Qualité et gestion des projets privés d’habitat au Brésil

Quality and management of private housing projects in Brazil

Silvio Melhado and Ana Rocha de Souza

p. 183-195

References

Bibliographical reference

Silvio Melhado and Ana Rocha de Souza, « Qualité et gestion des projets privés d’habitat au Brésil », Cahiers RAMAU, 5 | 2009, 183-195.

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Silvio Melhado and Ana Rocha de Souza, « Qualité et gestion des projets privés d’habitat au Brésil », Cahiers RAMAU [Online], 5 | 2009, Online since 10 October 2021, connection on 03 December 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/440

Le secteur du Bâtiment au Brésil a subi au cours de ces deux dernières décennies de multiples échecs, nuisibles à son image dans la société, et s’est récemment engagé dans des réflexions profondes sur son fonctionnement. Le constat du fossé existant entre la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et la coordination de chantier a donné matière à diverses réflexions, dont celles, développées ici, sur la nature et le contenu des missions de gestion de projet. Il s’agit de donner plus d’importance à une conception détaillée qui, après le dessin d’architecture, anticipe toutes les interfaces techniques, leur apporte une résolution en amont du chantier et diffuse ces informations aux multiples intervenants dans la phase d’exécution. Simultanément se met en place une définition plus ou moins consensuelle des missions de gestion de projet à travers l’élaboration d’une sorte de référentiel activités-compétences avec, pour les principales phases du processus de conception et d’exécution, une spécification des tâches de gestion de projet et une approche des compétences que celles-ci supposent. Gestion de projet et démarches-qualité bousculent pratiques professionnelles et formations, en particulier pour les architectes et ingénieurs.

Over the last few decades, the building sector in Brazil has suffered a large number of failures that have damaged its reputation in the country, leading to recent in-depth thinking concerning the way it operates. The acceptance that there is a lack of understanding between client, project manager and site coordination has resulted in new ideas being developed, especially, as examined here, concerning the nature and content of project management missions. The aim, in order to improve the produced quality, is to give greater importance to the provision of a detailed design which, following the architectural design itself, anticipates all technical interfaces, provides solutions upstream from site works and assures that the needed information is distributed to all those involved in the execution phase. This is accompanied by a more or less consensual description of the project management missions, achieved through the definition of a sort of activities-skills referential. The latter, for the main design and works process phases, provides specifications to project management tasks and the skills that these require. Project management and quality approaches require a redefinition of professional practices and training, especially for architects and engineers.

Au Brésil, la mise en œuvre des principes de gestion de la qualité est devenue depuis déjà plusieurs années le souci majeur des acteurs du bâtiment. La crise économique et politique a provoqué des échecs successifs dans le secteur du bâtiment qui, de ce fait, est aujourd’hui plongé dans une quête d’efficacité et de « bonnes pratiques ». Beaucoup d’échecs étant liés à l’incertitude et à la confusion des rôles, une demande nouvelle s’est manifestée en faveur de la gestion de projet. On appelle ici « gestion de projet » l’organisation méthodologique mise en œuvre pour que l’ouvrage réalisé par le maître d’œuvre réponde aux besoins et aux attentes du maître d’ouvrage et qu’il soit livré dans les conditions de coût et de délai prévues initialement. Une des difficultés majeures réside dans la multiplicité des acteurs que mobilise le projet et, dans la pratique actuelle, on constate un fossé d’une part entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, et d’autre part entre la maîtrise d’œuvre et la coordination de chantier1. En outre, le management des activités dans le projet, ainsi que l’explicitation et la résolution des conflits entre les différents acteurs sont pris en charge de manière variée en fonction du contexte et des conditions particulières de chaque filière du bâtiment.

Nous nous proposons ici de présenter certains aspects de la gestion de projet et des évolutions qui la traversent. Les études de cas nous permettront d’illustrer et de souligner les difficultés d’articulation entre la conception et la réalisation, et surtout le manque d’anticipation et de coordination des acteurs.

Pour comprendre les similitudes et les différences entre les situations brésiliennes et françaises dans les relations qu’entretiennent les acteurs entre eux, il est nécessaire d’en connaître les contextes. Au Brésil, jusque dans les années 1970-1980, la mission essentielle de l’architecte comprenait à la fois conception et maîtrise d’œuvre (modèle dit « classique »), bien que la maîtrise d’œuvre brésilienne reçoive plus précisément le nom de « coordination de projets ». Cependant, les crises économiques successives subies depuis cette époque et la récession du secteur du bâtiment ont beaucoup déprécié la rémunération des architectes. Ainsi, les architectes s’éloignant des chantiers et perdant leurs compétences dans ce champ au profit des entrepreneurs du bâtiment, il s’est progressivement instauré une coupure entre conception architecturale et maîtrise d’œuvre. La mission de l’architecte brésilien est ainsi souvent réduite à celle de simple concepteur et il est de plus en plus rare que les contrats de conception comportent des prestations de suivi d’exécution. C’est l’entreprise générale qui, plus qu’auparavant, assume les missions de coordination de chantier et de contrôle technique. Or, à São Paulo, le Bâtiment repose quasi-totalement sur la sous-traitance, avec des sous-traitants qui, pour la plupart sont des ouvriers devenus entrepreneurs en raison du chômage, et n’ont souvent pas le savoir technique nécessaire. Les démarches qualité se sont mises en place au milieu des années 1990, à la faveur d’une relance de l’activité de construction, pour répondre à cet état assez chaotique du bâtiment brésilien. Depuis quelques années, un programme gouvernemental a apporté une incitation supplémentaire à l’adoption de démarches qualité dans les entreprises.

En démarche qualité, la gestion de projet est presque totalement prise en charge par les entreprises. Certains architectes, quant à eux, se lancent dans une carrière de « coordinateur de projets » dissociée de la conception, soit dans les entreprises, soit comme prestataires de service. Le processus de conception est l’objet de plus d’attention qu’auparavant : les plans présentent davantage d’informations et la quantité des dessins s’est elle-même accrue. On a pris conscience de l’importance de la préparation du chantier et les concepteurs reviennent vers les missions de chantier. Bref, une certaine désorganisation continue à régner, mais les missions autrefois négligées reviennent à l’ordre du jour. La gestion de projet au Brésil va-t-elle revenir vers le modèle « classique » de maîtrise d’œuvre ?

Cet article fait le point sur les questions liées à la gestion de projet dans le domaine des constructions résidentielles privées à São Paulo, en s’appuyant sur plusieurs études de cas.

1. Gestion de projets privés aujourd’hui à São Paulo

La figure 1 montre de manière simplifiée l’organisation des acteurs de la construction d’édifices résidentiels résultant d’initiatives privées à São Paulo. Les principaux acteurs sont le client (le promoteur immobilier ou la société immobilière), l’entreprise du bâtiment et ses sous-traitants, ainsi que les concepteurs (architecte et ingénieurs responsables des différentes spécialités de projet – la « maîtrise d’œuvre »). En principe, un ingénieur génie civil est attaché à chaque chantier, mais dans certains cas, il a la responsabilité de deux chantiers ou plus de la même entreprise. Une ou plusieurs équipes assistent l’ingénieur de chantier pour la gestion de la qualité, la planification et le contrôle de la réalisation des travaux.

Illustration 1 : Les acteurs principaux du bâtiment au Brésil (Sao Paulo) ; schéma adapté de Souza (2001)

Illustration 1 : Les acteurs principaux du bâtiment au Brésil (Sao Paulo) ; schéma adapté de Souza (2001)

Une fois prise la décision de réaliser une opération immobilière, la société responsable engage dans un premier temps des architectes auxquels elle confie la conception initiale du projet. Habituellement, la société en question n’a pas encore engagé à ce stade les autres acteurs de la maîtrise d’œuvre et l’équipe de l’entreprise du bâtiment qui sera chargée d’exécuter les travaux de construction n’est pas associée à cette première phase. De nombreuses décisions sont alors prises qui vont influer sur la qualité du produit final. La phase de projet d’une opération immobilière peut être subdivisée en deux grandes séquences. La première est celle de la conception et de l’approbation du projet, et est placée sous la responsabilité directe de la société immobilière, avec, pour certaines décisions et dans certains cas, l’assistance technique de l’entreprise du bâtiment devant exécuter le projet. Cette étape débute par une analyse des terrains offerts à la société immobilière ou recherchés par celle-ci. On procède alors à la définition du produit et à une étude préliminaire comportant une étude de faisabilité de l’opération pour en arriver au développement du projet et au lancement du produit. Dans cette phase, il appartient à l’architecte de soumettre le projet à l’approbation de l’administration publique (permis de construire). La deuxième séquence est à la charge de l’entreprise du bâtiment ; c’est celle de la conception détaillée du projet. Elle commence dès que la viabilité commerciale de l’opération est avérée et comprend le développement de plans détaillés dits « exécutifs »2 et de plans de mise au point technique en ce qui concerne la « production ».3 Cette séquence est illustrée et détaillée par l’illustration 2.

Illustration 2 : Flux d’informations et de documents de projet adopté dans une société immobilière et de construction résidentielle privée en activité à São Paulo (selon Fontenelle, 2001)

Illustration 2 : Flux d’informations et de documents de projet adopté dans une société immobilière et de construction résidentielle privée en activité à São Paulo (selon Fontenelle, 2001)

Illustration 3 : Processus de développement des opérations immobilières privées dans l’habitat

Illustration 3 : Processus de développement des opérations immobilières privées dans l’habitat

L’illustration 3 présente le processus de développement actuel des opérations immobilières d’initiative privée dans le secteur de l’habitat. Les points faibles sont présentés en italique. On peut observer que, dans le processus de projet au Brésil, il manque une dernière étape. En effet, la prestation de service demandée au concepteur se termine par la remise des dessins se rapportant à la présentation détaillée du projet à l’entreprise du bâtiment. C’est qu’il n’existe au Brésil aucune loi ou norme stipulant que le concepteur doit présenter et discuter le projet avec ceux qui l’exécuteront.

Certaines entreprises du bâtiment, il est vrai, établissent, dans le contrat qu’elles font avec la maîtrise d’œuvre, des objectifs spécifiques étendant la prestation de service du concepteur jusqu’à la phase de chantier ; néanmoins, même dans ce cas, la conception est déjà payée à 100 % à l’époque où les ouvrages doivent être exécutés.

Certains concepteurs prévoient, dès la négociation de leur contrat avec le maître d’ouvrage, le nombre de visites de chantier qu’ils feront ainsi que le prix horaire des visites supplémentaires qui pourraient être nécessaires.

L’interaction entre concepteurs et ingénieurs de chantier est généralement faible. Même les professionnels chargés de la coordination du projet sont souvent peu présents sur le chantier parce que mobilisés par la conception de nouvelles opérations. C’est un problème qui a été maintes fois évoqué dans des séminaires et des rencontres techniques, mais il est difficile d’y remédier du fait du manque de ressources financières aux étapes initiales des opérations immobilières. Les entrepreneurs ne sont pas encore arrivés à un consensus sur le fait que, dans le cas de la conception, il s’agit là d’investissement et non de coût.

Cependant, les activités de conception au Brésil, et en particulier à São Paulo, tendent à s’imposer chaque jour davantage comme déterminantes pour la qualité du produit final et la satisfaction des clients. De ce fait, la gestion de projet a un rôle essentiel dans l’amélioration de la qualité, rôle lui-même extrêmement dépendant des relations qu’elle peut instaurer avec l’entreprise elle-même ou son environnement.

En ce qui concerne la structure des coûts en phase de conception, les situations régionales sont très diverses au Brésil, en fonction notamment de la technologie disponible localement, du savoir-faire technologique de l’entreprise chargée d’exécuter les travaux, ou encore de l’approvisionnement en matériaux de construction. Le choix de la technologie de construction est déterminé par chaque entreprise de bâtiment. C’est elle qui élabore ses procédés de construction et cherche à faire évoluer graduellement ses techniques d’exécution et de contrôle. Il n’existe pas de Documents Techniques Unifiés comme en France. Bien que, dans la plupart des cas, il n’y ait pas de normalisation technique, les entrepreneurs tendent d’une certaine manière à adopter des pratiques similaires et l’innovation technique est faible. Il arrive toutefois que des entreprises s’unissent et forment des groupes de travail technique qui s’assurent les services de chercheurs, de laboratoires ou de consultants pour mettre au point de nouveaux procédés ou perfectionner ceux qui existent. Les frais sont alors répartis proportionnellement entre les entreprises concernées et les résultats divulgués lors de rencontres ou colloques eux aussi financés par le secteur privé.

2. À propos des évolutions récentes dans la promotion privée

Le manque d’exigence contractuelle sur la conception détaillée du projet fait que parfois ni les concepteurs, ni les entreprises ne sont effectivement responsables de la mise au point des solutions techniques. Les plans d’exécution sont très peu détaillés ou détaillés d’une façon qui n’est pas réellement utile. En d’autres termes, il arrive souvent que ce soit aux ouvriers eux-mêmes de prendre les décisions sur la mise en œuvre, pendant la réalisation des ouvrages. Cela entraîne potentiellement une augmentation des coûts dans les phases aval de réalisation et d’assistance technique et provoque l’insatisfaction des clients et surtout des usagers.

On assiste, ces dernières années, à des tentatives visant à intégrer davantage le promoteur privé et l’entreprise, leurs concepteurs, leurs fournisseurs et leurs sous-traitants. Ces divers acteurs, traditionnellement isolés, cherchent à unir leurs efforts, à former des partenariats, à construire des stratégies d’action en commun dans le but d’aboutir à un développement intégré, à une réduction des coûts et à la conquête de nouveaux marchés. Néanmoins, tous ces efforts sont encore loin de toucher l’ensemble du secteur professionnel et la participation du gouvernement y est encore minime.

S’agissant du processus de conception, nous avons observé de nombreuses évolutions dans les pratiques des sociétés de promotion résidentielle privée et dans celles des entreprises. Elles font preuve d’un réel souci d’engager tous les concepteurs – ou au moins de les consulter – dès l’amont de l’opération pour éviter les problèmes pouvant survenir ultérieurement du fait de l’incompatibilité des plans, ou de plans insuffisamment détaillés. Plusieurs promoteurs et entreprises ont mis en place des protocoles d’organisation de la conception et soumettent les concepteurs qu’ils engagent à une évaluation. Cette pratique dénote une évolution significative, mais il faudrait parvenir à une unification sectorielle des exigences. En effet, comme les architectes et les ingénieurs de conception travaillent au service de plusieurs clients en même temps, il devient de plus en plus difficile pour ces professionnels d’avoir présents à l’esprit les besoins et les exigences de chacun. Nous pouvons dire qu’il y a eu de la part des entreprises « de pointe » un abandon des plans d’architecture « traditionnels » qui n’ont plus qu’un caractère de « dessins de référence », bases de tous les autres, mais non cotés. Le bureau d’études techniques de second œuvre prend alors un rôle majeur puisque, outre le positionnement des cloisons et des passages d’installations et réseaux (électricité, plomberie, climatisation, etc.), il est maintenant chargé de la synthèse des corps de métier et du dimensionnement des éléments lors de la réalisation des « plans dimensionnels » de tous les étages des bâtiments.

Jusqu’à ces dernières années, le travail de conception détaillée était sous-traité par les architectes à des concepteurs qui n’avaient pas toujours la compétence requise. Aujourd’hui commencent à se mettre en place de réels mécanismes de contrôle, d’évaluation et d’amélioration du processus de conception. Les plans dits « de production » sont de plus en plus utilisés, ce qui n’empêche pas qu’ils restent sujets à des altérations sur le chantier, sans recours aux concepteurs.

Peu d’entreprises se préoccupent d’analyser et de cumuler les expériences vécues sur le chantier. Certaines entreprises se proposent, grâce à la collecte et à l’analyse de données fournies par les activités d’assistance technique, d’identifier les problèmes récurrents dans les travaux de construction et leurs causes probables. Elles espèrent ainsi procéder à des actions correctives, nées de la remontée de l’apprentissage sur le chantier vers les phases amont. Toutefois, la complexité de l’analyse, à quoi il faut ajouter l’insuffisance normative dans le secteur de la construction brésilienne, compromettent le potentiel de réussite de ces initiatives.

Selon Melhado (2001), dans le contexte du Bâtiment à São Paulo, on s’interroge de plus en plus sur les attributions du « maître d’œuvre ». C’est ce qu’a montré le succès obtenu par des manifestations professionnelles, telles que celle organisée sur ce thème par l’association brésilienne de cabinets d’architecture (AsBEA) en 1999 ou celle du Syndicat des sociétés de promotion, vente et location immobilières de São Paulo (SECOVI-SP) en 2003, succès mesuré au grand nombre de participants qui se sont mobilisés à cette occasion.

Le malaise, causé par la discontinuité entre phase et acteurs de la conception d’une part, de la mise en œuvre d’autre part, est souvent mis en évidence. En effet, que ce soit au moyen de contrats passés avec des consultants spécialisés ou par l’internalisation de ce processus de coordination de projets auprès du promoteur, les nouveaux « maîtres d’œuvre », qui sont le fruit de l’évolution du Bâtiment au cours des dix ou quinze dernières années, exercent leur fonction en totale autonomie par rapport au concepteur du projet qu’ils soient architectes ou ingénieurs.

Devant cette situation, plusieurs scénarios sont possibles. L’un d’eux est le changement d’attitude que l’on peut observer dans un certain nombre d’agences d’architecture de tailles diverses, impliquant de leur part un engagement dans des démarches qualité en même temps qu’un partenariat avec des promoteurs privés, ainsi qu’avec les collègues ingénieurs de conception. Ces architectes se préparent à répondre à la demande croissante d’une meilleure coordination de projets ou à partager cette coordination avec le promoteur sur de nouvelles bases.

Les rapports entre promoteurs privés et professionnels de l’architecture ou de l’ingénierie rencontrent des difficultés d’ordre technique et commercial, surtout du fait du manque de normes et de réglementations pouvant les guider. On peut dire qu’il manque en particulier des références précises quant au contenu de la prestation de services de conception. En conséquence, on constate une tendance à des distorsions dans les marchés de conception, qui, d’un côté, stimulent la concurrence au niveau des prix, sans que soit établie clairement la prestation de service réelle qui est associée à ces prix et, d’autre part, ces distorsions déclenchent des conflits entre clients et concepteurs durant le processus de projet, ce qui représente une perte de qualité à la fois des processus et de l’opération immobilière. Dans le tableau 1, nous présentons un ensemble de propositions visant à améliorer le processus de projet en fonction des principales failles identifiées.

Un groupe de travail d’ingénieurs de structures membres de l’association brésilienne d’ingénierie et d’expertise de structures (ABECE) s’est constitué dans les années 2000 ; ce groupe a proposé une définition des missions de conception dans leur spécialité, applicable aux opérations immobilières ordinaires. Ce travail a été débattu à São Paulo avec des représentants d’autres associations de concepteurs et de promoteurs immobiliers, demandeurs de projets, telles que l’AsBEA, l’ABRASIP (Association brésilienne d’ingénierie de réseaux d’installations d’édifices), SindusCon-SP (Syndicat de l’industrie du Bâtiment de l’État de São Paulo), et le SECOVI-SP. Au cours de cette période de débat, une série de contributions a permis d’aboutir à une version consensuelle approuvée par les représentants de toutes les associations concernées. Parallèlement, la même démarche a été entreprise pour la définition des missions de conception de systèmes hydrauliques et électriques des bâtiments par un groupe de représentants de l’ABRASIP qui s’est ensuite élargi aux autres associations citées plus haut. Enfin, le même travail a été mené par l’AsBEA, qui a proposé une définition des prestations de services en matière de conception architecturale et urbaine.

Suite à cela, le professeur S. Melhado a proposé au deuxième semestre 2003 de constituer un groupe de spécialistes pour définir le contenu de la mission de coordination de projets, ce qui a donné naissance en mars 2004 à un complément par rapport aux propositions déjà établies pour les services de conception d’architecture, de structures et de réseaux d’installations d’édifices résidentiels privés. Ce groupe a été formé grâce à l’adhésion volontaire de professionnels de l’architecture et du génie civil ayant une expérience en coordination de projets, sous la direction de l’École Polytechnique de l’Université de São Paulo et du SECOVI-SP. Les conclusions de ce groupe de travail feront l’objet d’une publication à caractère national et qui sera largement diffusée.

Voici maintenant, aux différentes phases du projet d’édifices résidentiels privés4, la description des activités de coordination de projets élaborée par ce groupe.

  • En phase de conception du produit : assister le promoteur dans la définition et la collecte des données permettant la meilleure définition du produit immobilier à réaliser d’une part et des caractéristiques des professionnels de conception à engager d’autre part.

  • En phase de définition du produit : coordonner les activités nécessaires à l’approfondissement des intentions de l’opération et à la vérification de sa viabilité physique, économico-financière et juridique, indispensable à l’obtention du permis de construire.

  • En phase de résolution des interfaces techniques et de projet détaillé : coordonner la conception détaillée de tous les éléments du projet de l’opération immobilière, la communiquer à tous les acteurs partenaires, élaborer les interfaces de manière à obtenir une bonne évaluation préliminaire des coûts, des méthodes de construction et des délais d’exécution des ouvrages.

  • Après la remise et la validation du projet : assurer la pleine compréhension et utilisation des informations de projet ainsi que leur application correcte, et évaluer l’efficacité de la conception en cours d’exécution.

  • Après la livraison de l’ouvrage : coordonner le processus d’évaluation et d’utilisation, lors des phases de conception, des apprentissages faits au moment du chantier ; y faire participer les divers acteurs de l’opération et entreprendre des actions visant à améliorer les activités concernées à tous les niveaux.

Conclusion

Le changement structurel qui est en train de s’opérer à São Paulo dans la gestion de projet a été une réponse nécessaire au processus de dégradation de l’image de la conception et des concepteurs eux-mêmes que l’on observait depuis près de vingt ans. On cherche maintenant à retrouver les dimensions à la fois stratégiques et opérationnelles du projet, sur lesquelles reposent en grande partie les résultats de l’opération immobilière, que ceux-ci soient mesurés en termes de qualité, d’efficacité ou de rentabilité financière de l’ouvrage construit. Devant cette nouvelle prise de conscience de l’importance de la conception pour la construction d’édifices, se fait jour, de la part des entreprises les plus importantes, une volonté croissante de redéfinir leur processus de projet de manière à créer les conditions d’une amélioration continue, aussi bien du côté des promoteurs privés que par rapport aux acteurs chargés de la conception.

Une nouvelle approche du processus de conception commence certainement à s’établir, celle d’un processus pluridisciplinaire fondé sur de nombreux pôles de décision, manquant encore toutefois de méthodes claires et d’objectifs de gestion. Ainsi, malgré les failles institutionnelles et d’organisation sectorielle que présente le Brésil, et notamment la faible normalisation technique et le caractère vague de la définition des rôles et des activités professionnelles, le Bâtiment évolue en direction de modèles plus avancés de gestion de projet.

Les initiatives tant du milieu professionnel que des institutions qui commencent également à surgir au Brésil, ainsi que les discussions sur la formation des architectes et ingénieurs déboucheront certainement, à long terme, sur un nouveau modèle d’action professionnelle pour les concepteurs, mais aussi pour ceux qui les engagent et utilisent leurs services, ce qui conduira les uns et les autres à réécrire les pratiques adoptées jusqu’à aujourd’hui.

1  L’exercice de la coordination de chantier est un métier reconnu au Brésil mais il s’agit généralement d’un rôle imparti aux chefs de chantier

2 Le mot est le même qu’en français mais désigne un contenu différent. En effet, ce projet comporte, outre la séquence des opérations à exécuter, l’

3 Ce deuxième dossier complète le précèdent : il indique la chronologie d’exécution de chaque tâche, les matériaux à employer et la logistique interne

4 Les phases du projet d’édifices ont elles-mêmes été redéfinies dans le travail de ce groupe.

Fontenelle E.C., 2001, Études de cas sur la gestion de projet dans les sociétés immobilières et les entreprises de bâtiment, 269 p., Mémoire de maîtrise (DEA), École Polytechnique de l’Université de São Paulo, São Paulo.

Melhado S.B., 1994, Qualité en conception dans le Bâtiment : application pour le cas des entreprises de promotion et construction privé, 294 p. Thèse (Doctorat), École Polytechnique de l’Université de São Paulo, São Paulo.

Melhado S.B., 2001, Gestion, coopération et intégration pour un nouveau modèle visant la qualité du processus de projet dans le Bâtiment, 235 p., Thèse d’État (Livre-Docência), École Polytechnique de l’Université de São Paulo, São Paulo.

Melhado S.B. et al., 2004, « Contenu de la prestation de services pour la coordination de projets. » Actes du IVe Workshop brésilien de gestion du processus de projet dans le Bâtiment, Rio de Janeiro. (CD‑ROM).

Rocha de Souza A., 2001, Préparation et coordination de chantier : transposition de l’expérience française dans la construction d’édifices au Brésil, 440 p., Thèse (Doctorat), École Polytechnique de l’Université de São Paulo, São Paulo.

1  L’exercice de la coordination de chantier est un métier reconnu au Brésil mais il s’agit généralement d’un rôle imparti aux chefs de chantier, ingénieurs cadres de l’entreprise générale responsable de l’exécution des ouvrages. Cette fonction reçoit plus précisément le nom d’« ingénieur d’œuvre ».

2 Le mot est le même qu’en français mais désigne un contenu différent. En effet, ce projet comporte, outre la séquence des opérations à exécuter, l’ensemble des données d’exécution des ouvrages (plans, cahier des charges, descriptifs).

3 Ce deuxième dossier complète le précèdent : il indique la chronologie d’exécution de chaque tâche, les matériaux à employer et la logistique interne du chantier.

4 Les phases du projet d’édifices ont elles-mêmes été redéfinies dans le travail de ce groupe.

Illustration 1 : Les acteurs principaux du bâtiment au Brésil (Sao Paulo) ; schéma adapté de Souza (2001)

Illustration 1 : Les acteurs principaux du bâtiment au Brésil (Sao Paulo) ; schéma adapté de Souza (2001)

Illustration 2 : Flux d’informations et de documents de projet adopté dans une société immobilière et de construction résidentielle privée en activité à São Paulo (selon Fontenelle, 2001)

Illustration 2 : Flux d’informations et de documents de projet adopté dans une société immobilière et de construction résidentielle privée en activité à São Paulo (selon Fontenelle, 2001)

Illustration 3 : Processus de développement des opérations immobilières privées dans l’habitat

Illustration 3 : Processus de développement des opérations immobilières privées dans l’habitat

Silvio Melhado

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Ana Rocha de Souza

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