L’habitat participatif : les pratiques des architectes en questions, mais des représentations résistantes de l’architecture

Anne Debarre

p. 181-197

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Anne Debarre, « L’habitat participatif : les pratiques des architectes en questions, mais des représentations résistantes de l’architecture », Cahiers RAMAU, 6 | 2013, 181-197.

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Anne Debarre, « L’habitat participatif : les pratiques des architectes en questions, mais des représentations résistantes de l’architecture », Cahiers RAMAU [En ligne], 6 | 2013, mis en ligne le 02 novembre 2013, consulté le 26 avril 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/395

Les récents projets d’habitat participatif en France conduisent leurs architectes à définir préalablement des cadres plus ou moins souples dans lesquels pourront intervenir les habitants. Ils doivent aussi leur permettre de garder la maîtrise du projet architectural : sa cohérence serait l’expression de l’intérêt collectif à préserver face aux demandes individuelles. Fondé sur des exemples strasbourgeois d’autopromotion et les expérimentations de l’action « le grand ensemble » de l’architecte Patrick Bouchain, cet article montre que, de la programmation à la conception et la réalisation, les architectes tendent à cantonner les habitants à un rôle de maîtres d’usage dans une acception restrictive qui élude la diversité de leurs attentes, symboliques, écologiques… En outre, les médias professionnels résistent à exposer le travail collaboratif de conception et l’architecture issue des négociations avec les habitants, alors même qu’est reconnu l’intérêt écologique et social de telles opérations.

Alors que la culture des architectes « tend à minimiser tout ce qui contribue à faire du projet un acte collectif » (Champy, 1998 : 217), celui-ci mobilisant pourtant des acteurs de plus en plus nombreux, la participation des habitants, impulsée par des institutions, des professionnels ou des citoyens, à l’œuvre dans de nombreux projets contemporains d’habitation contribue-t-elle à faire évoluer cette position ? Comment les architectes envisagent-ils leur rôle de maître d’œuvre dans ce processus collectif ? Comment celui-ci se déroule-t-il effectivement ? Quelles architectures en sont issues ?

Concevoir une maison avec ses futurs habitants n’est pas une activité nouvelle des architectes, et l’histoire montre que, plus que dans tout autre programme, la définition canonique de leur métier est bousculée dès lors qu’ils sont confrontés aux demandes de ces commanditaires. Si les traités du XVIIIe siècle énoncent que les architectes doivent discuter de l’art avec leurs clients pour les convaincre que, dans les « appartements qui touchent aux habitudes intimes de la vie » seulement, ils peuvent suivre le « goût du temps où l’on vit » (Blondel, 1737-1738), c’est qu’il semble nécessaire d’édicter une règle de bonne conduite qui n’est pas pratique courante. Aujourd’hui, les architectes réalisent des maisons individuelles en se soumettant aux demandes de ceux qu’ils nomment leurs « clients », ou en réalisant leur architecture pour des « adeptes », ou encore en étant attentifs aux usages des « habitants » : si tous donnent forme aux idées des commanditaires, le type de relations établies aura une incidence sur l’architecture des réalisations et sa reconnaissance par leurs pairs (Debarre, 2005).

Les projets d’habitat participatif engagent de même les futurs habitants, parfois également maîtres d’ouvrage, qui vont être des interlocuteurs de l’architecte, impliqués dans des configurations variables selon les moments, de la programmation à la réalisation. Ce terme générique « habitants » désigne ici des familles formant un groupe qui envisage de partager des moments et des espaces, avec en outre le souci aujourd’hui récurrent de construire une habitation écologique. Leurs demandes concernent à la fois le logement personnel et l’opération collective : cette double dimension est un enjeu de ces projets participatifs. Pour leur donner forme, les architectes vont être mis en situation de hiérarchiser les attentes, les savoirs, voire les valeurs culturelles et sociales de ces habitants, mais aussi de les confronter avec les leurs : ils ne constituent pas a priori un socle consensuel, ce qui suppose des ajustements. Ces épreuves sont constitutives des projets d’habitat participatif et vont mettre à l’épreuve le rôle des maîtres d’œuvre.

Si ces situations de participation, autant que les compétences professionnelles qu’elles supposent, impliquent des reconfigurations du travail des architectes, celles-ci prennent des formes variées. En effet, les projets actuels sont à un stade expérimental où sont testés méthodes et dispositifs, les opérations similaires anciennes constituant plutôt des ressources que des modèles. En outre, les architectes qui s’y engagent le font pour des raisons diverses, alors que ces projets participatifs n’ont pas la réputation d’être rémunérateurs1. En France, peu d’entre eux, notamment parmi la jeune génération, ont l’expérience du travail avec des groupes d’habitants. Les plus âgés, souvent militants de l’architecture bioclimatique et de la participation dans les années 1980, retrouvent la possibilité de cet engagement dans les demandes qui se font jour aujourd’hui. Parmi les jeunes, certains espèrent faire de ces projets des vitrines de leur savoir-faire sur les questions environnementales : les particuliers commanditaires soutiennent le choix de dispositifs inédits, plus performants que les programmes normés de promoteurs ou d’opérateurs sociaux. D’autres essaient de trouver une place dans ce nouveau créneau, tout en cherchant à en faire une activité économiquement rentable. Enfin, nombreux sont les architectes qui s’engagent eux-mêmes comme participants à de tels projets, intéressés par cette forme d’habitat à titre privé, voire à titre professionnel, comme manifeste de leurs engagements, et leur objectif peut être limité à cette seule réalisation. Ainsi, les projets actuels sont l’occasion pour ces architectes d’élaborer des méthodes adaptées à une conception partagée avec les habitants.

Pour saisir les démarches pensées par des architectes pour ces projets d’habitat participatif émergeant actuellement en France, mais aussi la réalité de leur mise en œuvre, notre analyse s’appuie sur des exemples strasbourgeois d’une part, et les expérimentations de l’action « le grand ensemble » lancée par l’architecte Patrick Bouchain d’autre part, qui ont été suivis dans le cadre d’une recherche institutionnelle (Debarre et Steinmetz, 2010). A Strasbourg, ce sont des architectes aux profils variés en termes de génération et d’intérêts, qui ont conduit des projets en autopromotion d’initiatives privées et de la Ville2. Après avoir annoncé son ambition de travailler sur le logement social avec tous ces acteurs pour le « dénormer », Patrick Bouchain s’est engagé dans trois opérations, à Tourcoing, Beaumont-en-Ardèche et Boulogne-sur-Mer, commandées par des structures publiques (respectivement société d’économie mixte, municipalité et office HLM) : cet architecte a certes l’expérience de la participation, mais dans des programmes différents, principalement d’équipements. Si ces études de cas ne prétendent pas refléter l’ensemble des positions existantes, elles ont l’intérêt d’avoir posé l’implication des habitants dans les phases de programmation et de conception des projets, voire une partie de la réalisation pour quelques-uns. Enfin, l’analyse des récits médiatisés de ces opérations voudrait montrer l’écart entre les pratiques de leurs architectes et leur rôle imaginé (Camus, 1996). L’exercice de communication de ces projets participatifs révèle-t-il des évolutions dans leur travail ou bien des résistances dans sa représentation ?

Anticiper la participation

Les architectes qui s’engagent dans ces projets d’habitat participatif l’ont choisi ou ont été choisis lors de consultations par les autopro moteurs, ou lors de concours par des opérateurs impliqués dans ces expérimentations. Pour ce faire, ils ne se présentent pas démunis, ils montrent des qualités ou des compétences jugées a priori pertinentes et nécessaires pour ce type de projets.

Une expérience de la participation que seuls les architectes les plus âgés ont acquise aujourd’hui contribue à leur sélection. Des compétences en matière d’architecture environnementale sont également attendues pour ces opérations qui, actuellement en France, mettent l’accent sur cette dimension. C’est sur ce critère que seront choisis les jeunes architectes. Michael Gies, architecte de l’opération en autopromotion Eco-Logis à Strasbourg, est installé à Fribourg, en Allemagne, où il a réalisé dans le quartier Vauban deux opérations passives pour des Baugruppen. Il est retenu lors d’une consultation organisée par le groupe alsacien, qui a apprécié le bon contact établi lors de leurs premières rencontres. Plus que son architecture, dont les critères d’appréciation sont difficilement objectivables – elle a pu être jugée à la fois « austère » et « efficace » –, ce sont les qualités relationnelles de ce professionnel et son expérience de la participation qui conduisent à sa sélection. Pour développer en France une activité d’accompagnement d’opérations en autopromotion sur le modèle allemand, un urbaniste strasbourgeois va s’associer à l’architecte Bruno Mosser et à son agence Architecture et Soleil, qui travaille depuis trente ans sur l’architecture bioclimatique et a déjà réalisé des habitations commanditées par des groupes de deux ou trois familles. Enfin, Patrick Bouchain a acquis dans de nombreuses réalisations d’équipement l’expérience d’une participation élargie à tous les intervenants dans l’acte de construire, impliqués depuis la formulation de la demande jusqu’au chantier, et c’est cette manière de faire qu’il veut transposer à des projets de logement.

Leurs expériences antérieures ont été l’occasion pour ces architectes d’élaborer des méthodes et des dispositifs spécifiques capables de structurer la participation, mais aussi de répondre potentiellement à des demandes diverses inconnues au préalable. Pour lancer l’action « le grand ensemble », l’équipe de Bouchain travaille à construire une démarche dans un texte où toutes les phases du processus sont questionnées et pensées pour de futures négociations autour de solutions avancées combinables, ou d’interrogations qui restent en suspens, dans une liste non exhaustive. Ces propositions de production du logement sont inédites, mais inspirées de réalisations plus anciennes, du mouvement des Castors, de son agence Construire, ou empruntées à d’autres – comme l’architecte toulousain Stéphane Gruet, qui travaille aussi sur l’habitat coopératif –, ou encore piochées tous azimuts : il s’agit de se constituer des ressources pour les projets à venir. Ainsi, déjà expérimenté par l’agence, figure le principe d’une maison du chantier pensée comme un pivot du projet participatif : « une institution culturelle », « un lieu confortable d’échange, de partage et d’éveil », « un lieu de vie et atelier de fabrication, de réparation et de recyclage », où se tiennent des réunions, conférences, repas, cours d’apprentissage et spectacles, où tous se rencontrent, mais une maison envisagée aussi comme un lieu ouvert où le projet est conçu et négocié. Bouchain définit ainsi les préalables d’un projet ouvert aux adaptations mutuelles, qui intégrerait des contraintes et des objectifs émergeant progressivement, qui définirait les solutions en même temps que les problèmes au fur et à mesure de leur apparition.

Michael Gies compare quant à lui son approche d’architecte d’habitat participatif à celle d’un urbaniste : il définit un cadre global dans lequel viendront se construire les appartements particuliers. Conçu à partir de ses réalisations fribourgeoises de Baugruppen, ce cadre dissocie une structure primaire, constituée des porteurs et de l’enveloppe, d’une structure secondaire modulable de cloisons légères et des percements. Le « système-étagères » de son premier immeuble « Wohnen & Arbeiten » a permis un éventail des types, simplex ou duplex, et des surfaces. Ce dispositif a évolué pour offrir plus de souplesse aux surfaces des logements de KleeHäuser. Les références de Gies sont empruntées à l’architecture consacrée : le projet « Obus A » de Le Corbusier et ceux de Tange et d’Archigram pour la distinction de deux modes de production, et la « Mémé », réalisée par Lucien Kroll avec les habitants pour la diversité des fenêtres qui composent les façades. Il délimite ainsi a priori les moments et les espaces d’intervention des autopromoteurs. De même, plusieurs agences strasbourgeoises engagées dans des projets de ce type ont conçu une ossature des bâtiments qui laisse quelque liberté dans le cloisonnement et le plan, et permet une adaptabilité des surfaces. Ces architectes n’entendent cependant pas proposer du sur-mesure : l’esprit de la participation à un projet collectif implique pour eux une règle commune. Ainsi l’architecte Patrick Texier propose-t-il une répétition de plans similaires et interchangeables, moyen de mettre tout le monde à égalité dans l’opération strasbourgeoise Making Hof, dont le fondement est d’abord social et économique. Toutefois, une conception très avancée du projet sans les habitants pour réduire le temps des échanges ne semble pas être en France une solution acceptable : l’esquisse d’un immeuble diffusée par des architectes strasbourgeois pour solliciter des autopromoteurs a eu un effet répulsif sur ceux qui entendaient participer à son élaboration. L’objectif de contrôler le temps à investir dans ce type de commandes chronophages, pour assurer leur rentabilité, de même que la volonté de maîtrise du projet architectural conduisent ces architectes à définir pour les projets participatifs des cadres préalables plus ou moins souples, qui délimitent des espaces – lieux de discussion, moments, parties indéterminées du projet – dans lesquels interviendront les habitants.

Garder la maîtrise du projet

Les futurs habitants sont impliqués dans les projets d’habitat participatif à différentes phases du processus – de la programmation à la conception, voire une part de la réalisation –, avec des statuts différents – quand ils sont autopromoteurs, ils sont également maîtres d’ouvrage –, dans des configurations d’acteurs différentes – un AMO, assistant à maîtrise d’ouvrage, peut être présent pour les accompagner3. Le rôle des architectes dépend de ces configurations variables, mais aussi de l’implication des différents partenaires.

La programmation relève ici de méthodes plus ou moins explicites4. Elle a en outre des objectifs particuliers : il s’agit de faire émerger à la fois les demandes individuelles de logements, les demandes collectives d’espaces partagés et de caractéristiques de l’opération émanant du groupe, mais aussi de les rendre compatibles. Parmi les cas étudiés, trois modalités ont été observées : l’architecte écoute ces demandes et fabrique le programme ; les autopromoteurs, qui sont maîtres d’ouvrage et futurs habitants, ont transmis leur programme à l’architecte ; l’architecte fait évoluer le projet architectural qu’il a esquissé, à partir des demandes des habitants.

Le premier, IPPIDDAS – Initiative pour un projet immobilier de développement durable dans l’agglomération strasbourgeoise –, est initié par un urbaniste et un architecte qui veulent mettre en œuvre une démarche directive et sécurisée pour éviter les aléas des projets en autopromotion. Ainsi, ils ont demandé aux adhérents de définir collectivement les objectifs écologiques de l’opération, puis l’architecte les a interrogés chacun individuellement sur leurs rêves et leur budget, les espaces mutualisés et les annexes au logement, et sur les travaux de finition qu’ils pourraient réaliser. Aucune question ne concerne directement l’architecture. Lors de ces entretiens, il prend des notes, fait des croquis, puis il synthétisera l’ensemble dans un immeuble « passif ».

Pour Eco-Logis, à Strasbourg, c’est l’un des autopromoteurs, qui exerce la profession de maître d’ouvrage dans une collectivité locale, qui transmet à l’architecte un programme « très professionnel », compilant les demandes précises de chacun et les objectifs du groupe. Ce programme très formalisé séduit tout d’abord Michael Gies par l’économie de temps réalisée sur cette phase. Il sait que celle-ci peut être très longue dans l’autopromotion, il en a fait l’expérience à Vauban durant les six mois de cette première étape, celle également de la constitution du groupe, où il a pu en parallèle dessiner une esquisse et ses adaptations. A Strasbourg, cet architecte se rend compte très rapidement que la précision de la programmation, et notamment des plans déjà formalisés, ne lui laisse plus aucune marge de manœuvre dans la conception5. Enfin, Patrick Bouchain ne demande pas aux habitants ce qu’ils souhaitent a priori, mais commence par dessiner ce qu’il appelle « une architecture d’interprétation », pour un projet qu’ils peuvent ensuite amender autour de sa maquette. En outre, il obtient de ses commanditaires, qui sont ici des opérateurs sociaux et des élus, la possibilité de faire évoluer la commande. La programmation disparaît en tant que phase préalable pour se dissoudre dans celle de la fabrication du projet. Si les futurs habitants sont de fait sollicités dans la formulation de la demande, les architectes restent ici plus ou moins maîtres de la méthode qu’ils ont préalablement adoptée. Celle-ci sera davantage éprouvée dans ses implications sur la formalisation du projet.

De fait, si aucun architecte ne laisse les habitants dessiner le projet6, ceux-ci peuvent être invités à intervenir sur sa dimension architecturale. Mais peut-on pour autant les considérer comme ses co-concepteurs ? Les architectes étudiés entendent tous rester maîtres de la conception, pourtant ils vont être confrontés à la culture architecturale et urbaine des habitants, mais aussi à leur culture technique.

Bruno Mosser dessine seul le projet d’IPPIDDAS, ce que les autopro moteurs acceptent puisque cette tâche relève pour eux des compétences de l’architecte et que sa proposition porte leurs attendus. En revanche, un différend s’installe sur le choix du terrain. Les membres du groupe qui sont architectes et urbanistes jettent leur dévolu sur une parcelle pour des qualités reconnues par eux seuls, cette différence culturelle conduit les autres à abandonner le projet. Cette conduite directive de l’architecte s’est heurtée à ses propres limites.

Répondant aux attentes de ses « clients », Michael Gies a été contraint de faire évoluer son schéma conceptuel : pour lui, l’immeuble Eco-Logis a ainsi perdu sa cohérence. Ne pouvoir négocier les demandes individuelles de plans et d’équipements des logements, comme le choix des autopromoteurs d’une structure bois, l’a conduit à concevoir des solutions constructives coûteuses et une volumétrie complexe, qui n’ont permis ni de dessiner une architecture minimaliste qu’il affectionne, ni d’atteindre les performances d’un bâtiment passif du programme initial. Le rôle de conseil de la maîtrise d’œuvre sur les dispositifs environnementaux s’est heurté à celui de donneurs d’ordres des maîtres d’ouvrage : bien que ceux-ci aient des connaissances parfois pointues des récentes technologies dans le domaine de l’écologie, elles restent celles d’amateurs sans toujours la vision des conséquences réglementaires, techniques et économiques dans leur mise en œuvre. Cet architecte n’est pas pleinement satisfait de l’opération, qui comporte « trop » de compromis. En revanche, les autopromoteurs apprécient le résultat de son travail, qui a satisfait leurs désirs d’un logement sur mesure7.

De même, les projets que soumet Patrick Bouchain aux habitants soulèvent des oppositions relevant de leurs intérêts individuels, qui atteignent le sens collectif donné par l’architecte au projet. Celui-ci se met en position de les convaincre et ne consentira que de petits arrangements avec les plus récalcitrants. En outre l’aspect inattendu des formes architecturales et des matériaux choisis par l’architecte, qui les justifie pourtant en faisant référence aux bâtiments existants ou au site, laisse les habitants souvent perplexes. Leurs critiques ne sont suivies que de très légères modifications sur l’extérieur. Quant aux intérieurs, ils sont très contraints par les enveloppes dessinées et les demandes doivent s’y conformer. En revanche, Bouchain va s’appuyer sur les pratiques d’économie d’énergie et d’eau des résidents pour promouvoir une approche environnementale low-tech qu’il oppose aux normes en vigueur. Si, dans le premier cas, la conception a été déléguée aux professionnels, dans les autres la conception a été collective : une coconception pour Eco-Logis, où les apports de chacun sont très imbriqués mais où l’architecte a le sentiment d’avoir perdu « la maîtrise du projet » ; une conception partagée entre Patrick Bouchain et les habitants, dont les interventions sont précisément cadrées par le maître d’œuvre. Tous ces architectes sont en quête d’une cohérence du projet architectural, qui serait l’expression de l’intérêt collectif dont ils entendent se porter garants face aux demandes individuelles8.

Enfin, les habitants ont également été impliqués dans la phase de réalisation des opérations qui ont été construites. Michael Gies a dégagé sa responsabilité de maître d’œuvre pour quelques travaux de revêtement et de finition pris en charge par les autopromoteurs, entre autres, le mur végétal qu’ils ont conçu. Patrick Bouchain envisageait qu’une partie des travaux intérieurs puisse être réalisée par les habitants : cet objectif s’est révélé impossible du fait de l’obligation de livrer un logement social habitable selon les normes en vigueur. Gies considère cette part d’autoconstruction comme un ajout au projet, et Bouchain comme un moyen pour que les habitants s’approprient leur lieu de vie, ce qui fait partie de son dessein. Au-delà de la réglementation, c’est la définition du projet par l’architecte qui reconnaît, ou pas, les apports ultérieurs des habitants.

Dans chacun de ces cas, les méthodes ou les moments et espaces d’intervention des habitants, que les architectes avaient préalablement définis, ont été mis à l’épreuve au cours de la formalisation des projets. L’enjeu pour les architectes est, dans cette phase de leur travail, la maîtrise du projet architectural tel qu’ils le conçoivent. Comme le revendique Patrick Bouchain, « il y a en effet presque un acte d’autorité professionnelle qui vient de l’architecte9 ». Une telle position réaffirme celle de « professionnels attelés à la maîtrise d’ouvrage collective » des années 1980, qui « ont pris conscience depuis quelques années de leur responsabilité, même s’ils ne maîtrisent pas toujours totalement le passage de la programmation à celui de la création architecturale. Ils s’efforcent, avec de plus en plus de vigueur, de convaincre les habitants de s’exprimer le plus largement possible au stade de la programmation et de respecter, avec la plus grande compréhension possible, les réponses architecturales. Des corrections et affinements de détails sont les bienvenus, par contre les remises en cause du paysage collectivement décidé et de l’architecture qui en résulte, à partir des impressions, des mauvais goûts individuels, ou parfois des caprices dus à un autoritarisme mal placé, sont fortement déconseillées, sinon refusées. La participation ne consiste ni à jouer aux architectes amateurs ni à se jouer de l’architecture » (Lefèvre et al., 1985 : 44). Ils disaient se garder ainsi du risque de « non-architecture » que leur opposaient les adversaires de la participation.

Cette position est également présente dans la distinction, opérée par des architectes10, des rôles des partenaires du projet participatif : maître d’œuvre, maître d’ouvrage et maître d’usage, celui-ci attribué aux habitants. Nos études de cas montrent combien ce schéma est fragile. D’une part, dans l’autopromotion, les maîtres d’usage sont également les maîtres d’ouvrage et donc les donneurs d’ordres aux maîtres d’œuvre. Les architectes sont alors dans une position délicate pour négocier, avec ces partenaires à double casquette, une hiérarchisation des intérêts individuels et des objectifs collectifs parfois divergents, comme on l’a vu. D’autre part, le recours à la notion d’usage signifierait la seule participation des habitants à la conception de leurs logements et des espaces collectifs, ce qui est finalement l’ambition des architectes rencontrés. Pourtant, dans ces études de cas, les habitants se sont exprimés sur une ambiance urbaine, sur la symbolique de l’architecture, refusant le minimalisme comme les références vernaculaires, ou encore sur des matériaux choisis pour leurs qualités environnementales. De fait, ce sont souvent dans les négociations engagées sur ces points que les résistances des architectes se sont faites les plus fortes. Mais c’est aussi lorsqu’ils prennent en compte ces demandes que la conception devient effectivement collaborative, ce qui se fait soit à l’encontre de leurs représentations de l’architecture et du rôle de la maîtrise d’œuvre, soit dans le sens de leurs évolutions acceptées.

Médiatiser une architecture et un travail collectifs

La médiatisation importante de ces projets récents d’habitat participatif a-t-elle rendu compte du travail de négociation entre architectes et habitants auquel ils ont donné lieu, qui participe à une évolution du rôle de la maîtrise d’œuvre ? Quelles représentations de ces architectures participatives véhiculent les médias ?

Militants de l’habitat participatif pour ses dimensions collective et environnementale, les initiateurs de tels projets ont l’ambition de les faire connaître pour qu’ils puissent se multiplier sur le territoire en levant un certain nombre de freins qu’ils rencontrent aux niveaux juridique, financier et politique. Pour ce faire, ils se sont adressés aux médias d’information locale ou nationale – presse, télévision – à destination de tout public. Dans les articles qui ont accompagné le projet Eco-Logis, ce sont les autopromoteurs qui apparaissent comme les héros d’une épopée longue et pleine d’embûches, et en particulier le meneur du groupe, dont la formation d’architecte a rendu possible le passage à la concrétisation du projet11. L’architecte de l’opération n’y est que très rarement évoqué, mais, quand il l’est, c’est sa capacité à sécuriser le projet, grâce à son expérience antérieure des Baugruppen, et à formaliser les attentes des habitants qui est notée. « Le projet issu de l’autopromotion ressemble à ceux qui vont l’habiter12 », rapporte le leader de ce groupe et, lors de conférences, il souligne l’habileté de leur architecte à faire entrer dans le projet toutes les demandes des autopromoteurs. Ces médias qualifient la réalisation strasbourgeoise de projet abouti exemplaire. Les professionnels y sont présentés comme les traducteurs en formes des demandes des habitants.

Peu nombreux à ce jour à être achevés en France et donc sans image autre que des dessins peu spectaculaires, ces projets participatifs, dont « la priorité n’est pas le renouveau des formes architecturales13 », n’ont que très peu été publiés par les médias professionnels du monde de l’architecture. Faisant de Gies un « mentor », mais aussi un expert technique, l’article de Baumeister consacré à Eco-Logis14 décrit essentiellement ses dispositifs écologiques, avec des photographies dont le cadrage atténue la complexité formelle du bâtiment au profit d’un caractère brutaliste15. En revanche, souvent peu illustrés, les dossiers des revues françaises s’intéressent davantage à la nouveauté de ces expériences et en expliquent les montages complexes mobilisant de nombreux acteurs. Les compétences des architectes et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer sont analysées par des sociologues. C’est dans la rubrique « Aménagement & urbanisme » du Moniteur16 qu’un article a été consacré à la première consultation « 10 terrains – 10 immeubles durables » organisée par la Ville de Strasbourg pour attribuer des parcelles à des autopromoteurs et à leur architecte : le montage de ces opérations y est relaté, illustré de projets choisis pour leur qualité architecturale17. Ces architectures collaboratives ne sont pas toujours jugées dignes d’être montrées dans les revues professionnelles, attachées essentiellement à l’image des bâtiments.

Les magazines à caractère plus technique ont mis en avant les choix innovants de matériaux naturels et de dispositifs réduisant la consommation d’énergie dans des projets en autopromotion. L’architecte strasbourgeois Patrick Texier explique en constructeur son projet Making Hof de bois, paille et terre18 ; dans Séquence Bois, l’équipe de maîtrise d’œuvre d’Eco-Logis n’apparaît pas comme la seule responsable des dispositifs durables énumérés, la parole y est donnée au coordonnateur de la maîtrise d’ouvrage collective : « plus qu’un projet architectural », il s’agit d’« un projet de vie motivé par l’envie de partager avec l’autre19 ». Effectivement, ce sont les revues et recueils consacrés à l’écologie, destinés à la fois à des architectes et à des amateurs, qui ont été les plus enclins à publier ces projets participatifs pour leurs qualités environnementales et sociales. Les habitants y sont mis en scène, l’architecte présenté comme un « catalyseur » de leurs attentes, et les opérations y sont montrées sans critère de sélection lié à leur image architecturale.

La médiatisation de son action « le grand ensemble » qu’a orchestrée Patrick Bouchain avant même de travailler sur les projets participatifs qui en seront issus a contribué à affirmer sa posture d’« agitateur » dans le monde de l’architecture. Comme il l’a fait pour des réalisations antérieures, il se charge luimême de présenter ses projets d’habitat dans une plaquette (Bouchain et Julienne, 2010) et un blog20, sous des formes rendant compte du processus de leur fabrication collective : les photographies de tous les acteurs à l’œuvre illustrent les textes d’auteurs de différentes disciplines. De même, il décide des revues21 qui les publient, y explique ses positions dans des interviews et participe aux choix des images. Les médias sont des moyens d’exprimer ses idées et son architecture, qui ne se lit pas dans une image finale mais dans le processus d’un chantier collectif qui la produit. De la même façon que cet architecte entend garder la maîtrise du projet en train de se faire, il entend garder la maîtrise de sa médiatisation. Celle-ci est en outre le moyen d’expliciter, voire de donner du sens, à des projets d’habitat. Ce faisant, il y apparaît comme le principal protagoniste.

La communication de ces projets d’habitat participatif révèle une résistance du monde de l’architecture à relater le travail collaboratif de conception, à évoquer les négociations auxquelles il donne lieu avec les habitants et les compromis qui peuvent en résulter dans l’architecture produite. De ce fait, les représentations convenues du métier de l’architecte maître de l’œuvre et de l’architecture perdurent largement dans les médiatisations professionnelles de ces opérations, alors même qu’est reconnu leur intérêt sociétal.

En effet, se voulant exemplaires par leurs dimensions sociales, économiques et environnementales, mais aussi d’une démocratie participative, de tels projets d’habitat sont aujourd’hui portés en France22 par la question du développement durable. Ils font parler d’eux dans le monde de l’architecture et suscitent un intérêt d’autant plus important quand ce sont des immeubles collectifs urbains. Ainsi, les architectes rencontrés, qui s’y investissent parce qu’ils constituent un moyen d’exprimer de tels engagements, s’y préparent en définissant des méthodes et démarches pour impliquer les habitants. Pourtant, ils sont confrontés à des situations inattendues quand les différences culturelles des habitants ou du groupe – parfois jugés trop individualistes ou amateurs – les amènent à sortir de ces cadres préalables : ces architectes entendent garder la maîtrise du projet architectural. La présence d’un AMO, pour ses compétences dans le montage d’une opération, mais aussi dans l’écoute des habitants, a ainsi paru nécessaire dans nombre de ces opérations françaises récentes. Les discussions, voire les négociations, sur le projet sont effectivement chronophages pour l’architecte, qui y investit un temps souvent non rémunéré : ces réalisations, notamment celles en autopromotion, semblent économiquement difficilement rentables pour le maître d’œuvre. Dans ces conditions, il leur est difficile de répondre aux autopromoteurs qui voudraient que leur architecte soit un militant de la participation et assure à leurs côtés la promotion de cette forme nouvelle de production de l’habitat – « en faire encore plus que pour un projet classique, faire de la pub, participer à des réunions avec la ville23 ». Si ces situations de projet impliquent une posture spécifique d’écoute et de dialogue, signifient-elles pour autant des changements dans le rôle des concepteurs ? Ne renvoient-elles pas plus largement au travail collectif que suppose le projet architectural quel qu’il soit ? L’architecte y accomplit un travail professionnel (Chadoin, 2006) avec des experts de différents domaines de compétences qui interfèrent avec les siennes : les épreuves de la négociation et les compromis en sont constitutifs, et c’est davantage la représentation convenue de son métier qui est mise à l’épreuve. De fait, des résistances perdurent. Dans ces projets auxquels participent les habitants, l’architecte ne reconnaît guère leurs demandes, qui vont jusqu’aux matériaux et aux formes architecturales, élargissant l’acception de la notion d’usage. La légitimation de telles opérations par les médias professionnels ou l’attribution de prix qui ont récompensé plusieurs de ces opérations françaises s’appuient sur l’innovation de leur montage ou de leurs dispositifs écologiques plus que sur leur architecture. Dans le contexte sociétal qui leur est actuellement favorable, ces réalisations d’habitat participatif ne pourraient-elles pas contribuer à faire évoluer les représentations du rôle de l’architecte, voire de l’architecture ?

1 C’est un fait avéré en Allemagne, où la plupart ont des difficultés de rentabilité avec les réalisations de Baugruppen, pourtant nombreuses ; s’ils

2 La Ville de Strasbourg a organisé deux consultations, en 2009 et 2011, à destination d’autopromoteurs associés à un architecte, sur des terrains qu’

3 L’urbaniste qui a été l’initiateur du projet IPPIDDAS a joué ce rôle mais seulement dans le montage de l’opération. Dans le groupe Eco-Logis, un

4 Différents chercheurs et architectes ont défini des méthodes spécifiques, par exemple la programmation générative et participative que Michel Conan

5 Dans ses propositions formulées à partir de l’analyse de projets participatifs d’habitat des années 1980, Pierre Lefèvre postulait que « la

6 Ce qui avait pu être le cas dans des situations de participation des habitants à la conception de leur logement dans les années 1970 : ils dessinent

7 La question de la liberté accordée à chaque famille pour exprimer ses envies de logement est abordée dans le livre du leader de Eco-Logis : celui-ci

8 Position déjà exprimée dans les années 1980 : « L’architecture exprime le désir de regroupement, la volonté collective se traduit par une cohérence

9 Entretien avec Patrick Bouchain, février 2009.

10 Voir par exemple le site http://www.maitrisedusage.eu, où l’architecte Jean-Michel Hennin propose cette notion fondatrice d’une démarche

11 Entre autres : Olivier Razemon, « l’habitat participatif en mode écolo », Le Monde, 29 octobre 2010 ; Cécile Daumas, « L’immeuble de Neudorf à

12 Hervé de Chalendar « Oser construire ensemble l’immeuble qui nous ressemble », L’Alsace, 20 novembre 2008.

13 Pascale Jouffroy, « Court-circuiter la maîtrise d’ouvrage conventionnelle », dossier : « Le citoyen arrive ! Vers une société active sur son cadre

14 Christoph Gunsser, « Haus hinter grünen Pelz », Baumeister B4, 2011, p. 24‑25.

15 De même, le cadrage des photographies de cette opération présentes sur le site Internet de l’architecte en fait un bâtiment minimaliste. http://www

16 Laurent Miguet, « L’autopromotion essaime à Strasbourg », Le Moniteur n° 5581, 12 novembre 2010, p. 68‑70.

17 Ce critère préside de même à la sélection des maisons construites en France par deux familles et des réalisations collectives étrangères présentées

18 Laurent Miguet, « Bois, paille et terre : projet pilote pour une renaissance », Le Moniteur n° 5621, 19 août 2011, p. 23.

19 « Habitat participatif à Strasbourg », Séquences Bois n° 88, janvier 2012, p. 4‑6.

20 http://www.legrandensemble.com/

21 Archistorm, Traits urbains, Faces, Intramuros, d’A et AA, où il fait la couverture du n° 387, en janvier-février 2012.

22 En Allemagne, l’autopromotion peut être pour l’architecte essentiellement un moyen de concevoir hors des normes ; une agence berlinoise rapporte :

23 Entretien avec un autopromoteur d’Eco-Logis, mai 2009.

BLONDEL J.-F., 1737-1738, Traité d’architecture dans le goût moderne ou de la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices, Charles-Antoine Jombert, Paris.

BOUCHAIN P. et JULIENNE L. (dir.), 2010, Construire ensemble. Le grand ensemble. Habiter autrement, NAC/Actes Sud, Arles.

CAMUS C., 1996, Lecture sociologique de l’architecture décrite. Comment bâtir avec des mots, L’Harmattan, Paris.

CHADOIN O., 2006, Être architecte : les vertus de l’indétermination. De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, PULIM, Limoges.

CHAMPY F., 1998, Les architectes et la commande publique, PUF, Paris.

DEBARRE A., 2005, « Les architectes de la maison individuelle », dans TAPIE G. (dir.), Maison individuelle, architecture, urbanité, ed. de l’Aube, Tour d’Aigues, p. 222-234.

DEBARRE A. (dir.), STEINMETZ H., 2010, Des expérimentations à l’épreuve des négociations : des projets collectifs d’habitat pour un développement durable, rapport de recherche pour le Plan Construction Urbanisme Architecture.

DEBARRE A., STEINMETZ H., 2012, « Quels espaces pour négocier les projets collectifs d’habitat durable ? », dans Chombart de Lauwe P. (dir.), Le projet négocié, coll. « Recherches », PUCA, p. 27-49.

LEFÈVRE P. (dir.), BONNIN P., BLONDEL A., KALOUGUINE V., 1985, Rôle de l’architecte dans un processus de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre collectives, rapport de recherche pour le secrétariat de la Recherche architecturale, ministère de l’Urbanisme, du Logement et des Transports.

PARASOTE B., 2011, Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux. Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, ed. Yves Michel, Gap.

1 C’est un fait avéré en Allemagne, où la plupart ont des difficultés de rentabilité avec les réalisations de Baugruppen, pourtant nombreuses ; s’ils s’y sont intéressés, voire les ont initiées, c’est faute d’avoir d’autres commandes dans le contexte économique difficile des années 1990.

2 La Ville de Strasbourg a organisé deux consultations, en 2009 et 2011, à destination d’autopromoteurs associés à un architecte, sur des terrains qu’elle proposait à la vente.

3 L’urbaniste qui a été l’initiateur du projet IPPIDDAS a joué ce rôle mais seulement dans le montage de l’opération. Dans le groupe Eco-Logis, un membre de l’association, maître d’ouvrage de profession, s’est investi de cette fonction. A Beaumont-en-Ardèche, un architecte de formation a été choisi pour assister les futurs habitants, Patrick Bouchain ne pouvant être suffisamment présent sur ce site éloigné de son agence. Nous n’avons pas analysé cette mission de médiateur en tant que telle, assurée par un intervenant spécifique dans de nombreux projets de ce type.

4 Différents chercheurs et architectes ont défini des méthodes spécifiques, par exemple la programmation générative et participative que Michel Conan et Michel Bonetti ont élaborée pour des projets urbains et de réhabilitation dans lesquels les habitants sont identifiables.

5 Dans ses propositions formulées à partir de l’analyse de projets participatifs d’habitat des années 1980, Pierre Lefèvre postulait que « la responsabilité de l’habitant est de fixer un programme, des surfaces, un organigramme », mais que « la présence de l’architecte durant la phase de programmation nous paraît indispensable » (Lefèvre et al., 1985 : 8).

6 Ce qui avait pu être le cas dans des situations de participation des habitants à la conception de leur logement dans les années 1970 : ils dessinent les plans ou positionnent les cloisons dans des maquettes.

7 La question de la liberté accordée à chaque famille pour exprimer ses envies de logement est abordée dans le livre du leader de Eco-Logis : celui-ci note la rigidité de la méthode conceptuelle allemande, mais se demande si la totale liberté des plans de l’immeuble grenoblois La Salière, réalisé en autopromotion, n’est pas préjudiciable à la rationalisation des équipements techniques (Parasote, 2011 : 151‑152).

8 Position déjà exprimée dans les années 1980 : « L’architecture exprime le désir de regroupement, la volonté collective se traduit par une cohérence architecturale » (Lefèvre et al., 1985 : 23).

9 Entretien avec Patrick Bouchain, février 2009.

10 Voir par exemple le site http://www.maitrisedusage.eu, où l’architecte Jean-Michel Hennin propose cette notion fondatrice d’une démarche participative de projets d’aménagement ou d’équipement.

11 Entre autres : Olivier Razemon, « l’habitat participatif en mode écolo », Le Monde, 29 octobre 2010 ; Cécile Daumas, « L’immeuble de Neudorf à Strasbourg. Les nouveaux pionniers arrivent en ville », Libération Next n° 16, 4 avril 2009, p. 73.

12 Hervé de Chalendar « Oser construire ensemble l’immeuble qui nous ressemble », L’Alsace, 20 novembre 2008.

13 Pascale Jouffroy, « Court-circuiter la maîtrise d’ouvrage conventionnelle », dossier : « Le citoyen arrive ! Vers une société active sur son cadre de vie », d’A n° 198, mars 2011, p. 46‑49.

14 Christoph Gunsser, « Haus hinter grünen Pelz », Baumeister B4, 2011, p. 24‑25.

15 De même, le cadrage des photographies de cette opération présentes sur le site Internet de l’architecte en fait un bâtiment minimaliste. http://www.giesarchitekten.de/de/projekte/eco-logis-stra%C3%9Fburg.

16 Laurent Miguet, « L’autopromotion essaime à Strasbourg », Le Moniteur n° 5581, 12 novembre 2010, p. 68‑70.

17 Ce critère préside de même à la sélection des maisons construites en France par deux familles et des réalisations collectives étrangères présentées dans le dossier d’Ariane Wilson, « Construire à plusieurs : exemples et solutions », A vivre n° 45, nov/déc 2008, p. 84‑135.

18 Laurent Miguet, « Bois, paille et terre : projet pilote pour une renaissance », Le Moniteur n° 5621, 19 août 2011, p. 23.

19 « Habitat participatif à Strasbourg », Séquences Bois n° 88, janvier 2012, p. 4‑6.

20 http://www.legrandensemble.com/

21 Archistorm, Traits urbains, Faces, Intramuros, d’A et AA, où il fait la couverture du n° 387, en janvier-février 2012.

22 En Allemagne, l’autopromotion peut être pour l’architecte essentiellement un moyen de concevoir hors des normes ; une agence berlinoise rapporte : « We’re not interested in participatory design processes in themselves, but in producing a better architectural design », in Jeannette Kunsmann, « Cutting-edge homeowners », Domus n° 962, oct. 2012, p. 62‑71.

23 Entretien avec un autopromoteur d’Eco-Logis, mai 2009.

Anne Debarre

Maître-assistante à l’école nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais et chercheuse au laboratoire ACS, UMR AUSser CNRS 3329, PRES-Est.
Anne Debarre est architecte DPLG, maître-assistante en histoire et culture architecturales à l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais et chercheuse au laboratoire ACS (Architecture, Culture, Société XIXe-XXIe siècles), UMR AUSser CNRS 3329, PRES-Est. Ses recherches portent sur l’architecture domestique dans divers champs de production (logement de la promotion privée, pavillonnaire, maisons individuelles d’architectes, habitat durable participatif). http://www.umrausser.cnrs.fr/spip.php?article210.

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