC), dirigé par Michel Bassand, investit ce champ (Jaccoud et Kaufmann, 2010). Il devient, à l’aube des années 1990, non seulement le principal institut de recherche en aménagement de Suisse, mais également l’un des principaux centres de formation du personnel de recherche, contribuant à la diffusion de la recherche en aménagement et en études urbaines dans les autres universités suisses (Kaufmann, 2012).

La dissémination de la recherche sur la ville et le territoire et l’impulsion d’un nouvel agenda à partir des formations

Au tournant du siècle, la plupart des universités de Suisse occidentale s’ouvrent à la recherche sur la ville et le territoire. Marquées par la dépendance croissante des instituts aux financements externes et la contractualisation de la recherche, les universités cherchent à se positionner sur un marché désormais très concurrentiel (Felli et al., 2006 ; Benninghoff et al., 2014). Dans ce contexte, certains programmes nationaux de recherche (PNR) vont renforcer les incitations à investir le champ de la recherche urbaine. Ils conforteront également le positionnement des hautes écoles universitaire sur la thématique en question, occasionnant, dans certains instituts, une spécialisation sur des domaines émergents de l’urbanisme. Simultanément, la mise en place de plateformes dédiées aux marchés publics d’expertise permet de valoriser ces compétences thématiques nouvellement acquises sous la forme de prestations de mandats pour le compte des collectivités publiques. S’établit ainsi ce que l’on pourrait appeler un cercle de la légitimité, par lequel les hautes écoles impliquées dans le cadre de programmes nationaux de recherche en lien avec la ville et les équipes conduisant des projets de recherche fondamentale gagnent une crédibilité qui les habilite à produire de l’expertise à destination des collectivités publiques.

Si l’arrivée des universités dans le champ de l’expertise territoriale ne se fait pas, de l’avis des acteurs rencontrés, aux dépens des bureaux privés, elle contribue toutefois à sa restructuration. Des niches sont ménagées pour des acteurs aux profils et aux compétences très divers, conduisant à une spécialisation du marché selon les types d’expertise : ce que l’on appelle les « mandats de projetation » – généralement des études prospectives ou portant sur le contenu (plans d’aménagement, schémas directeurs, etc.) – reste l’apanage des bureaux privés d’architectes, d’urbanistes ou de géomètres. À l’inverse, les mandats d’évaluation (diagnostic d’une situation ou évaluation d’une politique publique territoriale) constituent le cœur de cible des hautes écoles.

Sur ce dernier marché, comme l’explique le directeur d’un des principaux bureaux d’urbanisme de Suisse romande, les acteurs privés se retrouvent en concurrence frontale avec les acteurs académiques, face auxquels ils ont beaucoup de mal à aligner leurs tarifs, les universités étant « grosso modo 20 % meilleur marché que les bureaux », selon l’ancien directeur d’un observatoire universitaire. Les bureaux n’ont par ailleurs pas la souplesse dont bénéficient les laboratoires pour mobiliser des compétences au gré des demandes des clients. Les équipes étant protéiformes, il est aisé de recruter un économiste, un sociologue ou un géographe au sein des facultés pour un mandat qui le nécessite. A contrario, les universités ne possèdent généralement pas (de l’avis de l’ancien directeur déjà cité) les compétences techniques pour des mandats de projet, ni une expérience suffisante en ce qui concerne les règles des marchés publics spécifiques aux prestations d’ingénieurs et d’architectes.

Simultanément, la reconfiguration du champ des formations en urbanisme et aménagement conduit à un renouvellement des thèmes de recherche, particulièrement du point de vue de l’environnement et du développement durable. Est exemplaire, à cet égard, le lancement d’un DESS en études urbaines par l’Institut de géographie de l’université de Lausanne, l’Institut des hautes études en administration publique de la même institution et le département de géographie de l’université de Genève. Cette formation suscitera la création de l’Observatoire universitaire de la ville et du développement durable (OUVDD), qui s’attachera à diffuser les principes de l’urbanisme durable au moyen d’une feuille d’information bimestrielle (Vues sur la ville) distribuée à l’ensemble des collectivités publiques et des bureaux de Suisse romande. Elle conduira enfin au lancement de la revue Urbia. Les cahiers du développement durable, dont le principe éditorial consiste à faire connaître des travaux de jeunes chercheurs en urbanisme, tout en accueillant des articles de professionnels de renom et d’auteurs confirmés. Ce travail de communication des thématiques liées au développement durable dans le champ de l’urbanisme alimente par la suite un marché des études, les administrations sollicitant l’OUVDD pour des mandats.

Les appels à compétences initiés par les programmes nationaux de recherche et les plans de financement incitatifs ont ainsi permis de faire émerger de nouveaux acteurs de la recherche urbaine puis de consolider leur positionnement sur le marché des études locales.

L’émergence de nouvelles alliances entre commande publique et hautes écoles

Dans ce contexte, les années 2010 marquent un nouveau tournant. D’abord, certaines collectivités publiques renouvellent leurs modes d’intervention territoriale. Le besoin de combler un déficit chronique de logements a en effet conduit à flexibiliser les outils et les procédures de l’urbanisme (Mager et Matthey, 2016). L’urgence est au logement : il faut construire vite et atténuer les oppositions qui retardent les projets. La priorité des autorités est de produire un récit – centré sur la qualité architecturale et urbaine – à même de rendre le développement urbain (particulièrement au regard des politiques de densification) plus acceptable par la population (Matthey, 2014 ; Ernwein et Matthey, 2019). Les pouvoirs publics tendent ainsi, progressivement, à favoriser des expertises qui relèvent davantage de la médiation urbanistique et territoriale que du diagnostic ou de la projetation (Maeder, 2020).

Ensuite, le champ de la recherche tend à se renouveler du point de vue de ses acteurs et de ses institutions. Outre le départ à la retraite d’un certain nombre d’acteurs historiques de la recherche urbaine, le partenariat liant cantons et EPFL (qui avait fait de la CEAT le centre de recherche appliquée de collectivités publiques) s’interrompt. En parallèle, soucieuses de renforcer le crédit de leurs formations, certaines hautes écoles universitaires se sont attachées à pérenniser leurs relations avec les pouvoirs publics par des contrats-cadres régissant les modalités de leur collaboration en matière de recherche et d’enseignement (Matthey, 2018). Se profilent alors de nouvelles configurations qui, après le temps de la flexibilité, explorent désormais les chemins de l’« agilité ». Il ne s’agit plus d’être à même de réagir rapidement à des variations de contexte, mais de constituer des coalitions d’acteurs suffisamment hétérogènes pour qu’elles puissent opérer en toutes situations, garantissant ainsi une bonne gestion de l’incertitude.

La mécanique du champ : trois systèmes de rapports

Trois systèmes de rapports émergent de cette brève histoire de la recherche en aménagement et urbanisme en Suisse romande. Il y a d’abord les rapports entre instituts de recherche, qui – en Suisse comme en France – sont impactés, à partir de la seconde moitié des années 19905, par la constitution d’un nouvel éthos de la recherche, plus entrepreneurial, impulsé par une injonction à multiplier et à diversifier les sources de financement (Barrier, 2011 ; Hubert et Louvel, 2012 ; Kiener et al., 2012 ; Benninghoff et Sormani, 2014).

Il y a ensuite les rapports entre instituts de formation, soit les mêmes que ceux évoqués ci-dessus. La dissolution de l’École d’architecture de Genève, puis celle de l’Institut d’architecture de l’université de Genève (Leresche et al., 2012) – qui, pendant plusieurs décennies, formèrent une grande partie des professionnels de l’urbanisme de Suisse romande – laisseront, durant un court laps de temps, le champ de la formation ouvert à l’émergence de nouveaux acteurs (Matthey et Mager, 2016 ; Ayoub, 2017 ; Maeder et al., 2019). De cette ouverture sortiront de nouveaux attelages portés par des disciplines (la géographie, les sciences de l’environnement ou encore le travail social) qui, historiquement liées à l’urbanisme et à l’aménagement, étaient associées aux dispositifs de formation à titre ancillaire. Ces formations vont instiller de nouveaux thèmes de recherche à même de réorienter le marché des études.

Enfin, il y a les rapports entre les producteurs de la recherche appliquée et les collectivités publiques qui émettent les appels d’offres. Si l’on peut noter, dans le cas romand, durant un temps, une forme inversée des appels à compétences tels qu’ils sont thématisés par Viviane Claude (2006) ou Véronique Biau et Thérèse Evette (2008), à savoir que ce sont les formations (une en l’occurrence) qui ont renouvelé les attentes des collectivités publiques, ce champ connaît, à la fin de la première décennie du XXIe siècle (consécutivement à l’énoncé d’un nouvel impératif catégorique, celui de produire rapidement du logement), un renouvellement de ses approches. Singulièrement du point de vue de ses modalités de gouvernement du marché des études et de leurs prestataires, avec des administrations de plus en plus enclines à orienter les axes de la recherche universitaire autour des enjeux qu’elles considèrent comme les plus stratégiques, et à initier des coalitions entre acteurs pour y répondre.

Des marginaux sécants à l’origine de nouveaux assemblages de l’expertise

C’est dans ce contexte d’un marché segmenté, dont les acteurs sont appelés à plus d’« agilité », qu’émergent des assemblages renouvelant les modalités de collaboration des hautes écoles et des collectivités publiques en matière de recherche et de formation en aménagement et urbanisme. Nous en décrivons deux, qui nous semblent devoir beaucoup à des marginaux sécants, à savoir des acteurs qui, en raison de leur parcours, évoluent à la lisière des champs de la pratique et de la recherche en urbanisme, bénéficiant ainsi d’une liberté propre à favoriser un renouvellement des manières de faire.

Carla et le dispositif d’organisation

Carla arrive dans le champ de l’urbanisme de manière presque fortuite, à la suite d’une formation en sciences humaines. Elle commence en effet à s’intéresser aux questions d’aménagement lorsqu’elle entame une thèse de doctorat sur la conduite de projets. Elle effectue alors un stage au sein d’un organisme national de recherche sur le territoire, qui confirme son intérêt pour le sujet. Elle intègre ensuite l’équipe de projet d’une métropole suisse et laisse son travail doctoral en jachère. Pendant une dizaine d’années, elle travaille dans différents services étatiques, puis envisage de reprendre sa thèse en alternance. Elle noue à cet effet des contacts avec une université locale, qui lui seront utiles lorsqu’elle travaillera, quelques années plus tard, à renouveler les modes de collaboration entre l’administration publique dans laquelle elle travaille et les hautes écoles régionales. Elle y acquerra également une connaissance des us et coutumes académiques qui lui permettra de jouer, au sein de sa structure, un rôle de traductrice de la culture des deux mondes en présence, faisant d’elle un nœud important du réseau alors en émergence.

Ce travail de renouvellement des modes de collaboration s’inspire d’un accord passé précédemment avec une institution locale pour la création d’un pôle de compétences territoriales, un accord-cadre établissant une sorte d’exclusivité pour l’octroi de mandats de recherche :

Dans un champ particulier, si on a une question qui peut être couverte par de la recherche appliquée, on la file de manière privilégiée à [la haute école en question]. Si c’est une requête absolument standard […], ça n’intéresse pas la recherche appliquée, et on va chercher de la prestation standard.

Devenue cheffe d’unité, Carla va tâcher d’élargir ce modèle de contractualisation en l’appliquant à l’ensemble du champ de la recherche commanditée sur des questions territoriales. Il s’agit alors d’inclure, dans un contrat, les différentes universités et hautes écoles locales.

Nous, on a un certain nombre de terrains, un certain nombre de sujets, et on a besoin […] de hautes écoles qui sont fortes, impliquées sur le territoire, et qui alimentent la réflexion. Raison pour laquelle j’ai fait cette proposition [de contractualisation].

Pour Carla, il ne s’agit pas tant d’attribuer de manière préférentielle des mandats à une seule structure que de placer sous un toit unique les éventuels contrats à venir et, plus largement, toutes les collaborations entre l’administration et un institut de recherche et/ou de formation donné. Idéalement, ces différents partenariats devraient en effet être recensés dans un rapport annuel listant les prestations, tant du point de vue de la recherche au sens le plus large (études d’urbanisme ou en lien avec ce domaine, production de rapports d’expertise, recherche fondamentale d’intérêt pour l’administration…) que de la pédagogie (terrains d’ateliers proposés par l’administration, personnels de l’État mobilisés lors de la présentation des grands enjeux d’un périmètre ou lors de la critique des travaux d’étudiants, etc.).

De ce point de vue, le contrat apparaît donc d’abord comme un instrument qui doit, d’une part, donner une structure à des « réseaux » pour sortir du « copinage » (pour reprendre les mots de Carla) et, d’autre part, rendre visibles des échanges de prestations. L’observation montre que ce travail d’institutionnalisation est, de fait, un processus dont chacun sort, d’une certaine manière, gagnant. L’administration bénéficie d’une plus grande visibilité sur les projets en cours (leur monitoring en est donc facilité) et dispose dans le même temps d’une lecture plus fine des compétences mobilisables dans les instituts de recherche et de formation de la région. Les hautes écoles peuvent, elles, plus facilement « saisir ou détecter des opportunités » (comme le dit Carla) de contrat ou de périmètre à destination d’ateliers de projet ou de sujets de mémoires pour les étudiant·es. En somme, l’instrument permet d’avoir les différents échanges entre les partenaires « dans le radar » pour les « capitaliser », comme l’explique Carla. Ce faisant, la contractualisation devient une tour de contrôle des échanges entre l’administration et le tissu des hautes écoles. Instrument de gouvernance, elle concrétise le dispositif, au sens où elle permet d’« orienter », de « contrôler », mais aussi de « modeler » les interactions. Si le dispositif fonctionnait à plein (ce qui n’est pas le cas, le champ à balayer étant trop étendu pour que chacun de ses acteurs dispose du temps nécessaire pour en faire le tour), les différents intervenants seraient en effet en mesure de suivre annuellement l’ampleur des flux circulant entre les partenaires, qu’il s’agisse de flux d’informations (celles transmises sous forme d’enseignements ou de rapports de recherche), de services (interventions dans des enseignements, expertises produites à titre gracieux) ou monétaires (mandats).

La mise en place de rapports contractualisés entre l’État et les hautes écoles renforce de fait le rôle de Carla comme « actrice réseau », auquel sa trajectoire professionnelle l’avait en quelque sorte destinée : de personne la plus à même de faire se rencontrer plusieurs mondes, elle est devenue le « point de passage » privilégié (Callon, 1986, p. 183), ou presque, de la commande d’études auprès des hautes écoles, d’une part, et de toutes les interactions avec elles, d’autre part. Il est bien entendu hasardeux de postuler qu’il s’agissait d’une fin anticipée, d’une stratégie au long cours élaborée par une actrice. L’hypothèse serait même non seulement spécieuse, mais dénuée d’intérêt. Celui-ci tient surtout dans la manière dont un système de dispositions acquis durant une socialisation professionnelle diversifiée s’est révélé être un ensemble de ressources dans une configuration donnée. La bonne maîtrise de diverses cultures professionnelles et la connaissance des différents usages de mondes sociaux hétérogènes ont permis à Carla de penser des relations inenvisageables ou non réalisables auparavant, lui octroyant dans le même temps un pouvoir d’action. L’hétérogénéité des expériences devient une source d’agilité dans un champ en pleine reconfiguration.

Hervé et les agencements circonstanciels

Hervé a commencé sa vie professionnelle par un parcours hybride entre pratique et recherche. Durant sa licence en sciences humaines, il participe, en tant que contractuel, à différentes études urbaines. Il intègre ensuite un bureau d’urbanisme tout en conservant un emploi à temps partiel à l’université comme vacataire. Deux ans après son diplôme, il décide d’entamer une thèse de doctorat en géographie sur la maîtrise d’ouvrage publique du projet urbain, qu’il soutient avec succès cinq ans plus tard. Ne souhaitant pas poursuivre une carrière académique, il effectue d’abord de courts mandats pour des collectivités, avant d’être embauché dans l’administration municipale d’une ville de Suisse francophone.

Dans ses nouvelles attributions, Hervé apparaît d’abord comme un outsider vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie. D’une part, il est issu d’une filière de formation alors relativement jeune dans un paysage professionnel encore largement dominé par les architectes (Maeder et al., 2019). D’autre part, son parcours d’universitaire le dote d’une certaine agilité. Sa maîtrise des « codes [de la recherche] et de l’aspect de montage de projet » lui permet d’aller chercher des ressources, notamment financières, au-delà des cadres habituels de l’urbanisme :

Par exemple, j’avais déposé une demande de « projet modèle » à la Confédération, et je pense que c’est aussi parce que j’avais un profil de chercheur [que je l’ai obtenu]. J’ai appris à monter des dossiers pour candidater pour des choses comme ça. Mes collègues ne le font pas trop, peut-être parce qu’ils ne savent pas comment s’y prendre.

Son réseau au sein des hautes écoles, établi durant ses années de doctorat, fait également de lui un interlocuteur privilégié pour gérer les relations entre l’administration publique et l’université, notamment pour répondre aux demandes de cette dernière :

On fait des expertises de mémoires, on donne ponctuellement des cours. Là aussi, j’essaie de mouiller mes collègues, de ne pas être le seul répondant, de dispatcher […]. Mais c’est vrai qu’à la base, de par mon lien un peu particulier, c’était un peu évident d’être sollicité et d’aller les solliciter pour ce genre de choses.

En retour, cette position d’interlocuteur privilégié, de traducteur aussi, offre à Hervé la possibilité de solliciter plus facilement des partenaires académiques pour enrichir sa pratique du projet urbain. Ainsi, il mandate à plusieurs reprises ses anciens collègues pour organiser des ateliers, des séminaires ou des démarches de diagnostics participatifs autour des projets urbains dont il a la charge. Il voit ce genre d’initiatives comme « une manière de provoquer », notamment de tâter le terrain auprès des acteurs – habitants ou propriétaires fonciers en particulier – qu’il souhaite inclure dans la démarche de projet, tout en bénéficiant du pare-feu de l’étude « académique ».

Ces collaborations, bien que régulières, avec les hautes écoles sont généralement construites comme des agencements circonstanciels. Elles se cristallisent autour de moments singuliers et n’aspirent pas à donner un cadre général aux rapports, en matière de recherche et de formation, entre une collectivité publique et les hautes écoles. Elles peuvent consister en des ateliers de projet, le recours à des étudiants dans le cadre d’appels à idées ou des mandats de recherche-action mobilisant des étudiants encadrés par des chercheurs confirmés pour produire des diagnostics. Parfois, elles participent des phases de diagnostics territoriaux. Parfois, elles constituent un élément de la démarche participative, alimentant des appels à idées. Parfois, enfin, elles procèdent de l’étude d’urbanisme au sens le plus classique du terme : des chercheurs produisant une expertise. Ces collaborations s’effectuent en somme par opportunité et sont aiguillées par la connaissance qu’Hervé a des rythmes et des façons de travailler des établissements de recherche et de formation. Cette culture, couplée au réseau dont il dispose, lui permet de mettre en place des arrangements (au sens de Callon) propres à favoriser la réalisation d’une action :

Avoir une recherche embarquée, pour eux, c’est aussi une plus-value, ils peuvent en tirer des enseignements et les valoriser sous la forme de publications.

Ainsi, Hervé fait advenir des coalitions autour de l’intérêt bien compris des collectivités publiques et des hautes écoles. Comme pour Carla, c’est l’hétérogénéité des ressources qu’il est capable de mobiliser qui fonde la richesse des associations qu’il propose. Là encore, il serait spécieux de spéculer sur une stratégie au long cours. Les opportunités de collaboration sont autant de moyens tactiques qui permettent de se ménager une niche au sein de l’administration. S’il reconnaît que ces démarches ne sont pas toujours bien comprises par sa hiérarchie, Hervé témoigne également du fait qu’elles ont sans doute aussi favorisé son positionnement au sein d’une structure administrative dans laquelle il occupe désormais une position privilégiée pour la mise en place de collaborations avec le monde des hautes écoles, y gagnant une marge de manœuvre pour faire de l’urbanisme autrement.

Au-delà d’une meilleure intégration de la demande et de la production d’études : garantir les conditions d’une pensée critique de la fabrication de la ville

L’intérêt de ces deux assemblages réside dans leur pouvoir de réorganisation simultanée des champs de la recherche, de la formation et des administrations publiques. Les hautes écoles sont incitées à travailler de manière plus coordonnée autour de thèmes mis à l’agenda par les collectivités publiques. Les formations bénéficient de ces partenariats tant du point de vue de l’implication des collectivités publiques dans les cours ou les ateliers de projet que de la mise en scène d’un rapport à la pratique entretenu par des masters professionnalisants. Enfin, la marginale et le marginal sécants dont nous avons rapidement décrit la trajectoire gagnent des marges de manœuvre à mesure que leur maîtrise de l’interface avec les hautes écoles s’accroît. Ils sont parmi les seuls à comprendre les « rationalités d’action » (Crozier et Friedberg, 1977, p. 186) des hautes écoles et de l’administration, ce qui les institue comme point de passage quasi obligé.

S’ils gagnent en capacité d’action, il serait toutefois fautif de dire que Carla et Hervé « instrumentalisent » la recherche (ou les hautes écoles qui l’hébergent) en mobilisant les produits de leurs collaborations à leur avantage. Ces assemblages émergents procèdent d’intentions vertueuses : il s’agit, pour l’un, de donner de la visibilité aux collaborations en cours et d’ouvrir le cercle des participants au marché des mandats ; pour l’autre, de créer de l’émulation dans un environnement propre à renouveler les manières de penser la transformation des périmètres dont il a la charge. D’une manière plus générale, ces deux assemblages procèdent d’une envie de s’affranchir de ce que la littérature managériale a nommé la « pensée en silo » ou de ce que Wright Mills a appelé le « culte du domaine étroit » (Wright Mills, 1970). Ces nouveaux régimes de l’expertise qui aspirent à intégrer plus organiquement demande et production d’étude sont de ce point de vue réjouissants.

Il demeure que le dispositif – les agencements mis en œuvre par l’un et l’autre – peut aussi être lu comme un nouveau moment d’enrôlement des acteurs de la recherche et de la formation. Un moment qui, au-delà des deux cas rapidement décrits, nécessite que les chercheurs et les producteurs d’expertise s’interrogent sur la nécessaire autonomie de leur champ, laquelle est l’un des garants d’une pensée critique. Comment, en ce moment bienvenu de rapprochement des collectivités publiques et des instituts de formation et de recherche autour des questions d’aménagement et d’urbanisme, garantir la possibilité d’interventions publiques critiques qui ne soient pas motifs à exclusion de collaborations futures ?

1 La Suisse est un État confédéral composé de vingt-six cantons eux-mêmes divisés en communes (2 202 au 1er janvier 2020). La Confédération helvétique

2 Le terme « hautes écoles » s’entend ici au sens de la « loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse

3 Littéralement, l’« Institut pour l’aménagement local, régional et du territoire », chargé à la fois de la formation des professionnels de l’

4 Le canton de Genève, notamment.

5 Le rapport de Charles Kleiber, alors secrétaire d’État à la Science et à la Recherche, pour « réinventer l’Université », publié à la fin des années 

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1 La Suisse est un État confédéral composé de vingt-six cantons eux-mêmes divisés en communes (2 202 au 1er janvier 2020). La Confédération helvétique regroupe quatre régions linguistiques : la Suisse francophone, ou Suisse romande ; la Suisse allemande, ou Suisse alémanique ; la Suisse italienne ; et enfin la Suisse romanche. Les cantons et communes sont, en raison du principe constitutionnel de subsidiarité, dotés de fortes compétences en matière d’aménagement et d’urbanisme, bien que la récente révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) soit comprise par les acteurs comme un renforcement de la centralisation (Maeder, Mager, Matthey et Merle, 2019 ; Merle, Matthey et Lévy, 2019).

2 Le terme « hautes écoles » s’entend ici au sens de la « loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles » et renvoie aux « hautes écoles universitaires, à savoir les universités cantonales et les écoles polytechniques fédérales (EPF) », aux « hautes écoles spécialisées » et aux « hautes écoles pédagogiques ». Ce sont des instituts à la fois de formation et de recherche.

3 Littéralement, l’« Institut pour l’aménagement local, régional et du territoire », chargé à la fois de la formation des professionnels de l’aménagement et du conseil aux collectivités publiques en matière d’aménagement.

4 Le canton de Genève, notamment.

5 Le rapport de Charles Kleiber, alors secrétaire d’État à la Science et à la Recherche, pour « réinventer l’Université », publié à la fin des années 1990, constitue un marqueur. La rhétorique de l’évaluation, de l’excellence et de la gouvernance par objectifs y émerge de manière inédite.

Thierry Maeder

Thierry Maeder est géographe, docteur en aménagement et urbanisme et chercheur associé à l’université de Genève, où il a également enseigné le projet urbain. Ses recherches s’intéressent à la transformation des pratiques de l’urbanisme et au croisement entre politiques urbaines et culturelles.
Contact thierry.maeder@unige.ch

Laurent Matthey

Laurent Matthey est professeur à l’université de Genève. Il y réalise des recherches qui, au croisement de l’ethnographie et des études littéraires, s’intéressent aux enjeux politiques de la mise en récit de la fabrication de la ville.
Contact laurent.Matthey@unige.ch

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