Les acteurs du projet urbain et la participation des habitants, entre évolution des pratiques et prégnance des codes culturels

Camille Gardesse

p. 133-149

Citer cet article

Référence papier

Camille Gardesse, « Les acteurs du projet urbain et la participation des habitants, entre évolution des pratiques et prégnance des codes culturels », Cahiers RAMAU, 6 | 2013, 133-149.

Référence électronique

Camille Gardesse, « Les acteurs du projet urbain et la participation des habitants, entre évolution des pratiques et prégnance des codes culturels », Cahiers RAMAU [En ligne], 6 | 2013, mis en ligne le 08 septembre 2021, consulté le 22 décembre 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/389

L’analyse de la concertation mise en place pour le projet de réaménagement des Halles de Paris (2002-2010) permet d’étudier les modes d’évolution des métiers et des processus d’aménagement urbain. L’analyse des postures d’acteurs montre qu’une logique descendante est encore prédominante dans les conceptions et dans les manières de mener un projet d’urbanisme. Un modèle de double délégation du savoir et du pouvoir renvoie à des « codes culturels » prégnants dans les représentations et les pratiques des acteurs institutionnels, qui agissent comme des modalités de légitimation de leur rôle. Toutefois, le poids des manières de concevoir les projets urbains semble se trouver en tension avec des formes de changements naissants. Dans le cas des Halles, l’implication dans le processus participatif a favorisé des logiques d’adaptation et d’apprentissage pour les acteurs en charge du projet : leur expérience de la concertation a eu une fonction à la fois pédagogique et réflexive. Mais ces évolutions, notamment dans le contexte particulier de la Mairie de Paris, paraissent encore laborieuses : des aspects structurels et organisationnels les limitent.

La démarche de « concertation1 » mise en place pour le projet de réaménagement des Halles par la Mairie de Paris entre 2002 et 2010 est un cadre propice pour étudier les possibilités et les modes d’évolution des métiers de l’aménagement urbain au regard de l’implication des habitants2. Depuis les années 1990, il est question du passage d’un urbanisme hiérarchique imposant les modifications du cadre de vie aux habitants à un modèle de « projet négocié » (Callon, 1997 ; Novarina, 1998) qui introduirait de nouvelles manières de « faire » les projets urbains. La mise en place d’une démarche participative pour l’opération des Halles a en effet été vécue par les acteurs en charge du projet comme un processus qui les amenait nécessairement à modifier leurs pratiques. Néanmoins, le modèle de projet négocié suppose également que différents acteurs, dont les habitants, soient impliqués dans l’élaboration du projet et négocient d’égal à égal. Or l’analyse des postures d’acteurs dans l’opération des Halles montre qu’une logique descendante est encore prédominante dans les conceptions et dans les manières de mener un projet d’urbanisme (Gardesse, 2011). Les positionnements des acteurs en charge de cette opération vis-à-vis de cette démarche de « concertation » et, plus largement, vis-à-vis de la place des habitants dans un processus de projet urbain s’inscrivent dans une forte « typification des rôles » (Berger, Luckmann, 1986). Celle-ci renvoie à la prégnance d’un modèle de double délégation dans le champ du projet urbain, basé sur la reconnaissance du paradigme de la démocratie représentative comme seul système politique légitime et sur la mise en valeur de la raison technique et de la figure du concepteur comme créateur, détenant des savoirs et des dons inaccessibles aux habitants – ce qui correspond au « modèle de l’instruction publique » décrit par Michel Callon (Callon, 1998).

Ces postures renvoient à ce que nous appelons « des codes culturels » prégnants dans les représentations et les pratiques des acteurs institutionnels. En effet, l’analyse révèle que la méfiance des acteurs en charge du projet urbain vis-à-vis des acteurs de la société civile et l’implication limitée de ces derniers relèvent à la fois de dimensions structurelles et stratégiques. Ce qui nous semble faire le lien entre les deux est l’idée de dispositions comme manière de penser assimilée, qui définissent le champ du pensable et donc des actions possibles. C’est ce que nous exprimons par l’expression « codes culturels ». Nous appréhendons alors la « culture » en tant que modèle structurant des actions, organisé d’une part en fonction de valeurs politiques et sociales contextualisées, et d’autre part dans le champ du projet urbain, à partir de normes qui permettent aux acteurs de se reconnaître et d’être reconnus comme en faisant partie3.

La référence aux codes culturels permet de mettre en évidence deux aspects :

  • En premier lieu, elle permet de spécifier ce qui est commun à un groupe d’acteurs dans un champ donné. Elle renvoie alors à ce qui permet de les « souder » et de les « définir » par des spécificités. Les codes culturels considérés comme collectifs correspondent à ce qui est transmis socialement et à ce qui peut structurer un groupe. C’est pourquoi nous pensons que ces formes culturelles sont des terreaux des postures développées par les acteurs du projet urbain.

  • En second lieu, il s’agit de préciser l’enjeu de cet ancrage culturel : nous supposons que, s’il est aussi prégnant, c’est parce qu’il permet aux acteurs de revendiquer leur légitimité dans le champ dans lequel ils opèrent. C’est pourquoi il agit comme un facteur de limitation de l’implication des habitants. Les travaux de sociologues des professions, notamment ceux de Claude Dubar et Pierre Tripier, montrent bien comment la dynamique de légitimation est essentielle pour constituer un champ professionnel (Dubar, Tripier, 1985). Il y a ainsi un enjeu à être reconnu comme étant en charge du projet urbain, en tant que professionnel ou décideur, et cette reconnaissance passe par une certaine forme de distanciation avec l’habitant. Cette dynamique de légitimation de son statut et de son rôle d’acteur d’un champ semble être particulièrement importante dans la constitution des professionnels de l’urbain (Biau, Tapie, 2009).

Toutefois, il nous faut spécifier que cette approche par les codes culturels des acteurs du champ urbain ne doit pas conduire à négliger les différences culturelles possibles entre eux ni le rôle déterminant de leurs trajectoires individuelles et de leurs expériences personnelles. C’est en effet par ces dernières que se structurent des représentations, des savoirs et des savoir-faire. Il nous semble précisément essentiel de veiller à ne pas « figer » les figures d’acteurs. Ainsi, le recours à la notion de codes culturels communs autour de la prégnance du paradigme de la démocratie représentative ne vise pas à minimiser l’idée de « sous-cultures politiques » défendue notamment par Denys Cuche ou par Bertrand Badie (Cuche, 1996 ; Badie, 1993). De plus, le champ de l’aménagement de l’espace rassemble plusieurs professions, des « segments » (Bucher, Strauss, 19614), ainsi que des individus à la trajectoire biographique particulière (Hughes, trad. Chapoulie 1992) et aux intérêts parfois distincts. Or il nous semble que, précisément, utiliser la notion de codes culturels permet de ne pas méconnaître la diversité des pratiques, mais bien de souligner les traits communs (unité des codes culturels) malgré les différences5.

Néanmoins, si l’entrée de l’habitant peut représenter un risque de fragilisation de la légitimité des acteurs institutionnels, les amenant précisément à mobiliser ces codes culturels, on peut également supposer que cette entrée peut conduire à une évolution des représentations et des pratiques de conception urbaine, et, ce faisant, des codes culturels eux-mêmes. Des évolutions sont en effet identifiables dans le contexte français, dues notamment au développement d’injonctions réglementaires et d’expériences locales de participation. Des évolutions sont également visibles dans le cas du projet des Halles, dans les manières d’appréhender et de pratiquer l’implication des habitants. Cet article s’attache précisément à étudier la « portée » des dispositifs participatifs (Fourniau, 2007) pour les acteurs impliqués et pour les pratiques de conception urbaine. Deux éléments corrélés permettent d’appréhender cette portée : les logiques d’apprentissage engendrées par l’expérience de participation pour l’ensemble des acteurs ainsi que les changements auxquels ces logiques peuvent aboutir. Il s’agit ainsi de nous demander d’une part en quoi l’implication dans la « concertation » pour le projet des Halles a pu avoir une fonction pédagogique et d’autre part en quoi celle-ci peut influencer les actions et représentations des acteurs en charge du projet au cours de la démarche participative. Ce faisant, nous sommes amenés à envisager les possibilités de capitalisation et de réinvestissement des apprentissages, notamment dans d’autres projets urbains.

Avant de pouvoir préciser ce que nous avons pu observer au cours de l’opération des Halles, il nous faut présenter rapidement son contexte et sa chronologie. Nous avons distingué trois phases de « concertation » selon les étapes du projet urbain et les changements qui ont eu lieu en termes d’organisation et de modalités du processus participatif.

Phase 1 : 2003-2005, marchés d’études de définition pour définir le parti urbain du projet : « concertation » peu formalisée avec les associations de quartier.

Lors du lancement du projet, fin 2002, la Mairie de Paris annonce une « concertation » pour le réaménagement des Halles « large et à destination de tous les publics concernés6 » : riverains, Parisiens et Franciliens. Au début de l’année 2003, la société d’économie mixte (SEM) Paris Centre est missionnée pour gérer des marchés d’études de définition simultanés, et hérite ainsi de l’organisation de la « concertation ». La démarche qu’elle adopte jusqu’en 2004 distingue les « riverains » et le « grand public7 » (Parisiens, Franciliens et touristes). Au cours des différentes étapes des études de définition, tous ne sont pas impliqués de la même façon : seuls les riverains organisés en associations sont sollicités pour des réunions avec les équipes de concepteurs, les aménageurs SEM et les élus de la Mairie de Paris. Le grand public, qui sera ensuite désigné par le terme de métropolitains, est mobilisé dans des réunions publiques et des enquêtes de fréquentation. Il n’est impliqué que sous forme d’information et de consultation, notamment lors de l’exposition des quatre projets sélectionnés au printemps 2004 : les visiteurs y sont invités à déposer leur avis dans une urne. A l’issue des études de définition, c’est le projet de l’équipe SEURA de David Mangin qui est retenu pour définir le parti d’aménagement urbain général.

De nombreuses discussions sur les modalités d’implication des habitants ont lieu tout au long de l’année 2005 entre les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile préalablement mobilisés. En émerge une Charte de la concertation8 adoptée en janvier 2006.

Phase 2 : 2006-2010, cahier des charges, concours et programmation pour le futur Forum et élaboration du projet de jardin : « concertation » plus formalisée mais toujours majoritairement avec des habitants riverains organisés en associations.

La Charte de la concertation instaure des modalités plus formalisées, avec notamment l’organisation de groupes de travail thématiques (GTT) réunissant l’ensemble des habitants mobilisés, les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage. Durant cette deuxième phase de « concertation », organisée par des services internes à la Ville de Paris (Direction de l’urbanisme, puis Direction du patrimoine et de l’architecture et enfin Mission Halles), ce sont toujours les associations de quartier et quelques représentants militants et universitaires qui sont les plus largement – presque exclusivement – visibles dans le processus participatif, assistant très régulièrement aux réunions9. Les métropolitains sont mobilisés ponctuellement à l’automne 2006, à travers des enquêtes de fréquentation et deux jours de travail en groupes, réalisés sous la pression d’un collectif d’associations. Mais, parallèlement au déroulement de ces enquêtes, le projet continue d’avancer : le cahier des charges pour le concours d’architecture du futur Forum est donc construit en grande partie sans s’appuyer sur leurs enseignements. Le projet lauréat pour le bâtiment est celui de Patrick Berger et Jacques Anziutti, appelé la Canopée. Dans le même temps, c’est l’équipe SEURA de David Mangin qui élabore le projet de jardin.

Phase 3 : octobre 2009-juin 2010, réflexions sur les services à destination des métropolitains : élargissement de la « concertation » (parallèlement aux phases de permis de construire pour le futur Forum et le jardin).

L’absence générale d’inclusion des différents habitants concernés par le projet dans le processus d’implication est à nuancer au regard de la dernière démarche de « concertation », mise en place à l’automne 2009, explicitement à destination des métropolitains et de personnes non impliquées précédemment dans le processus participatif. Cette démarche est confiée à des équipes extérieures à la Mairie de Paris, jeunes urbanistes et programmistes spécialisés dans les processus participatifs, qui privilégient une méthodologie qualitative (focus groups et parcours commentés). Toutefois, les propositions de programmation qui émanent de cette démarche ne concernent pas d’éventuels réaménagements de l’espace10, car les conditions étaient dès le départ de ne pas « remettre en cause la programmation ou le calendrier prévus11 ». Parallèlement, la SEM PariSeine a géré la fin de la « concertation » avec les représentants associatifs.

Fig. 1 : Chronologie des dispositifs de concertation mis en œuvre pour les Halles, Paris

Fig. 1 : Chronologie des dispositifs de concertation mis en œuvre pour les Halles, Paris

Source : Gardesse, 2011.

Ces quelques éléments de présentation de l’opération de réaménagement des Halles permettent de mettre en exergue la profonde complexité de ce projet : il concerne plusieurs aspects, qui sont traités à partir de 2005 en parallèle, à des rythmes et selon des procédures différentes. Le système d’acteurs est également très complexe, car plusieurs maîtres d’ouvrage sont impliqués dans la gestion du projet. En effet, le site rassemble divers équipements qui impliquent différents organismes publics et privés : le centre commercial, loué en bail emphytéotique à Unibail ; le pôle d’échanges RER et Métro géré par la RATP et le STIF ; les espaces publics, voirie et jardin, dont la responsabilité revient à la Ville de Paris. En ce qui concerne la Mairie de Paris, plusieurs acteurs politiques et professionnels sont engagés successivement au cours de l’opération.

Afin de simplifier notre propos, nous concentrerons notre analyse sur les acteurs « professionnels » de l’opération, que nous identifions comme les acteurs d’assistance à maîtrise d’ouvrage interne et externe à la Mairie de Paris hors cabinets d’étude (Sem Paris Centre, Direction de l’urbanisme, Direction du patrimoine et de l’architecture, Mission Halles, SEM PariSeine) et les maîtres d’œuvre (cf. Schéma système d’acteurs général supra). Il existe entre ces différents acteurs des différences de postures vis-à-vis de l’implication des habitants, particulièrement entre les maîtres d’œuvre et les acteurs AMO internes ou délégués en charge de la « concertation » et de la conduite du projet. Ces perceptions sont déterminées en grande partie par les relations qui lient les acteurs à la Ville de Paris en fonction de leur statut et des étapes du projet dont ils ont été en charge, mais aussi de leur vécu personnel de la « concertation ». Néanmoins, malgré ces différences, nous pouvons mettre en exergue un ensemble d’éléments communs entre ces professionnels, qui renvoient à la manière dont leurs représentations et leurs pratiques sont questionnées et modifiées par les processus participatifs.

Fig. 2 : Le système d’acteurs général de l’opération des Halles, 2002‑2010

Fig. 2 : Le système d’acteurs général de l’opération des Halles, 2002‑2010

Source : Gardesse, 2011.

La fonction pédagogique du processus participatif : apprentissages et adaptations des acteurs professionnels

L’évolution législative et réglementaire rend désormais incontournables les procédures participatives pour certains types de projet12. Les acteurs professionnels en sont conscients et savent qu’il ne « pourra plus y avoir de projets sans concertation », comme nous l’ont dit plusieurs d’entre eux. Or la confrontation avec la mise en place de dispositifs participatifs représente le premier facteur d’évolution des pratiques des professionnels. C’est en effet l’expérience participative elle-même qui engendre des apprentissages13.

La mise en place d’une « concertation » amène de fait les acteurs professionnels à modifier leurs manières de travailler à la conception de projets urbains :

  • elle implique un nouveau mode d’organisation du processus de décision, en raison des validations plus fréquentes qu’elle demande ;

  • de même, le processus d’élaboration se trouve modifié par la nécessité de synthétiser plus souvent les éléments du projet et par la réalisation des documents spécifiques pour les réunions.

Dans ce cadre, les apprentissages concernent surtout des dimensions logistiques et communicationnelles. Les acteurs professionnels ont dû apprendre à gérer des réunions, à préparer des documents pour celles-ci, à organiser les convocations, mais aussi à communiquer sur les aspects techniques du projet (notamment par la réalisation de supports visuels), à « verbaliser » leurs pratiques, à réaliser des comptes rendus. Leurs apprentissages s’apparentent alors à un processus d’adaptation, directement engendré par l’expérience de la « concertation », car ils n’avaient pas été spécifiquement formés au préalable aux méthodes d’implication d’habitants. D’ailleurs, tous ont souligné qu’ils avaient modifié leurs pratiques « au fur et à mesure » de l’opération, certains acteurs AMO affirmant avoir « inventé » les modalités mêmes de la « concertation ». Certaines évolutions repérées au cours du processus (par exemple l’attention portée au moment d’envoi des documents et à leur contenu) tendent à montrer qu’effectivement les acteurs en charge du projet ont adapté leurs pratiques en termes de gestion des dispositifs participatifs, souvent en réaction à des remarques faites par les acteurs de la société civile sur des défauts de méthode par rapport à la Charte de la concertation. Au demeurant, l’application des modalités définies par cette dernière rendait nécessaire une adaptation des pratiques des acteurs en charge du projet.

Ainsi, certaines évolutions sont repérables dans la manière d’organiser et de gérer les dispositifs participatifs entre 2003 et 2010, qui correspondent aux trois phases de « concertation » mentionnées en introduction. L’apprentissage est alors corrélé à une forme de réinvestissement direct. De plus, l’invention au fur et à mesure de l’opération a permis un processus cumulatif et une transmission de pratiques d’une structure AMO à l’autre. De fait, les acteurs professionnels en charge des dispositifs participatifs ont changé au cours du projet : ainsi, la Direction de l’urbanisme a récupéré les éléments constitués par la SEM Paris Centre entre 2003 et 2005. Par la suite, lorsque la Direction du patrimoine et de l’architecture puis la Mission Halles (interne Mairie de Paris) et enfin la SEM PariSeine ont été chargées de l’organisation de la « concertation », elles ont hérité de l’organisation établie par la Charte de la concertation et de l’expérience des chargés de mission de la DU pour sa mise en place et sa conduite. Les apprentissages renvoient ainsi à la fois à des processus individuels d’adaptation et à des phénomènes de transmission entre agents et services, qui correspondent alors davantage à des processus collectifs.

La fonction réflexive des processus participatifs : enseignements pour des projets futurs

Les apprentissages peuvent également être envisagés sous l’angle d’une capitalisation et d’un réinvestissement dans d’autres projets urbains, ce qui tend à souligner la portée réflexive de l’expérience participative pour les professionnels de l’urbain.

C’est principalement à partir des erreurs et des écueils de la « concertation » des Halles que les professionnels ont développé des discours concernant leurs futures pratiques quant à l’implication des habitants14. Les défauts de méthode pointés pour l’opération des Halles peuvent être ainsi mobilisés pour réfléchir à de meilleures manières de faire à l’avenir. Il s’agit alors d’une forme d’apprentissage « en négatif » à partir de l’implication dans le processus participatif, qui correspond à l’idée de Jean-Michel Fourniau et de Louis Simard selon laquelle « l’expérience et son évaluation en termes de succès et d’échecs favorisent l’adoption d’attitudes nouvelles dans la conduite des projets » (Fourniau, Simard, 2007).

Parmi les problèmes mis en avant par les acteurs professionnels et politiques comme étant à améliorer dans les pratiques participatives, un certain nombre rejoignait les modalités de critères que nous avons utilisés comme grille d’évaluation (transparence, temporalité, inclusion, égalité, argumentation ; Gardesse, 2012). Ainsi, des défauts de clarification et de hiérarchisation des thématiques semblent avoir été perçus par les acteurs en charge des dispositifs. La question de la clarification des règles émerge notamment au sujet de la formalisation de la méthode. Au demeurant, la Charte de la concertation et l’organisation qu’elle entérine sont globalement remises en question par les différents acteurs au cours de nos entretiens. Plusieurs d’entre eux estiment par exemple que les modalités définies par ce document étaient « trop rigides ». Finalement, il ressort des discours des professionnels de l’urbain qu’ils ne sont pas convaincus qu’un modèle méthodologique puisse exister pour organiser un processus participatif – alors même qu’on peut observer par ailleurs la demande récurrente de professionnels d’avoir accès à des « boîtes à outils » de la participation. L’exemple de la Charte de la concertation pour le projet des Halles semble au contraire les avoir convaincus qu’il y a un risque à trop « figer » les modalités organisationnelles des dispositifs. Certains évoquent la possibilité de poser des principes en amont des processus participatifs, mais avec l’idée que la méthode doit être adaptée à chaque projet.

Ainsi, même si c’est principalement par leurs dysfonctionnements, les dispositifs participatifs organisés pour l’opération des Halles semblent avoir eu une fonction réflexive pour les acteurs professionnels, pouvant éventuellement entraîner des changements dans leurs futures pratiques. Néanmoins, il faut souligner que cette réflexivité ne va pas jusqu’à interroger le travail technique, de conception et de production du projet, des professionnels. Elle concerne surtout les possibilités d’échanger avec des habitants autour d’un projet urbain pour les associer à la réflexion.

Autre élément qui nous paraît essentiel : les évolutions possibles des pratiques et des représentations des professionnels de l’urbain en termes de pratiques participatives ne paraissent reposer que sur leurs propres réflexions à partir de ce qu’ils ont vécu au travers de la « concertation » organisée pour le projet des Halles. De ce fait, « l’expérience » apparaît primordiale dans le phénomène d’apprentissage. En effet, quasiment aucun d’entre eux ne nous a parlé des services internes à la Mairie de Paris dédiés à ces questions (services Démocratie locale) ni des outils et formations qu’ils proposent. D’ailleurs, à aucun moment au cours du processus, les acteurs en charge des dispositifs ne se sont appuyés sur ces ressources, pourtant en développement depuis le début des années 2000.

Vers une évolution générale des pratiques participatives dans les projets urbains parisiens ?

Néanmoins, certains aspects de l’opération des Halles renvoient à des éléments développés par ailleurs, dans le même temps, dans des projets urbains parisiens. Ces éléments peuvent correspondre à des « signaux faibles15 » d’une évolution générale des pratiques d’implication des habitants dans l’action publique urbaine à Paris. Par exemple, le recours de plus en plus fréquent à des professionnels de la participation extérieurs à la Mairie de Paris pour leur confier l’organisation des dispositifs nous semble révélateur de changements à l’œuvre dans la façon de percevoir l’implication des habitants. Le recours à des personnes ayant l’expérience de démarches participatives s’est instauré voire systématisé au cours des années 2000. Il est apparu dans l’opération des Halles lors de la troisième et dernière phase de « concertation ». Ce phénomène peut signifier que l’implication des habitants n’est plus perçue comme une simple démarche de validation des projets, dans une relation centrée sur les rapports élus-citoyens, mais bien comme un élément en soi, constitutif de la démarche de projet urbain.

De la même façon, l’intégration de la « concertation » dans les dimensions réglementaires des procédures peut amener à une évolution des pratiques. Selon les acteurs professionnels que nous avons rencontrés, la dimension « concertation » est de plus en plus souvent inscrite dans les marchés publics de maîtrise d’œuvre qui concernent les opérations d’aménagement. Ce n’était pas le cas au début des années 2000 et cela peut indiquer une évolution dans la façon de concevoir l’implication des habitants : l’aspect participatif semble plus « intégré » réglementairement au processus d’élaboration. Toutefois, il faudrait analyser plus précisément la teneur de la clause sur la « concertation » dans les marchés, pour savoir si elle s’apparente simplement à la mise en application d’injonctions réglementaires ou bien si elle illustre véritablement une intégration des démarches participatives aux processus de projets urbains. Dans l’opération des Halles, les maîtres d’œuvre étaient engagés par contrat à assister à des réunions de « concertation ». Pour autant, rien n’encadrait la prise en compte des apports de ces dernières dans leurs propositions.

Si l’on ne peut pas réellement parler de « basculement » des pratiques, l’étude de l’expérience participative de l’opération des Halles montre que se développent progressivement des adaptations, des apprentissages et une forme de réflexivité vis-à-vis de l’implication des habitants. En même temps, ces changements se situent dans une dialectique avec la prégnance des codes culturels. Ces derniers limitent en effet l’évolution des pratiques ou tout du moins la rendent laborieuse. Ainsi, s’il y a bien des modifications des pratiques d’implication des habitants qui renvoient à la manière de « faire » un projet urbain, le travail d’élaboration technique et de conception lui-même semble peu modifié. L’opération des Halles n’a pas donné lieu à de la coproduction, et les discours des professionnels ne laissent pas penser qu’ils s’orientent vers cette modalité d’élaboration de projet. C’est pourquoi nous pensons observer actuellement un « moment de tension » : le poids des manières de concevoir et de mener les projets urbains se trouve en tension avec des formes de changements naissants.

Dans cette perspective, l’approche par les codes culturels des acteurs professionnels ouvre un axe de recherche important pour mieux comprendre les positionnements des acteurs en charge de projet urbain vis-à-vis de la participation. Il faudrait préciser ce qui, chez ces derniers, peut faire varier les représentations et spécifier les caractéristiques culturelles relatives à des statuts et à des métiers. Il serait ainsi intéressant d’étudier précisément ce qui peut distinguer les postures en fonction des trajectoires biographiques des acteurs, car la culture est un processus de construction sociale, avec des influences structurelles, qui dépend donc en partie des formations et des orientations idéologiques des acteurs du champ de l’aménagement urbain. En effet, nous pensons qu’au sein des cadres culturels que nous avons pu repérer, des doctrines politiques et professionnelles particulières peuvent jouer et provoquer des distinctions de positionnements16.

De plus, comme le remarque Jean-Louis Génard, en allemand, le mot « culture » se dit Bildung, ce qui signifie également « formation » (Génard, 2005). Ces éléments de postures renvoient donc aussi à un manque de formation à la participation. Le recours à des urbanistes extérieurs, disposant de compétences spécifiques en matière de participation, amène précisément à s’interroger sur la portée de la formation des urbanistes. L’arrivée de ces nouveaux professionnels, souvent issus des générations les plus récemment formées à l’urbanisme et à l’architecture, peut introduire de nouvelles manières de concevoir les projets urbains et d’y associer les habitants. Il serait alors intéressant d’observer si la participation est en train de devenir une de leurs fonctions à part entière, un des aspects de l’activité d’urbaniste et d’architecte. Assisterait-on à une évolution des références culturelles politiques et professionnelles dans le champ du projet urbain ? Selon quels mécanismes de diffusion des pratiques ou de transmission des savoirs et savoir-faire ? Quelles répercussions cela peut-il avoir sur les pratiques de conception urbaine ? Toutefois, il ne s’agit peut-être pas (encore) d’une transformation de tout le champ des professionnels de l’urbain. Dans ce cas, nous pouvons faire l’hypothèse de l’émergence de nouveaux « segments » professionnels (Bucher, Strauss, 1961) tournés vers la participation17.

1 Nous utilisons le terme « concertation » entre guillemets lorsqu’il s’agit de l’expression utilisée par la Ville de Paris. La portée effective de

2 L’opération des Halles s’inscrit dans un cadre global d’évolutions structurelles quant à l’implication des habitants dans les projets d’urbanisme.

3 Nous nous inspirons alors d’éléments issus des théories du courant de l’institutionnalisme sociologique dans les analyses des politiques publiques

4 La notion de segment est définie ainsi par Bucher et Strauss : « Pour toute profession, les identités, ainsi que les valeurs, et les intérêts, sont

5 Un aspect essentiel est que tous les acteurs en présence sont soumis au poids de ces cultures : en tant que modèles structurants, les codes

6 Direction de l’urbanisme de Paris, Mise en valeur du quartier des Halles, délibération AUC-02-178, votée par le Conseil de Paris le 15 décembre 2002

7 Mairie de Paris, SEM Centre, Marchés de définition simultanés pour l’étude et l’aménagement du quartier des Halles, Cahier des clauses techniques

8 Direction de l’urbanisme de Paris, Charte de la concertation, janvier 2006 (ce document est disponible sur le site Internet de l’IUP, rubrique les

9 Une centaine de réunions de 2006 à 2010.

10 Elles concernent uniquement la mise en place de services localisés dans les espaces souterrains (dans le pôle d’échanges majoritairement).

11 Note de cadrage d’un projet de cahier des charges pour l’étude relative au caractère métropolitain de l’espace public des Halles, Mairie de Paris

12 Notamment l’article L 300-2 du code de l’urbanisme.

13 La « concertation » pour le projet des Halles a été vécue et perçue très négativement par les acteurs politiques et professionnels en charge des

14 Ceux-ci étaient notamment liés à un vécu très négatif de la « concertation » de la part de la plupart des acteurs impliqués dans celle-ci, en

15 Selon l’expression employée en veille scientifique et reprise par Guillaume Faburel et Camille Roché pour appréhender les formes « de construction

16 Ceci est d’ores et déjà visible dans l’étude du projet des Halles à travers les postures des professionnels de l’urbain spécialistes des démarches

17 C’est en quelque sorte ce que suggère Elise Macaire, dans son étude de démarches alternatives au processus traditionnel d’élaboration des projets

BADIE B., 1993, Culture et Politique, Economica, Paris.

BERGER P., LUCKMANN T., 1986, La construction sociale de la réalité, Méridiens Klincksieck, Paris.

BIAU V., TAPIE G., 2009, La fabrication de la ville, métiers et organisations, Parenthèses, Marseille.

BUCHER H.S., STRAUSS A., 1961, « Profession in Process », American Journal of Sociology n° 4, traduit en 1992 dans STRAUSS A., La trame de la négociation, L’Harmattan, Paris.

CALLON M, 1997, « Concevoir ; modèle hiérarchique et modèle négocié », dans

BONNET M. (dir.), L’élaboration des projets architecturaux et urbains en France, vol. 1 : les acteurs du projet architectural et urbain, PUCA, Paris.

CALLON M., 1998, « Des différentes formes de démocratie technique », Annales des Mines, Série trimestrielle n° 9 (janvier).

CUCHE D., 1996, La notion de culture dans les sciences sociales, La découverte, Paris.

DUBAR C., TRIPIER P., 2005, Sociologie des professions, Armand Colin (2e éd.), Paris.

FABUREL G., ROCHE C., 2012, « Entre les écoquartiers et l’habiter écologique : les valeurs et les principes de l’action territoriale pour la ville durable », communication au colloque international « Sociologie des approches critiques du développement et de la ville durables », UMR Lavue, ENSAP Val de Seine, 1‑2 février 2012.

FOURNIAU J-M., SIMARD L., 2007, « Ce que débattre nous apprend. Eléments pour une évaluation des apprentissages liés au débat public », in REVEL M. et al. (dir.), Le débat public : une expérience de démocratie participative, La découverte, Paris.

FOURNIAU J-M., 2007, « Introduction : l’évaluation du débat, une composition entre utilité sociale et portée démocratique » dans REVEL M. et al. (dir.), Le débat public : une expérience de démocratie participative, La découverte, Paris.

GARDESSE C., 2011, La concertation citoyenne dans le projet de réaménagement du quartier des Halles de Paris (2002-2010). Les formes de la démocratisation de l’action publique en urbanisme et ses obstacles, Thèse de doctorat en urbanisme, aménagement et politiques urbaines de l’Université Paris Est Créteil, Lab’Urba, ZETLAOUI-LÉGER J. (dir.).

GARDESSE C., 2012, « La double invisibilité des citoyens et de leurs expertises dans un dispositif participatif : le traitement de la dimension métropolitaine du site des Halles de Paris dans le projet de réaménagement du quartier, 2003-2010 », dans HAMMAN P. (dir.), Ville, frontière, participation : de la visibilité des processus démocratiques dans la Cité, Programme Villes invisibles de la Misha et du CRESS, collection Universités, Editions Orizons, Strasbourg.

GENARD J-L., 2005, « Raisons techniques, raisons pratiques », dans De la participation urbaine. La place Flagey : Les Cahiers de la Cambre Architecture n° 3.

HALL P., TAYLOR R., 1997, « Les trois néo-institutionnalismes », Revue Française de science politique, n° 47 (3‑4).

HUGHES E.C., trad. 1992, Le regard sociologique, textes réunis par CHAPOULIE

J-M., éd. de l’EHESS, Paris. MACAIRE E., 2012, L’architecture à l’épreuve de nouvelles pratiques. Recompositions professionnelles et démocratisation culturelle, thèse de doctorat, Université Paris- Est, LET-ENSAPLV, ZETLAOUI-LÉGER J. (dir.).

NOVARINA G., 1998, « La construction des demandes sociales par le projet d’urbanisme », Gouvernances : Annales de la recherche urbaine, PUCA, n° 80‑81.

1 Nous utilisons le terme « concertation » entre guillemets lorsqu’il s’agit de l’expression utilisée par la Ville de Paris. La portée effective de cette démarche devrait être mesurée à l’aune des échelles d’implication citoyenne aujourd’hui établies.

2 L’opération des Halles s’inscrit dans un cadre global d’évolutions structurelles quant à l’implication des habitants dans les projets d’urbanisme. De plus, le projet des Halles a débuté au début des années 2000, alors que le sujet de la participation des habitants à l’action publique commençait à émerger dans les préoccupations des acteurs politiques. L’attention accordée à la thématique participative s’est accentuée tout au long de la dernière décennie sur le plan national et a engendré des réflexions et la création d’instances spécifiques au sein de la Mairie de Paris.

3 Nous nous inspirons alors d’éléments issus des théories du courant de l’institutionnalisme sociologique dans les analyses des politiques publiques, qui parlent de « matrices cognitives » opérant en arrière-fond de la vie sociale et politique et « contribuant à la création et à la reproduction d’arrangements institutionnels » (Hall, Taylor, 1997). Les auteurs de ce courant insistent sur les influences des modèles culturels nationaux ou régionaux sur les pratiques des institutions. Les formes et les procédures organisationnelles qui sont à la base des institutions ne sont rien d’autre selon eux que des pratiques culturelles, une actualisation de mythes, de cérémonies, de symboles et de rituels. En abordant les pratiques sous cet angle, il s’agit pour ces sociologues de rassembler les approches des politiques publiques basées sur des explications institutionnelles à partir des structures et des organisations et les approches basées sur des explications culturelles, qui mettent en avant des attitudes et des valeurs partagées.

4 La notion de segment est définie ainsi par Bucher et Strauss : « Pour toute profession, les identités, ainsi que les valeurs, et les intérêts, sont multiples, et ne se réduisent pas à une simple différenciation ou variation ; des coalitions se développent et prospèrent, en s’opposant à d’autres » : ces groupements sont les segments à l’intérieur d’une même profession. (Bucher, Strauss, 1961)

5 Un aspect essentiel est que tous les acteurs en présence sont soumis au poids de ces cultures : en tant que modèles structurants, les codes culturels peuvent être intégrés et mobilisés par tous. Au demeurant, les acteurs de la société civile eux-mêmes partagent des représentations avec les acteurs en charge des projets d’urbanisme, notamment sur la répartition des rôles et sur le bien-fondé du modèle représentatif. C’est particulièrement le cas des représentants associatifs qui estiment que les habitants organisés ont plus de légitimité que les autres à être les interlocuteurs des pouvoirs publics.

6 Direction de l’urbanisme de Paris, Mise en valeur du quartier des Halles, délibération AUC-02-178, votée par le Conseil de Paris le 15 décembre 2002.

7 Mairie de Paris, SEM Centre, Marchés de définition simultanés pour l’étude et l’aménagement du quartier des Halles, Cahier des clauses techniques particulières, dossier de consultation, mars 2003.

8 Direction de l’urbanisme de Paris, Charte de la concertation, janvier 2006 (ce document est disponible sur le site Internet de l’IUP, rubrique les Halles).

9 Une centaine de réunions de 2006 à 2010.

10 Elles concernent uniquement la mise en place de services localisés dans les espaces souterrains (dans le pôle d’échanges majoritairement).

11 Note de cadrage d’un projet de cahier des charges pour l’étude relative au caractère métropolitain de l’espace public des Halles, Mairie de Paris, diffusée en octobre 2009 (disponible sur le site Internet Mairie de Paris).

12 Notamment l’article L 300-2 du code de l’urbanisme.

13 La « concertation » pour le projet des Halles a été vécue et perçue très négativement par les acteurs politiques et professionnels en charge des dispositifs participatifs, à tel point qu’ils mettent tous en avant le fait qu’elle est loin de représenter un « modèle » sur lequel ils pensent pouvoir s’appuyer pour d’autres projets à venir. Néanmoins, au fur et à mesure de nos observations et des entretiens que nous avons menés avec certains d’entre eux, nous avons vu émerger dans leurs pratiques et leurs discours les formes d’apprentissage que leur a apportées cette expérience. Les entretiens menés avec les professionnels datent d’avril-mai 2009 pour la plupart et de décembre 2010 pour les autres : la « concertation » était donc quasiment ou définitivement achevée, ce qui place les discours recueillis dans une perspective réflexive. Afin de repérer la portée de l’expérience participative pour les acteurs impliqués dans l’opération, nous nous sommes également fondés sur l’observation des parcours des acteurs au cours du processus participatif et de leurs prises de parole en réunion.

14 Ceux-ci étaient notamment liés à un vécu très négatif de la « concertation » de la part de la plupart des acteurs impliqués dans celle-ci, en partie en raison des rapports de force conflictuels instaurés entre associations et maîtrise d’ouvrage (Gardesse, 2011).

15 Selon l’expression employée en veille scientifique et reprise par Guillaume Faburel et Camille Roché pour appréhender les formes « de construction habitante du changement » dans les projets d’écoquartiers – Faburel, Roché, 2012.

16 Ceci est d’ores et déjà visible dans l’étude du projet des Halles à travers les postures des professionnels de l’urbain spécialistes des démarches participatives, pas nécessairement formés aux métiers de maîtrise d’œuvre, qui sont plus enclins à faire participer les habitants, alors que, dans les discours des professionnels technico-administratifs et des architectes, qui ont majoritairement des formations d’ingénierie et d’architecture, apparaissent des représentations communes et une forme de solidarité réciproque.

17 C’est en quelque sorte ce que suggère Elise Macaire, dans son étude de démarches alternatives au processus traditionnel d’élaboration des projets menées par certains architectes. Elle suppose qu’un nouveau « segment » serait en cours de constitution au sein de cette profession, incarné par « un souci de démocratisation des méthodes d’intervention à caractère pédagogique et coopératif » (Macaire, 2012).

Fig. 1 : Chronologie des dispositifs de concertation mis en œuvre pour les Halles, Paris

Fig. 1 : Chronologie des dispositifs de concertation mis en œuvre pour les Halles, Paris

Source : Gardesse, 2011.

Fig. 2 : Le système d’acteurs général de l’opération des Halles, 2002‑2010

Fig. 2 : Le système d’acteurs général de l’opération des Halles, 2002‑2010

Source : Gardesse, 2011.

Camille Gardesse

Camille Gardesse est post-doctorante au LATTS et chercheuse associée au Lab’Urba. Elle a travaillé au cours de sa thèse mais aussi dans des recherches collectives sur l’implication des habitants dans les projets d’urbanisme, en s’intéressant aux conditions d’articulation entre processus de projet urbain et démarche participative. Dans le cadre de son post-doctorat, elle étudie les modalités de gouvernance à l’œuvre dans des projets de développement territorial en Ile-de-France et en Europe.