Rüdiger Lainer, architecte, professeur à l’Académie des Beaux‑Arts de Vienne

Pratiques et parcours

Olivier Chadoin et Rüdiger Lainer

p. 50-52

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Olivier Chadoin et Rüdiger Lainer, « Rüdiger Lainer, architecte, professeur à l’Académie des Beaux‑Arts de Vienne », Cahiers RAMAU, 3 | 2004, 50-52.

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Olivier Chadoin et Rüdiger Lainer, « Rüdiger Lainer, architecte, professeur à l’Académie des Beaux‑Arts de Vienne », Cahiers RAMAU [En ligne], 3 | 2004, mis en ligne le 03 novembre 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/486

Les textes présentant les « pratiques et parcours » de professionnels ont été rédigés par Olivier Chadoin à partir des interventions orales des intéressés lors des rencontres Ramau 2002.

Pour Rüdiger Lainer, l’architecte est un spécialiste de l’image globale des bâtiments, qui dispose des moyens et des méthodes pour optimiser les performances dans ce secteur de la conception. Néanmoins, le recours à l’architecte pour la conception d’images se limite le plus souvent à des aspects de surface plutôt que de contenu. Mais il est possible de contrer cette conception restrictive du rôle de l’architecte dans la conception des images.

En effet, un travail sur les métaphores et les images n’est pas seulement formel. Il permet, d’une part, de repenser le fonctionnement d’un projet dans ses différentes fonctions et, d’autre part, de faciliter la compréhension de sa production. Bien menée, la production d’image représente, selon Rüdiger Lainer, un gain d’efficacité en matière de conception. Grâce à elle, l’architecte peut se révéler être un acteur important dans la réflexion sur l’ensemble du projet.

De la métaphore au projet…

Pour expliquer l’efficacité de la production d’images et de métaphores dans le développement des projets, Rüdiger Lainer s’appuie sur l’exemple d’un projet de vaste centre de loisirs à Vienne. Pour ce projet, les promoteurs et les responsables de l’urbanisme de la ville ont été associés en amont du processus de conception. Le projet comprend, entre autres, un cinéma, des boutiques, des parkings et des bureaux. Une part importante du travail architec­tural a porté sur une élaboration théorique du projet, appuyée sur l’opposition entre l’artificiel et le naturel. Le projet est relu et repensé dans son ensemble, à partir de cette métaphore. Pour ce faire, les concepteurs ont fait appel aux artistes Mario Mertz et Lois Weinberger qui réalisent des interventions directement au niveau des matériaux de façade.

Ces interventions, qui font usage de l’approche métaphorique, se retrouvent également au niveau des façades verrières, considérées comme une peau organisant l’interaction entre les espaces publics extérieurs et les espaces privés intérieurs. Ce travail de recherche des interactions et des corrélations entre le public et le privé se décline dans la disposition des étages, des volumes indépen­dants, etc. De même, les volumes des bâtiments sont colorés et disposent d’ouvertures destinées à établir des relations visuelles. La difficulté de la conception, dans ce cas, est de parvenir à une complexité et une richesse qui ne rendent pas l’utilisation de l’espace trop chaotique. L’usage de la métaphore comme guide de conception est ici précieux dans la mesure où il permet de repenser l’ensemble du fonctionnement des bâtiment conçus.

… en passant par le maître d’ouvrage

Le maître d’ouvrage de ce projet est une importante compagnie de cinéma aux ambitions internationales et qui dispose d’un savoir-faire reconnu dans la construction de centres commerciaux. C’est en particulier dans le profil du maître d’ouvrage que l’on peut trouver les raisons de cette volonté de s’inscrire dans une approche architecturale métaphorique. L’objectif de cette compagnie est en effet de démontrer que le cinéma et le centre commercial sont des éléments qui composent une unité complexe, et qu’en conséquence, il y a lieu de rendre visibles et lisibles les rapports entre ses éléments. De fait, les métaphores et les images s’avèrent être non seulement des instruments de conception efficaces, mais elles permettent également une bonne relation avec le maître d’ouvrage et une bonne compréhension du projet.

Un initiateur pour « reprogrammer »

De ce point de vue, Rüdiger Lainer estime que l’architecte a un rôle déclencheur ou, mieux encore, d’initiateur. Sa compétence généraliste lui permet de démontrer qu’il y a différentes manières de travailler. Face à une tendance à la spécialisation professionnelle, il reste un acteur capable de prendre du recul pour réfléchir sur la totalité de la conception d’un bâtiment. Aussi, devant la nécessité de construire des assemblages complexes, comme dans l’exemple cité, il est en mesure d’effectuer une reprogrammation et de repenser l’ensemble du fonctionnement du bâtiment.

Cette notion de reprogrammation qui s’appuie sur l’usage des images et des métaphores peut être employée à différents niveaux de la conception. Elle peut trouver une expression tant au niveau de la forme du bâtiment qu’au niveau de la gestion de l’énergie. L’idée est d’associer la réflexion constructive à l’élaboration d’images et de métaphores qui donneront sens au bâtiment et qui guideront sa conception d’ensemble. Un autre aspect de la reprogrammation est de considérer les possibles changements d’utilisation et de destination des éléments de construction.

La reprogrammation urbaine : intégrer l’aléa

Aujourd’hui, Rüdiger Lainer développe ces méthodes au niveau urbain. Il s’est fixé les mêmes buts pour un projet urbain de 130 ha à Vienne. Le plan d’urbanisme original de ce projet était obsolète et il s’agissait de développer une stratégie urbaine. Le travail de conception a adopté une approche en termes d’images pour définir un système ouvert, laissant une place à l’irrégularité et à d’autres développements possibles. Dans ce type d’approche il s’agit donc, d’une part, d’assurer des qualités spatiales et sociales stables et, d’autre part, de tenir compte de l’imprévu inhérent au développement urbain.

Dans ce cas, l’architecte doit accepter de ne pouvoir définir clairement les objets architecturaux. Ce principe emprunté à l’expérience du développement des centres de loisirs et commerciaux, engage à privilégier la définition d’un cadre général qui s’appuie sur deux dimensions : une identification des fonctions possibles d’usage, et la définition de relations à la ville s’appuyant sur un équilibre entre des règles d’interaction et d’indépendance.

Cet usage du compromis entre interaction, indépendance et évolutivité des projets, est également illustré par un projet d’immeuble de bureaux à Vienne. S’agissant là de gérer la relation entre ce nouveau bâtiment et un bâtiment existant classé à proximité, l’usage de la métaphore de l’opposition naturel/artificiel a abouti à un important travail sur les matériaux, dont le résultat consiste à combiner les référents visuels des deux bâtiments.

Enfin, pour un projet destiné à une ambassade autrichienne, Rüdiger Lainer a choisi une manière conceptuelle d’augmenter l’espace en définissant les espaces et leurs relations au contexte selon certaines règles. La fonction générale du bâtiment a été complétée et enrichie, et le programme entier a été interprété à partir d’un travail sur les représentations concernant les espaces d’intimité sans public et les espaces d’échange avec le public. Le découpage de l’espace s’est ainsi vu réévalué et reprogrammé, en fonction des représentations et des usages.

Pour résumer, l’idée de reprogrammation atteste, selon Rüdiger Lainer, une réelle capacité de l’architecte à repenser le projet et à en reprendre la direction stratégique. Cela, en s’appuyant sur une communication avec le maître d’ouvrage, médiatisée par ses outils traditionnels : l’image et la métaphore.