Cette étude vise à analyser les mots nouveaux introduits dans le vocabulaire urbain français utilisé par les institutions nationales sous l’effet de l’injonction au développement durable. Ces termes arrivent par deux canaux : d’une part, les institutions politiques transcrivent dans la loi française les textes normatifs proposés par l’Union européenne en les adaptant aux réalités locales (publication au Journal officiel) ; d’autre part, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France contribue à l’enrichissement de la langue par un travail d’étude terminologique et de normalisation qui aboutit lui aussi à une publication au Journal officiel. Ce double travail institutionnel est bien illustré par la loi Grenelle 2 de 2010, qui constitue la réponse française aux engagements pris par les ministres européens à Leipzig pour promouvoir le développement durable dans les milieux urbains, et témoigne en même temps de l’activité de production néologique dans le pays. L’étude vise donc à mettre en évidence ces néologismes, en vue d’identifier les concepts nouveaux de la ville durable.
L’article se compose de trois parties. Nous donnerons d’abord quelques points de repère d’ordre institutionnel et linguistique concernant, d’une part, l’interventionnisme de l’État français en matière d’aménagement linguistique et, d’autre part, l’essor du concept de développement durable au niveau planétaire à la suite du rapport Bruntland (1987), puis la déclinaison de ce concept en ville durable en Europe et plus précisément en France, avec les lois Grenelle. Nous analyserons ensuite un corpus de néologismes concernant la ville durable, issus d’une brochure de présentation de la loi Grenelle 2 diffusée par le ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement en novembre 2010. Enfin, nous proposerons quelques considérations conclusives.
Points de repère institutionnels et terminologiques
L’activité institutionnelle de production néologique en France
L’examen de plusieurs néologismes apparus dans le vocabulaire urbain francophone autour des concepts de développement durable et de ville durable permet d’approfondir quelques aspects de l’évolution de ce phénomène dans les domaines techniques de l’urbanisme, de l’environnement et de l’architecture. L’action institutionnelle est impliquée dans l’adoption et la diffusion de modèles et de savoirs. Cette action a une forte dimension sociale, culturelle et politique.
« Pour demeurer vivante, une langue doit être en mesure d’exprimer le monde moderne dans toute sa diversité et sa complexité1. »
Chaque année, dans notre monde désormais dominé par la technique, des milliers de notions et de réalités nouvelles apparaissent, qu’il faut pouvoir comprendre et nommer. En effet, les professionnels doivent pouvoir communiquer dans leur langue de façon précise, les traducteurs traduire correctement en français les textes techniques, les citoyens s’approprier ces réalités, souvent très complexes. Pour éviter que, dans certains domaines, les professionnels soient obligés de recourir massivement à des termes étrangers qui ne sont pas compréhensibles par tous, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France se fixe comme objectif d’institutionnaliser la création de termes français pour nommer les réalités d’aujourd’hui.
Depuis plus de trente ans, les pouvoirs publics incitent à la création, à la diffusion et à l’emploi de termes français nouveaux. Le dispositif actuel, institué par le décret du 3 juillet 1996, a pour mission première de proposer des termes et des expressions afin de combler les lacunes de notre vocabulaire et de désigner en français les concepts et réalités qui apparaissent sous des appellations étrangères, le plus souvent anglo-américaines, notamment dans les domaines économique, scientifique et technique. Coordonné et animé par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, le dispositif consiste en un réseau de partenaires institutionnels incluant notamment, en France, l’Académie française et, dans les pays francophones, les organismes responsables de la politique linguistique. Dans chaque département ministériel, des commissions spécialisées de terminologie et de néologie, composées majoritairement d’experts du domaine, fonctionnaires ou bénévoles, sont chargées d’assurer la veille néologique et « d’établir l’inventaire des cas dans lesquels il est souhaitable de compléter le vocabulaire français, compte tenu des besoins exprimés2 ».
Au centre de ce réseau, se trouve la Commission générale de terminologie et de néologie, placée sous l’autorité du Premier ministre. Les termes recommandés par la Commission générale sont publiés au Journal officiel (JO) de la République française ; ils ne sont d’usage obligatoire que dans les administrations et les établissements de l’État, mais ils peuvent servir de référence aux traducteurs et aux rédacteurs techniques, par exemple. Ils ont aussi vocation à être intégrés dans l’usage courant de la langue.
Le terme « développement durable » : un aperçu historique
La lexie composée « développement durable », née au sein de l’économie et de l’environnement, s’est rapidement répandue dans presque tous les domaines de la société européenne et mondiale. La première attestation officielle3 du terme anglais sustainable development remonte à 1987, année de publication du document intitulé Notre avenir à tous, plus connu sous le nom de rapport Brundtland. Les questions d’environnement et de développement y sont envisagées ensemble, afin de parvenir à un sustainable development dont la définition est la suivante :
« It meets the needs of the present without compromising the ability of future generations to meet their own needs4. »
Dans l’adaptation française du terme anglais, une divergence nette s’est creusée dès le début entre le discours institutionnel et politique (qui propose la solution développement durable) et les choix des linguistes et traducteurs, plus fidèles au texte anglais de départ avec le calque développement soutenable (Paissa, 2008). Accompagnée d’un fort battage médiatique, l’expression développement durable s’est enfin imposée, comme il est attesté dans les dictionnaires officiels de la francophonie, traduisant la définition originale du rapport Bruntland :
« Politique de développement qui s’efforce de concilier la protection de l’environnement, l’efficience économique et la justice sociale, en vue de répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire les leurs5. »
« Développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement6. »
C’est le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, qui consacre pleinement le terme de développement durable et déclenche sa médiatisation auprès du grand public. Les États participants signent un programme d’actions pour le XXIe siècle, baptisé Agenda 21, qui définit les principes permettant de concilier les trois piliers du développement durable : la protection de l’environnement, l’efficacité économique et l’équité sociale. Le développement durable inspirera désormais toutes les conférences des Nations unies.
En ce qui concerne l’Europe, au fil des années, les principes du développement durable ont fait leur apparition dans les textes réglementaires et législatifs des différents domaines de la société. En particulier, la charte d’Aalborg – adoptée en mai 1994 à l’issue de la première Conférence européenne des villes durables – marque le début de l’implication de l’Europe dans le processus de mise en place des Agendas 21 locaux, selon les principes définis à Rio en 1992. Ce document important marque aussi la naissance du néologisme ville durable, qui, bien qu’omniprésent dans les politiques urbaines européennes et internationales des deux décennies suivantes, n’a trouvé une attestation institutionnelle que très récemment. Le Journal officiel en fait mention dans une note ad vocem « écocité » (2012)7, le considérant comme un synonyme utilisé dans le langage professionnel, tandis que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) lui consacre une fiche terminologique (2013) avec la définition suivante :
« Ville dont le plan d’aménagement est conçu de manière à générer un développement économique qui, tout en préservant le patrimoine culturel et architectural, offre un cadre de vie et de travail agréable à ses citoyens et respecte le plus possible les règles de préservation et de conservation de l’environnement. »
La préoccupation des États d’intégrer le développement durable dans la ville est réaffirmée en 2007, lorsque les ministres européens en charge du développement urbain signent la charte de Leipzig. Ce document, en rappelant le rôle économique, social et culturel des villes, mais aussi en mettant l’accent sur l’assistance aux villes dans la lutte contre l’exclusion sociale, les changements structurels, le vieillissement de la population, le changement climatique et la mobilité, constitue une avancée significative pour les collectivités territoriales et pose les fondements d’une nouvelle politique urbaine européenne intégrée8.
Deux mois après la signature de la charte de Leipzig, la France organise le Grenelle de l’environnement, un ensemble de rencontres politiques visant à prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable. Les travaux donnent lieu à une loi-cadre dite Grenelle 1 (2009), qui représente une première étape pour organiser et encadrer juridiquement les propositions en la matière. En mai 2010, est votée la loi portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 29, laquelle met en œuvre six chantiers majeurs : habitat et urbanisme ; transport ; énergie ; biodiversité et agriculture ; santé, environnement et gestion des déchets ; gouvernance et information.
Pour une étude des néologismes10 de la ville durable
Étant donné que cette loi représente la réponse française aux engagements pris par les ministres à Leipzig et qu’elle est bâtie autour de six chantiers concernant la ville, elle nous a paru pertinente pour détecter les mots nouveaux introduits dans le vocabulaire urbain français officiel sous l’effet de l’injonction au développement durable.
Nous avons élaboré le corpus terminologique du texte de la loi Grenelle 2 d’après la brochure diffusée par le ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement en novembre 201011. Après un retour sur le processus du Grenelle de l’environnement et sur le parcours législatif des deux lois, la brochure décline les mesures adoptées dans les six chantiers majeurs mentionnés ci-dessus. Chacun de ces domaines s’est révélé riche en néologismes, au sens du JO français, que nous avons recensés dans le tableau suivant avec leur équivalent anglais, leur source lexicographique institutionnelle et leur année d’enregistrement dans cette source.
La brochure contient trente-deux néologismes liés à l’application des principes du développement durable en milieu urbain. Du fait que les bâtiments, les transports et les entreprises sont les sources principales de pollution dans les villes, les domaines les plus productifs du point de vue néologique se sont révélés être la réduction des consommations d’énergie et des émissions de carbone de la production (8 termes), l’amélioration énergétique des bâtiments (7 termes), les transports et l’ensemble maîtrise des risques/traitement des déchets/préservation de la santé (5 termes chacun).
Il s’agit de mots attestés au niveau institutionnel à partir de 2009-2010, les années les plus riches en ce qui concerne la floraison néologique : plus de la moitié des termes du corpus sont parus au JO ou dans le GDT québécois juste après l’adoption des deux lois Grenelle, comme illustré par le graphique suivant :
Analyse morphologique du corpus
Ces trente-deux termes peuvent être aisément partagés en deux catégories relatives à leur nature morphologique :
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les dérivés d’autres mots déjà attestés dans la langue française ;
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les composés, c’est-à-dire des syntagmes adjectivaux ou prépositionnels.
Dérivés
En ce qui concerne la première catégorie, deux sous-catégories peuvent être distinguées.
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Les mots dérivés par préfixation. Dans ce groupe, on retrouve cinq termes formés à l’aide du préfixe éco- : éco-conception, éco-geste, écolabel, éco-responsable et écosystème. Quant à ce préfixe, du point de vue formel, le GDT spécifie que « le trait d’union n’est pas nécessaire, sauf si la soudure entraîne la rencontre de deux voyelles qui risquent de causer des difficultés de lecture (par exemple, o et i ou o et u) » ; cependant, les deux variantes – avec ou sans trait d’union – sont souvent employées comme synonymes. Du point de vue sémantique, le préfixe éco-, formé à partir de l’adjectif écologique, concerne surtout la dimension de l’environnement naturel et s’est largement répandu ces dernières années, comme le démontre le nombre élevé d’occurrences dans notre corpus. Quant à l’analyse contrastive des langues française et anglaise, tous ces dérivés sont des emprunts hybrides : le préfixe anglais eco‑ est adapté à la graphie française avec l’introduction de l’accent aigu, tandis que la base peut être identique à l’anglais (gesture, label12), subir une adaptation graphique (responsable13, système) ou encore être traduite (conception14).
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Les mots dérivés par suffixation. Ce groupe comprend quatre substantifs obtenus par l’ajout d’un suffixe français en substitution d’une terminaison anglaise : ‑ité au lieu de ‑ity (biodiversité, hydroélectricité), ‑age au lieu de ‑ing (compostage) et ‑tion, suffixe avec une graphie identique à l’anglais mais une prononciation francisée (méthanisation). Enfin, l’adjectif biodégradable est dérivé du substantif biodégradation grâce à une terminaison identique à l’anglais (‑able)15.
Une observation sémantique s’impose dans ce groupe, étant donné que deux termes présentent le préfixe bio-, mais avec des acceptions différentes : le substantif biodiversité indique la « diversité des organismes vivants, qui s’apprécie en considérant la diversité des espèces, celle des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l’organisation et la répartition des écosystèmes16 », tandis que l’adjectif biodégradable se réfère à « une substance qui peut, sous l’action d’organismes vivants (bactéries), se décomposer en éléments divers sans effet nuisible pour l’environnement17 ».
Certes, nombre de ces néologismes dérivés étaient déjà utilisés dans les différents champs professionnels de l’environnement, voire par le grand public ; leur parution au Journal officiel atteste de leur intégration dans la terminologie officielle dans les domaines ciblés par le Grenelle de l’environnement.
Composés
En ce qui concerne la seconde catégorie, celle des mots composés, on peut distinguer les syntagmes nominaux adjectivaux et les syntagmes nominaux prépositionnels18.
a) La première sous-catégorie se compose de treize termes formés par un nom et un adjectif épithète. Il faut observer qu’il s’agit dans tous les cas de calques morphologiques de termes anglais, suivant le modèle de détermination typique de la syntaxe française défini comme post-modification, c’est-à-dire nom + adjectif. Quant au syntagme nominal qui constitue la base, deux champs lexicaux peuvent être distingués. En premier lieu, les termes tels qu’efficacité19, évaluation et performance renvoient à l’idée de la mesure, de la volonté/nécessité d’évaluer les performances énergétiques d’un bâtiment ou d’un véhicule, en relation avec les objectifs quantitatifs imposés non seulement par le Grenelle de l’environnement, en France, mais aussi par la stratégie Horizon 2020 de l’Union européenne. Ensuite, les mots affichage et étiquetage indiquent la volonté/nécessité de montrer les résultats des évaluations environnementales effectuées.
Quant aux adjectifs qualifiant la base des syntagmes nominaux, ils appartiennent aux champs lexicaux de l’énergie et de l’environnement, prenant surtout en considération des domaines d’application des lois Grenelle. Parmi les épithètes qui peuvent être reliées à l’énergie, il y a : énergétique (trois occurrences20), renouvelable (c’est un type d’énergie21), rechargeable (en référence à la motorisation d’un véhicule22) et photovoltaïque (dispositif de production d’électricité). Le champ lexical de l’environnement est représenté par des adjectifs tels que : environnemental(e) – traduisant dans tous les cas l’anglais environmental et se référant en général aux effets qu’un produit, une organisation, un service ou un projet peuvent avoir sur l’environnement23 –, climatique24 et durable25.
b) La seconde sous-catégorie est formée de huit syntagmes nominaux prépositionnels. La forme la plus simple de ce type de composés, la séquence nom + préposition + nom, n’a qu’une occurrence dans notre corpus : service d’autopartage (Romagnoli, 2013, p. 157). Au contraire, il y a plusieurs exemples de formes plus complexes, suivant les modèles : Bnom + prép. + [Bnom + adj.] : bâtiment à énergie positive, vélo en libre-service ou lampe à basse consommation26 ; Bnom + prép. + [Bnom + prép. + Bnom] : stockage de dioxyde de carbone ; Bnom + prép. + [adj. + Bnom + prép. + Bnom] : bus à haut niveau de service. Enfin, il y a deux séquences très articulées, avec trois ou quatre prépositions : émissions de gaz à effet de serre et bilan des émissions de gaz à effet de serre.
Cette articulation des formes syntagmatiques peut s’expliquer par le phénomène de l’interférence linguistique : tous ces néologismes sont des calques morphologiques de mots anglais qui intègrent le sens étranger sous une forme nouvelle obtenue par une traduction, souvent littérale, des mots composés anglais. Ces modèles correspondent fréquemment à la forme nom + nom, où le premier substantif fait fonction d’adjectif dénotant la base nominale : carsharing service, public bicycle, low-energy lamp. Pour traduire cette séquence syntactique, la langue française emploie un élément nominal introduit par une préposition, obtenant les syntagmes polylexicaux suivants : service d’autopartage, vélo en libre-service et lampe à basse consommation. Par conséquent, si le modèle anglais est complexe, de type nom + nom + nom (greenhouse gas emissions, bus rapid transit), le calque français donnera lieu à des séquences très articulées : émissions de gaz à effet de serre, bus à haut niveau de service.
D’un point de vue sémantique, les bases nominales des syntagmes concernent d’une part deux des plus importantes aires d’intervention de la mutation écologique imposée par la loi Grenelle 2, à savoir les bâtiments (bâtiment et lampe) et les transports (bus, vélo, voiture27), et d’autre part les substances polluantes qu’il faut mesurer et enfouir (émissions, bilan, stockage). On relève également cette distinction dans la tournure prépositionnelle dénotant les bases des syntagmes : d’un côté, les interventions sur les bâtiments et les transports évoquent des qualités positives (à énergie positive, à basse consommation, à haut niveau de service, en libre-service, d’autopartage) ; d’un autre côté, on spécifie les types de substances polluantes (de gaz à effet de serre28, de dioxyde de carbone29).
Enfin, dans une optique de linguistique contrastive, il faut souligner que les commissions de terminologie ne sont pas seulement chargées de proposer des termes français afin de nommer précisément les nouvelles réalités dans un domaine spécifique, mais aussi d’adapter les termes proposés aux réalités locales et nationales. Un exemple tiré de notre étude est le terme vélo en libre-service, qui n’a pas été calqué sur l’anglais public bicycle, parce que les experts de la Commission ont choisi un terme déjà en vigueur en France depuis quelques années30. Un autre exemple pertinent est le terme bus à haut niveau de service, introduit dans des documents du GART et du CERTU dès le début des années 200031.
Conclusion
À l’issue de notre analyse quelques considérations s’imposent, situées à des niveaux différents.
La terminologie
Un premier ordre de réflexions, strictement linguistique, concerne la néologie dans le domaine de la ville durable. L’analyse morphologique d’un corpus de trente-deux termes tirés de la loi Grenelle 2 a mis en évidence que le procédé néologique le plus productif est celui de la composition : presque 70 % des termes pris en considération sont des syntagmes nominaux, surtout de type adjectival (60 % des composés). Cela s’explique par l’interférence entre les systèmes linguistiques français et anglais, les mots analysés étant des calques du modèle anglophone : plus la détermination conceptuelle du référent est spécifique (deux ou trois noms dans la langue donnante), plus elle s’exprime à travers des formes syntagmatiques complexes dans la langue receveuse. En ce qui concerne les néologismes obtenus par dérivation, on peut remarquer le nombre élevé de mots formés à partir des préfixes éco- et bio-, lesquels ont des évocations sémantiques très positives et contribuent à transformer les morphèmes de base en substantifs ou en adjectifs à vocation écologique et environnementale.
Les institutions dans l’enrichissement de la langue
Un deuxième ordre de considérations concerne le rôle des institutions dans l’enrichissement de la langue française. Bien que les organisations internationales et européennes interviennent dans la fabrication de néologismes à travers les nombreuses lois et directives en matière de développement durable en général et de ville durable en particulier, les institutions françaises accueillent ces textes normatifs grâce à la traduction des termes-clés et à leur normalisation par la publication au JO en les adaptant aux réalités nationales. Ainsi, l’étude des néologismes dans une optique de linguistique contrastive a certes montré l’influence dominante de l’anglicisation, mais aussi la capacité de la langue française à se maintenir vivante, en particulier par l’utilisation de termes déjà courants en France (tels que vélo en libre-service et bus à haut niveau de service).
L’analyse détaillée de notre corpus nous a permis de constater que la loi a donné l’impulsion à une prolifération de mots nouveaux ou de néologismes, normalisés par les institutions françaises en vue d’être introduits ou confortés, selon les cas, dans le milieu de l’urbanisme.