« Soutenable », « durable », « écologique », etc. sont des qualificatifs qui, de nos jours, accompagnent tous les types de projets ou d’actions, que ce soit dans le domaine de l’aménagement de l’espace (architecture, urbanisme, paysage) ou dans d’autres secteurs. Le développement durable ou soutenable est devenu en France, comme dans d’autres pays d’Europe, notre cadre quotidien.
Si nous avons connaissance et conscience des enjeux de cette politique (Brundtland, 1986), la question demeure de savoir comment concevoir « durable ». Cette question, dans le domaine de l’aménagement de l’espace, est sous-jacente à divers travaux de recherche (Souami, 2009) (Charlot-Valdieu, Outrequin, 2009) (Chiché et al., 2009) (Contal et al., 2009) (Lefèbvre, 2002) et a donné lieu à la création de réglementations et de guides pour la conception de projets architecturaux et urbains durables (Gueret, 2007 ; METL, 2013 ; Grenelle de l’environnement, 2009 ; ADEME 2006).
Cette riche littérature présente la politique générale du développement durable et son implication dans l’aménagement de l’espace sous forme de cibles ou de listes d’indices à utiliser comme outils d’aide à la décision dans la réalisation de projet. Elle offre ainsi aux concepteurs des outils pour penser « durable ». La question que pose cet article concerne les manières dont ces outils sont interprétés par les concepteurs pour donner formes et mesures à des espaces qui deviendront durables.
Ancrage scientifique et cas d’études
Cette question est ici approchée à partir des sciences cognitives (Léontiev, 1978) et des sciences de la conception (Boudon, 1992), qui permettent d’interroger et d’analyser les activités et les opérations cognitives impliquées dans la conception de l’architecture, du design, de l’espace urbain, du territoire, du paysage, etc. Ces cas concrets peuvent être divers. Ceux qui ont été étudiés pour cet article sont quelques exemples d’aménagements urbains nommés écoquartiers. Quatre d’entre eux ont été choisis pour leur exemplarité : BedZED (Royaume-Uni), GWL Terrein (Pays-Bas), Hammarby Sjöstad (Suède) et le quartier Vauban (Allemagne). Les autres sont en cours d’étude par l’Établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Sénart (l’EPA Sénart) : L’Eau vive, la ZAC de la Clé Saint-Pierre, Chanteloup, Le Balory, Plessis-Saucourt.
Ces cas sont observés dans l’intention de produire un modèle de représentation des façons dont la durabilité influence le travail cognitif du projet d’aménagement de l’espace, modèle qui se distingue des indicateurs de développement durable sujets à controverses, tels le taux de croissance du PIB ou les émissions totales de gaz à effet de serre (Berline et Lapierre, 2009). Il ne s’agit donc pas ici de produire des indicateurs d’évaluation de la durabilité des espaces produits, mais de saisir les actions de la conception de l’espace qui s’appuient sur les critères de définition de la durabilité pour attribuer des formes et des mesures à l’espace. Dans cet objectif, des textes dits réglementaires et des cas ont été étudiés suivant le protocole scientifique présenté dans la première partie de cet article.
La deuxième partie présente les résultats de cette analyse, qui, dans la troisième partie, prennent la forme d’un modèle de connaissances de ce que nous pourrions appeler l’écoconception en aménagement de l’espace. Ce modèle est discuté en conclusion, ouvrant vers de futures recherches scientifiques.
Protocole scientifique d’analyse des textes et cas
Le protocole scientifique d’analyse s’appuie sur les méthodes des sciences cognitives et de l’architecturologie appliquée. Il consiste à décrypter, au sein de textes réglementaires et de présentations de cas d’aménagement de l’espace, d’une part les critères qui définissent le durable et d’autre part les signes indiciels (Peirce, 1978) de leur influence sur le travail cognitif de conception de l’espace même.
Analyse des textes réglementaires : les critères du durable
En vue de saisir les critères qui, aux yeux de l’État, définissent le durable, des normes, guides, prescriptions et labels émis par les instances de l’État en vue de définir l’écoquartier ont été analysés. Ces documents foisonnent de nos jours et sont régulièrement mis à jour par diverses sources (ADEME, 2006 ; DRIEAidf, 2011 ; METL, 2013).
Ces documents ont été observés afin de comprendre comment ils suggèrent ou prônent des façons de concevoir « durable », et cela au moyen d’une analyse énonciative qualitative faisant émerger les caractéristiques qui, selon leurs auteurs, permettent d’attribuer des formes et des mesures déterminant la durabilité de l’espace produit. Cette analyse s’appuie sur les concepts de l’architecturologie (Boudon et al., 1994) d’une part et les méthodes de l’architecturologie appliquée (Lecourtois, 2008) d’autre part.
D’un point de vue pratique, en référence à la sémiotique peircienne, les énoncés sont interrogés en tant que susceptibles témoins de signes indiciels de trois concepts qui, en architecturologie, composent l’acte d’attribution de formes et de mesures spatiales : l’espace de référence, l’opération cognitive de conception (Lecourtois, 2008) et l’action de conception.
L’espace de référence est un concept pluriel désignant les classes de représentation de la réalité qui organisent nos connaissances et notre univers mental, à partir desquels nous orientons et nourrissons nos actions (Boudon et al., 1994). Ces classes sont diverses et personnelles. Elles se caractérisent par des sujets ou objets qui définissent des domaines tels que l’économie, la géométrie, la culture, le social, la symbolique, etc.
L’opération cognitive de conception est un concept qui se distingue de celui d’action de conception. Cette distinction s’appuie sur les travaux de Léontiev, qui opposent la conscience de l’action à l’inconscience de l’opération cognitive (Léontiev, 1978). « Marcher » est, selon Léontiev, une opération qui, en soi, n’a pas d’objectif défini et qu’il s’agirait de distinguer de l’action « d’aller chercher son pain en marchant », la marche étant ici une opération par laquelle on va accomplir une action. En résumé, l’opération cognitive de conception spatiale est donc une entité mentale inconsciente qui permet d’accomplir des actions de conception. Cette opération consiste in fine à engager un espace de référence dans l’attribution des formes et des mesures de l’espace en cours de conception (cf. fig. 1).
Les textes réglementaires ont donc été décortiqués sous le regard de ces trois concepts, en vue de décrire les espaces de référence et les actions, voire les opérations, de conception qu’ils suggèrent de mettre en œuvre dans la conception spatiale durable. Ces espaces de référence sont plus particulièrement posés ici comme des indices des critères définissant le durable.
Analyse des cas : actions et opérations de la conception spatiale durable
Cette technique d’analyse a également été utilisée sur les données recueillies concernant les quatre écoquartiers choisis pour leur exemplarité (BedZED, GWL Terrein, Hammarby Sjöstad et le quartier Vauban). Pour ces cas, il s’est agi de recenser la littérature produite à leur sujet et de sélectionner les textes les plus pertinents relativement à la nature des informations portées au regard de la conception spatiale. Les textes sélectionnés sont ceux qui présentent ces écoquartiers et tentent d’expliciter les manières dont ils ont été pensés (Lefèvre, 2009 ; Lefèvre et Sabard, 2009 ; Souami, 2009 ; Fichet et Bouvier, SD ; Bedzed, étude de cas, SD ; Ambassade de France en Suède, 2005 ; Bouvier, SD).
L’idéal aurait été de pouvoir recueillir des textes produits par les concepteurs eux-mêmes au moment des phases de conception des projets. La temporalité de la recherche vis-à-vis de celle de ces écoquartiers ne l’a pas permis, mais une analyse des contenus des documents ci-dessus évoqués a permis de dresser une première liste des espaces de référence et opérations cognitives de conception spatiale composant les actions de leur écoconception.
Une mise en regard de cette liste et de celle procédant de l’analyse des textes « réglementaires » qui composent le corpus permet de saisir des correspondances ou divergences. Les correspondances peuvent être interprétées comme des influences des uns sur les autres. Dans le cadre de cette recherche, les influences procéderaient des écoquartiers exemplaires sur les textes « réglementaires » produits plus récemment.
Cette première liste a ensuite servi de base de questionnement pour l’analyse des écoquartiers en cours d’études sur la ville nouvelle de Sénart (L’eau vive, la ZAC de la Clé de Saint-Pierre, Chanteloup, Le Balory, Plessis-Saucourt).
Les données recueillies se composent actuellement des productions textuelles, graphiques et discursives des aménageurs impliqués dans ces projets (EPA, 2011 ; EPA, 2012 ; interviews à l’EPA, 2012). À terme, ces données devraient réunir les propos d’autres acteurs impliqués dans la production de ces écoquartiers : maîtres d’ouvrage (maires, EPA Sénart et Syndicat d’agglomération nouvelle de Sénart-SAN de Sénart), urbanistes, architectes et paysagistes indépendants, promoteurs et bureaux d’études.
Résultats des analyses
D’un point de vue général, les textes réglementaires produits par les instances de l’État en vue de définir ce que serait un écoquartier proposent, pour l’essentiel, des démarches managériales ou administratives à appliquer pour inscrire son projet au sein d’une approche environnementale. Rares sont les documents qui pointent explicitement la question des formes et des mesures de l’espace.
Résultats des analyses de textes réglementaires
Parmi ces documents, un mémento produit en 2007 par Thomas Gueret (Gueret, 2007) sous le titre « Concevoir un écoquartier » est particulièrement intéressant. Huit points y sont présentés comme autant d’engagements à respecter pour fabriquer un écoquartier1. Ces huit points sont aujourd’hui portés à vingt engagements dans la charte des EcoQuartiers (METL, 2013 : 4 et 5).
Du point de vue qui nous occupe ici (la conception de l’espace), ces engagements ne se présentent guère comme des indices d’opérations de conception. Leurs énonciations ou explicitations témoignent néanmoins de sujets qui peuvent, pour le concepteur de l’espace, devenir des espaces de référence (cf. plus haut).
Ces espaces de référence susceptibles de « supporter » l’écoconception procédant de ces sujets sont : l’économie, la géographie, la technique, le parcellaire, le modèle architectural, la fonction, le voisinage, le social (Lecourtois, 2013a) (cf. tableau 1).
Les préconisations émises dans ce mémento consistent à proposer des actions de conception relatives à ces espaces de référence. Par exemple, il est expressément recommandé d’éviter l’étalement urbain et de préférer une pensée visant une densification de la ville (reconstruire la ville sur la ville). Sont ici en jeu les espaces de référence économique et parcellaire. Il est suggéré de mettre en œuvre des dispositifs permettant de recueillir et de recycler l’eau, de produire de l’énergie et de minimiser les déperditions (espaces de référence économique et technique). Il est demandé de respecter et de préserver la nature du site et d’éviter sa dénaturalisation (espace de référence géographique). Ce mémento aborde par ailleurs les « apports solaires passifs », « l’éclairage naturel », le gaspillage et les performances des bâtiments (espaces de référence géographique et économique). Il invite les concepteurs à innover pour proposer de nouveaux modèles (espace de référence de modèles architecturaux). La continuité des éléments qui composent les espaces urbains contigus du site du projet est également l’un des principes préconisés (espace de référence de voisinage). Les modes doux sont expressément demandés (vélos, piétons) ainsi que l’usage des transports en commun (espace de référence fonctionnel). L’écoquartier doit intégrer des espaces de stockage pour les vélos et les poussettes et éviter ceux des voitures (espace de référence fonctionnel). La mixité sociale, qui impose une pensée particulière de la répartition des typologies des futurs logements (espace de référence social), est également suggérée. Enfin, ce mémento invite à accueillir des investisseurs de diverses natures (promoteurs, pavillonneurs, individuels, groupements, etc.) et à privilégier le commerce local et le régionalisme (espace de référence économique).
Les espaces de référence des écoquartiers de Sénart
La deuxième phase du travail a consisté à décrypter les espaces de référence, actions et opérations cognitives de conception mises en œuvre pour la conception spatiale de BedZED, GWL Terrein, Hammarby Sjöstad, le quartier Vauban (Lecourtois, 2012) et des écoquartiers à l’étude sur la commune de Sénart. Même si cette partie ne présente que les résultats des analyses de ces derniers écoquartiers, le modèle de connaissance final tient compte de l’ensemble des analyses.
Rappelons que, pour nous, les actions de la conception spatiale sont des complexités opératoires mêlant les espaces de référence et les opérations cognitives de la conception spatiale (cf. tableau 1). Les espaces de référence relevés de l’analyse des écoquartiers de Sénart (voisinage, fonction et parcellaire, modèle architectural, social, géographie, etc.) ont chacun nourri des actions cognitives de conception sous l’action d’opérations cognitives de conception décrites ci-après : extension, implantation, reprise, découpage, dimensionnement, densification, implication et préservation.
En premier lieu, l’espace de référence de voisinage a été opératoire par la mise en œuvre d’une opération cognitive d’extension des quartiers bâtis. Cette opération d’extension se manifeste par la création de connexions entre les réseaux viaires existants et ceux à concevoir (routes, rues, chemins, canalisations, stations de train et de bus, etc.). Cet espace de référence a également conduit à l’implantation d’espaces publics en cohérence avec ceux existants et à la reprise d’éléments de la modénature architecturale pour une cohésion visuelle.
En second lieu, l’espace de référence fonctionnel a été impliqué en combinaison avec un espace de référence parcellaire par l’intermédiaire des opérations de découpage et de dimensionnement d’un maillage infrastructurel pour les déplacements « doux » (piétons, vélos, rollers, etc.) et d’îlots à connecter les uns aux autres. La fonction et le dimensionnement ont par ailleurs composé une action consistant à créer de nouvelles voies de desserte entre les communes de Sénart, entre les différents quartiers des communes et les gares de RER (le RER D traverse Sénart du nord au sud) et entre les différents quartiers des communes et le centre commercial du Carré Sénart. La mise en place de lignes de bus (Tzen, 2011) accompagne cette initiative en vue de limiter l’usage de la voiture personnelle et de pallier le manque d’espaces de parking autour des stations RER.
En troisième lieu, l’espace de référence de modèles architecturaux semble être à l’origine d’une opération cognitive de reprise de la modénature des édifices traditionnels existants (maintien des caractères des bourgs existants). Celle-ci est repensée sous le couvert de la modernité et de l’usage de matériaux dits soutenables (toits-terrasses, traitement des espaces verts et de l’eau). Cette reprise a conduit au dimensionnement des hauteurs des édifices (épannelage) et des proportions spatiales à établir entre les espaces bâtis, les espaces de parking et les espaces verts. Cet espace de référence a, avec un espace de référence social, nourri une opération de densification consistant à réunir et à compacter les lieux d’habitation en proposant de construire des « maisons sur les toits », des balcons et des « jardins » dans les étages.
En quatrième lieu, l’espace de référence social est source de deux opérations cognitives de conception de l’espace, le découpage et le dimensionnement d’espaces communautaires (jardins partagés), et d’une opération cognitive du processus de la conception d’un autre objet que l’espace, à savoir l’implication des habitants au sein du processus de conception de l’espace (cf. tableau 3). Cette opération d’implication des habitants vise à construire de nouvelles formes de convivialité au sein du futur écoquartier et des modalités de collaboration entre les différents acteurs du projet (maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrage, usagers, bureaux d’études, élus, compagnies de transport, etc.). Elle se manifeste par l’organisation de réunions de concertation avec les habitants sur le système de « l’écoute à la maison » et d’ateliers participatifs (ateliers à thème : habitat et services, nouveaux usages, quels aménagements pour quels modes de déplacement, espaces partagés, espaces préservés, etc.).
Cet espace de référence entre en jeu dans l’implantation, le découpage et le dimensionnement d’édifices d’habitation et du parc de logements, par la prise en considération de la répartition des futurs habitants suivant leurs catégories socioprofessionnelles au sein du quartier et des immeubles (« biodiversité sociale » ; « biodiversité architecturale : appartements, maisons » ; « mixité : privés, publics, accession à la propriété, location » ; « équilibre social »). Par ailleurs, il a conduit à découper le territoire pour installer des espaces « de convivialité » (espaces paysagers, espaces de jeux, jardins partagés) qui ont été implantés et dimensionnés de telle sorte qu’ils suscitent la « promenade » (fonction).
Cet espace de référence a suscité un dispositif d’habitat groupé s’inspirant des Baugruppen du quartier Vauban (Allemagne) au sein de l’écoquartier L’Eau vive. Cette écoconstruction autoconstruite (organisée par l’association Habitats groupés écologiques) implique six familles et un architecte de l’écoconstruction au sein d’un processus de conception et de fabrication de douze maisons en bois BBC (« Bâtiment basse consommation ») et d’espaces à partager. Cet espace de référence suscite ici encore une opération d’implication des habitants.
En cinquième lieu, l’espace de référence géographique est construit à partir des études techniques pré-opérationnelles commanditées par l’EPA Sénart à des consultants (l’hydraulique, le trafic, les études de l’air, de la biodiversité – faune, flore, etc.). L’implantation et le dimensionnement des espaces publics découlent de ces études. L’eau (cours d’eau existants, précipitations) a une importante capitale dans ces opérations cognitives de conception spatiale. Il s’agit tant de préserver les bassins et cours d’eau existants que de penser de nouveaux dispositifs de régulation des eaux en privilégiant leur infiltration à la parcelle (bassins). Une opération d’extension renforce ces deux opérations d’implantation et de dimensionnement pour créer des couloirs d’eau (connexions entre les éléments existants et les futurs bassins) permettant de préserver la biodiversité et le cheminement de la faune et de la flore. Il s’agit de créer des « corridors écologiques continus » dont les mesures procèdent également de la prise en compte d’un espace de référence technique par lequel des dispositifs sont pensés (bassins en eau, plaines inondables, buses en béton). Le dimensionnement des espaces d’eau créés procède également d’un espace de référence fonctionnel par lequel ils deviennent également des lieux de promenade et d’activités publiques (jeux, rencontres, fêtes). L’implantation des bassins (orientation) et de la végétation procède de l’orientation des vents (écrans). Enfin, l’ensoleillement est également pris en considération dans le découpage parcellaire de l’écoquartier, l’implantation des édifices et le dimensionnement des enveloppes de ces édifices (protection au nord et ouverture au sud, performance énergétique).
En sixième lieu, les espaces de référence économique et technique agissent ensemble et conduisent au recours à des matériaux dits écologiques (à faible impact écologique) ou de démolition pour la conception des immeubles, du mobilier urbain et de l’éclairage des espaces publics. Ils sont donc impliqués dans le dimensionnement de ces éléments et mobilisés en couplage avec un espace de référence fonctionnel par l’intermédiaire d’une opération de découpage du territoire visant à intégrer des emplois (quatorze zones d’activité pour petites et moyennes entreprises, édifices de bureaux, écopôle pour des compagnies de production énergétique ou soucieuses d’environnement) au sein ou à proximité de l’écoquartier. Des zones d’activité existantes ont également été reconditionnées de manière à les connecter aux nouveaux projets (opération d’extension par les voies et la création d’espaces publics paysagers).
L’espace de référence technique a, par ailleurs, été opératoire dans le cadre de l’implantation de systèmes de traitement des eaux par infiltration dans la parcelle ou par régulation ou rétention des eaux pluviales (plaines inondables, bassins à sec ou bassins de régulation ou en eau) et encore pour assurer la connexion du corridor écologique (buses en béton).
En septième lieu apparaît un nouvel espace de référence lié à la vue : un espace de référence visuel pris en compte pour l’implantation, l’orientation et le dimensionnement des opérations de logement relativement à l’espace public qui les entoure. L’espace public est ici considéré comme lieu de vie à contempler depuis chez soi. Ainsi devient-il un élément à prendre en considération pour implanter les édifices autour de lui, les orienter par rapport à lui de manière à offrir les meilleures vues, dimensionner les baies vitrées qui lui servent de cadre et également dimensionner les édifices eux-mêmes afin qu’ils participent au « tableau urbain » de chaque logement.
Enfin, un espace de référence temporel a été opératoire dans la conception de ces écoquartiers. C’est ici la temporalité des réalisations qui joue un rôle dans la conception du projet. Le phasage des constructions dépend des capacités financières des municipalités porteuses. Les opérations cognitives de conception spatiale engendrées par cet espace de référence sont l’extension, le découpage (spatio-temporel) et l’implantation. Penser avec le temps consiste ici à prendre en considération les manières dont les nouveaux espaces et immeubles seront vécus en relation avec les quartiers existants. Il s’agit donc de planifier l’évolution de l’écoquartier de manière à ce que les premiers usagers puissent « s’intégrer facilement à la vie locale ». Ceci conduit à commencer par l’extension des réseaux existants (voies, canalisations, etc.), la conception et la réalisation des parcelles proches des quartiers existants. L’implantation des commerces et des équipements procède également de la prise en compte de cet espace de référence pour « ne pas perturber » le fonctionnement de ceux existants.
Les tableaux qui suivent rendent compte des résultats obtenus grâce à l’analyse architecturologique des écoquartiers ci-dessus mentionnés.
Vers un modèle de connaissances de l’écoconception
Cette rapide étude permet d’esquisser un modèle de connaissance de l’écoconception faisant appel à huit opérations cognitives de conception de l’espace mettant en œuvre dix espaces de référence procédant de la prise en considération du « durable » en situation de projet d’écoquartiers. Ce modèle n’est en rien exclusif et rien ne permet de penser qu’il se suffit à lui-même pour concevoir l’espace des écoquartiers. Autrement dit, ce modèle se limite aux cas d’études et concerne exclusivement les opérations et espaces de référence pour lesquels une prise en compte de la durabilité semble avoir été opératoire. Il ne tient pas compte d’autres possibles opérations et espaces de référence qui n’auraient pas cette « durabilité » pour focale et qui peuvent néanmoins avoir agi au sein du processus de conception.
Les actions des opérations cognitives de l’écoconception de l’espace dépendent des espaces de référence qu’elles engagent dans le processus. Par ailleurs, ces espaces de référence composent des systèmes par lesquels ces opérations cognitives sont actionnées. Ainsi cette étude pointe-t-elle des jeux complexes entre ces opérations cognitives et ces espaces de référence de l’écoconception spatiale. Le tableau 5 décrit le modèle de l’écoconception, précisant les opérations cognitives de l’écoconception spatiale rencontrées dans cette étude et les objets du projet sur lesquels elles agissent en fonction des espaces de référence qu’elles convoquent.
En plus de la construction d’un modèle de représentation d’une connaissance, cette étude a également permis de mettre au jour une opération cognitive qui ne concerne pas directement la conception de l’espace mais qui participe de la démarche de projet des écoquartiers : l’implication des populations des quartiers voisins au futur écoquartier ou des futurs usagers de ces écoquartiers. Un travail reste néanmoins à faire pour éclairer les manières dont cette implication influence les espaces de référence et les opérations cognitives de l’écoconception spatiale.
Enfin, l’étude des écoquartiers pointe deux espaces de référence non découverts à partir de l’analyse des textes réglementaires : l’un visuel et l’autre temporel. L’espace de référence visuel concerne la prise en charge de points de vue physiques et le choix d’éléments du site pouvant s’offrir à la vue. L’espace de référence temporel consiste à prendre conscience du temps de la réalisation du projet urbain (cf. tableau 4).
Conclusion
L’étude ici présentée n’est qu’une étape d’une recherche qui demanderait d’établir un état des connaissances produites dans la littérature sur les écoquartiers et de poursuivre nos analyses architecturologiques de contenus sur les ouvrages de Charlot-Valdieu et d’Outrequin, notamment. Il s’agirait par ailleurs de poursuivre l’analyse des textes réglementaires tels que la charte des écoquartiers, les boîtes à outils d’aménagement durable ou encore ceux portant sur les outils d’évaluation de la conception durable. Enfin, de nouveaux entretiens avec d’autres acteurs de l’écoconception sur la commune de Sénart permettraient par ailleurs de préciser l’étude engagée. En somme, cette étude n’a de valeur que circonscrite aux cas qu’elle approche et mériterait d’être poursuivie par des études plus approfondies.