La confiance comme conséquence. Les conditions de la coordination architecturale et urbaine

Confidence as a consequence. Conditions of architectural and urban co‑ordination

Olivier Chadoin

p. 118-133

Citer cet article

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Olivier Chadoin, « La confiance comme conséquence. Les conditions de la coordination architecturale et urbaine », Cahiers RAMAU, 2 | 2001, 118-133.

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Olivier Chadoin, « La confiance comme conséquence. Les conditions de la coordination architecturale et urbaine », Cahiers RAMAU [En ligne], 2 | 2001, mis en ligne le 08 novembre 2021, consulté le 21 décembre 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/534

Cet article propose d’observer la « fabrication d’un morceau de ville » à partir de la production de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) de Paris-Bercy, en s’intéressant plus particulièrement à la mise en place par l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) de la fonction d’architecte coordonnateur comme illustration de la manière dont l’élaboration d’un compromis s’engage sur la base d’une innovation organisationnelle. Après avoir rappelé le contexte du projet, l’auteur décrit brièvement ses éléments constitutifs, notamment une partie habitation, opération reposant sur trois acteurs : une maîtrise d’ouvrage déléguée, des maîtres d’ouvrage en grande partie publics et un « architecte coordonnateur », cette dernière mission constituant précisément une originalité. Outre les questions relatives au fonctionnement de l’organisation, l’auteur cherche également à cerner les conditions de réussite et d’acceptabilité de cette organisation par les divers acteurs de l’opération, et, plus précisément pour la dernière partie de l’opération évoquée, à voir comment peut-être obtenue une certaine harmonisation du bâti tout en conservant un dispositif d’action hétérogène, comment il a été possible d’accorder les voix des différents acteurs de renom en présence (l’architecte coordonnateur est parfois désigné comme « l’arbitre des élégances » ou le garant des « règles de courtoisie ») et au nom de quoi, donc sous quelle forme de coordination (mise en place de fonctions et d’objets), selon quel accord de base autour des enjeux formulés du projet (jusqu’à l’édification d’une façade type), suivant quelle règle du jeu (établissement d’une charte, élaboration de divers documents par l’architecte coordonnateur), quelle distribution des rôles et dans quels rapports de confiance.

Based on a case study of the production of the Paris-Bercy ZAC (Zone d’aménagement concerté), this article focuses on the creation of a “co-ordination architect” by the Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) as an illustration of the way a compromise is built up and based on an organisational innovation. After having recalled the project context, the author briefly describes its various elements, emphasising the housing element. The project relies on three actors: a “maîtrise d’ouvrage déléguée” (delegated client), mainly public “maîtres d’ouvrage” (clients), and a co-ordination architect, this last mission being indeed an originality. Besides questions about the operation of this organisation, the author seeks to identify conditions for success and also for its acceptability by the various project actors. More precisely in the case of the above mentioned housing part of the project, the author tries to see how some harmonisation of the buildings could be obtained while keeping an heterogeneous arrangement in action, and how it was made possible to tune the voices of the famous actors who were present – the co-ordination architect is sometimes named “arbiter of taste” or said to have a “warrant for courtesy rules”; he also tries to specify the terms, that is under which form of organisation (implementation of functions or objects) or according to which agreement about the project specified tasks are undertaken (up to the building of a sample façade), and to describe the rules of the game (definition of charter, production of various documents by the co-ordinating architect) and the casting, and the kind of confidence relationships.

Interprofessionnalité, confiance, réciprocité, coopération… Tels sont les termes qui aujourd’hui marquent la réflexion sur la production architecturale et urbaine par les sciences sociales. A côté d’une réflexion, devenue classique, sur les produits et leur finalité, leur usage, s’est développée un champ de réflexion sur les processus et les acteurs. Bref, on passe de la question « que produit-on et pour qui ? » à la question « comment produit-on et avec qui ? ». Derrière les mirages de la rationalisation apparaît la réalité sociale de la production architecturale : non seulement les produits architecturaux ne sont pas « des marchandises comme les autres » mais ils « ne sont pas produits comme les autres ». Bref, dans ce secteur économique « encastré » où l’identité des acteurs est encore marquée par la présence de notions précapitalistes telle que celle de « profession », on découvre une irréductibilité des processus aux notions de rationalité et d’intérêt. La standardisation des procédés y reste mineure, les produits sont toujours singuliers, les sites toujours différents et surtout, les acteurs y sont porteurs de culture et de rationalités divergentes. En cela la question des processus de production architecturaux et urbains pose moins aujourd’hui des questions organisationnelles que d’action collective. L’observation de la production d’un projet architectural « en train de se faire » est alors un terrain tout indiqué pour répondre aux vieilles questions sociologiques de l’agir en commun : « comment puis-je faire face à l’imprévisibilité du comportement d’autrui, à qui se fier et au nom de quoi ? ».

Ces questions d’agir collectif s’engagent en particulier à partir d’un débat sur la signification du bien à produire et du site. Dans un contexte où aucune doctrine ne domine pour donner un sens à l’action, il s’agit de s’entendre sur une lecture préalable du site et de son devenir. Chaque acteur étant porteur d’un régime d’action spécifique, il s’agit de construire des points de passage entre les différents acteurs et leur vision du lieu à produire. Pour tout dire, en l’absence d’une vision d’intérêt général, c’est une vision partagée qui se met en place dans le cours du projet qui s’appuie sur des acteurs et des objets dits « intermédiaires ». S’agissant par exemple de réaménager un ensemble urbain, l’alternative est la suivante : d’un côté, laisser s’actualiser dans un découpage en lots des expressions différenciées au risque d’une collision des styles architecturaux et d’une forte rupture de l’espace ainsi aménagé avec le reste de la ville et son histoire ; de l’autre, privilégier l’harmonie et l’insertion en imposant de fortes contraintes aux architectes ou en confiant l’opération à un seul intervenant, au risque d’engendrer une uniformité sans qualité1. L’observation des pratiques architecturales et urbaines à partir de cette grille analytique permet une compréhension de celles-ci comme l’élaboration toujours recommencée d’une formule de compromis entre ces deux registres d’action. Ainsi, l’on sait qu’au retrait relatif de l’action publique et à la volonté d’ouvrir à un partenariat public-privé correspond le passage d’un modèle d’action sur la ville de type « hiérarchique », qui privilégie l’alignement des points de vue selon un principe unique, à un modèle d’action « négocié » où l’on cherche à aménager les conditions d’une entente entre des partenaires aux intérêts et aux rationalités dissemblables (Callon, 1997).

Il s’ensuit que la gestion de la cohabitation de ces deux directions d’action engage la mise en place d’innovations organisationnelles. Le problème n’est plus alors seulement celui du respect de l’universalité de la règle mais également de la coordination des actions, celui des conditions de construction d’un compromis (Boltanski et Thévenot, 1991). Autrement dit, le travail urbain et architectural apparaît comme un lieu privilégié pour l’analyse de la mise en place d’arrangements entre des principes d’action hétérogènes. Il se présente à l’observation comme une illustration relativement intéressante de la notion de « dispositif composite » au sens où il met à un (et pour un) moment donné, en relation des personnes et des choses relevant de mondes différents devant collaborer à la fabrication de quelque chose de commun (Camus et Lautier, 1994 ; Camus, 1995)2.

C’est une telle grille d’analyse que nous avons mis en place pour observer la « fabrication d’un morceau de ville » à partir de la production de la Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) de Paris-Bercy. En particulier, la mise en place récente par l’Atelier Parisien Urbanisme (APUR) de la fonction d’architecte coordonnateur3 sur un certain nombre de ZAC y apparaît comme une illustration de la manière dont l’élaboration d’un compromis s’engage sur la base d’une innovation organisationnelle. Comment fonctionne-t-elle ? Quelles sont ses conditions de réussite et d’acceptabilité par les acteurs de l’opération ? Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté d’apporter une compréhension à l’occasion d’une étude sur la construction des systèmes d’action et des conditions de collaboration des acteurs dans le cadre de la production des projets urbains et architecturaux4. Ce travail de pragmatique descriptive passe par la restitution d’un cadre d’action (l’opération) et la reconstitution des étapes de la construction d’un monde d’objets et de personnes dans lequel s’enracine l’agir collectif.

1. Continuer la ville

Inscrite dans une politique et une stratégie urbaine globale de réinvestissement de l’Est parisien qu’illustre le fameux slogan « Paris se lève à l’est », l’aménagement de la ZAC de Paris Bercy (12e arrondissement) constitue une opération où la tension entre régimes d’action est relativement présente. L’objectif à atteindre est de créer un nouveau quartier appelé « Bercy » mais aussi et surtout de raccrocher celui-ci au reste de la ville. Bref l’ambition est d’éviter toute césure pour « continuer la ville » ; de s’attacher à éviter le pastiche tout en essayant d’harmoniser dans un ensemble sans heurts des bâtiments de différente nature. On reconnaît là l’esprit d’un renouveau de la pensée urbaine qui vise non plus à assaillir les faubourgs mais à étendre la ville depuis son centre, à tisser et organiser à partir de l’existant pour concilier respect du centre historique et développement de la ville contemporaine. L’objet n’est plus de « composer la ville » mais de « composer avec la ville » (Querrien, 1986).

Sont prévus dans le Plan d’Aménagement de Zone (PAZ) : un parc de 13 ha, un centre d’affaire agroalimentaire, un quartier d’habitation (face au parc) de près de 1 400 logements accompagné d’un certain nombre d’équipements. Le projet est ainsi lisible selon une partition en trois zones caractérisées par des différences visibles depuis la nature des aménagements qui forment, une sorte de « plan d’action située » et nous renseigne sur la nature des coopérations engagées sur chacune d’entre elles.

D’abord le parc ou « Jardin de la mémoire » : il est affirmé d’emblée comme élément majeur ou « épine dorsale » de l’opération. C’est autour de lui que s’organisent les éléments construits. Il s’appuie entièrement sur les strates historiques présentes et affirme une connexion parc / ville. Cet élément paraît constituer un réel point fort de légitimation de l’opération. Il condense dans sa définition tous les attributs contemporains de la « qualité urbaine » : respect de l’ancien, conception à partir de l’espace public, présence d’un espace vert…

Ensuite, un grand centre d’activité occupe le fond de la zone. Cette zone à dominante d’activité, confiée à un promoteur privé (ZEUS5), reste très peu évoquée par les différents documents relatifs à l’opération. Ce, comme si du fait de sa dominante marchande, il était difficile de l’accorder mentalement aux autres éléments de l’opération plus centrés sur les valeurs du monde civique6 (quartier et espace public). Enfin, autre élément fort du programme qui nous intéresse plus particulièrement ici : le « front d’habitation ».

Situé en face et en bordure du parc sur 400 m, cette opération repose sur trois acteurs : une maîtrise d’ouvrage déléguée avec la SEMAEST (aménageur de la ZAC) qui vise à l’équilibre et à la gestion financière de l’opération, des maîtres d’ouvrage en grande partie d’origine publique se répartissants les lots pour la construction de près de 1 400 logements et équipements correspondants (crèche, école, locaux d’activité, parkings…) ; enfin, un « architecte coordonnateur ».

C’est dans la présence de cette dernière mission que réside l’originalité de l’aménagement de cette partie de l’opération. Le découpage de ce front bâti linéaire en lots correspondant à autant de couples architecte / maître d’ouvrage, il y avait dans cette partie de l’opération un risque fort de confrontation des styles architecturaux qui dérogeait à la volonté de créer une continuité urbaine et une identité de quartier. Aussi, cette section de l’opération a-t-elle été confiée à l’architecte Jean Pierre Buffi qui en a assumé au préalable la définition d’ensemble puis la coordination dans la mise en œuvre. Comment obtenir une certaine harmonisation du bâti (une certaine généralité d’expression) tout en conservant un dispositif d’action hétérogène ? Comment accorder les voix des différents acteurs singuliers de renom en présence et au nom de quoi ?

2. La coordination

Pour satisfaire à cette double exigence de continuité et d’harmonie du point de vue de la trame urbaine tout en confiant l’opération à plusieurs architectes, il faut donc qu’à un moment donné se fonde un accord. Pour ce faire, les acteurs de l’opération ont plusieurs possibilités. Tout d’abord, il est possible d’en référer à l’intérêt général et d’imposer par le biais d’un règlement une intégration commune des actions. Néanmoins, cette option est difficile à tenir, dans la mesure où les intérêts des maîtres d’ouvrage particuliers qui ont à faire valoir leur voix, pourraient être découragés par un encadrement réglementaire trop fort. De plus, l’établissement d’une règle nécessite dans le cas présent une prescription esthétique forte qui peut être vécue comme arbitraire par les différents architectes et qui ne garantit pas pour autant leurs ajustements mutuels en cours d’opération. L’autre option envisageable se présente comme suit : confier l’ensemble de cette zone à un professionnel garant de l’intégration des actions et de la continuité de la morphologie urbaine. C’est à dire placer entre le maître d’ouvrage de la ZAC d’une part et les maîtres d’ouvrage et leurs architectes de l’autre, une personne capable d’établir un accord entre les parties de façon à produire une certaine harmonie urbaine sans pour autant imposer un règlement perçu comme trop rigide. Autrement dit, cette deuxième alternative, ici retenue, suppose d’inventer une mission de médiateur capable d’établir un arrangement entre les parties en présence de telle façon que les actions de chacun se coordonnent et que la discordance des styles architecturaux ne l’emporte pas sur l’unité urbaine. C’est en cela que réside donc le rôle et la place intermédiaire de coordonnateur.

Cette méthode mise au point par l’APUR et utilisée sur des opérations antérieures à celle qui nous occupe consiste donc, pour le dire vite, à éviter le collage antinomique des styles architecturaux, à prévenir le risque de discontinuité urbaine en travaillant sur les interfaces. Comme le rapporte très justement Nicole Eleb‑Harlé, cette démarche participe d’un « ensemble de moyens organisés et mobilisés par la maîtrise d’ouvrage urbaine » qui consistent à « définir les qualités urbaines et architecturales des projets et à garantir leur maintien dans le temps » (Eleb‑Harlé, 1997). Elle correspond donc à une volonté des acteurs en présence d’établir un rapprochement entre expression architecturale particulière et expression homogène du cadre urbain, de même qu’à une volonté de s’accorder pour agir ensemble. La coordination doit faire en sorte « qu’aucune voix ne domine et qu’aucune voix ne serve de simple accompagnement ». C’est en cela que la tâche est originale. Elle vise en fait à créer les conditions propres à l’établissement d’un compromis entre le registre civique porté par la collectivité initiatrice du projet et le registre inspiré sur lequel se place chacun des architectes intervenant.

Cette articulation nécessite la mise en place non seulement de rôles spécifiques (ici celui de l’architecte coordonnateur) mais aussi d’objets, de documents et de textes pour faire exister, et donner un corps, à cette volonté. L’établissement du compromis nécessite en effet plusieurs moments7 : d’abord celui d’un accord sur le fond et la validité globale de l’action engagée qui est à la base de l’engagement des acteurs dans l’opération. Ensuite, la fabrication de mots, d’objets et de documents « composites » qui contribuent à l’enracinement de l’entente et au règlement des éventuelles controverses. Enfin, la reconnaissance de qualités spécifiques au porteur du compromis (l’architecte coordonnateur). C’est la mise en place progressive de ce « monde » que nous explicitons.

3. Un accord de base

Ici, le compromis se fait avant toutes choses en fonction d’une grandeur qui doit d’abord être acceptée et reconnue tacitement par les acteurs en présence. C’est l’enjeu du projet qui dépasse les intérêts des seuls architectes d’opération et englobe des acteurs qui ne prennent pas directement parti à l’opération que sont les futurs usagers. On se met donc à l’origine d’accord, non seulement en vue d’une bonne collaboration mais, de surcroît, cet objectif est réalisé en recherchant quelque chose qui dépasse cet accord, un grand principe et une vision à long terme : la création d’un cadre urbain de qualité pour les futurs habitants et le respect d’un site exceptionnel en terme d’histoire et d’environnement (Pousse, 1994)8. Cette reconnaissance d’un intérêt général permet donc aux acteurs de s’accorder sur le but de l’opération, sur ce qu’il y a à produire, ce, à défaut de s’entendre sur comment on va le produire. Dans l’opération cette visée s’exprime à travers l’utilisation de vocables qui renvoient aux objectifs généraux de l’ensemble de l’opération, lesquels sont matérialisés par le parc, voulu comme élément structurant de l’opération. Les termes « continuité de la trame urbaine existante » ; « histoire et mémoire »9 ; « harmonie urbaine » ; « quartier de qualité » ; « espace public » ; « intégration et respect du contexte »… dominent ainsi la restitution verbale de l’opération quelques soient les acteurs. Ils définissent l’enjeu de ce projet, le motif valable de la recherche d’un terrain d’entente.

4. Du règlement à la règle du jeu

Dans un second temps, toujours dans la recherche d’un compromis, vient l’articulation de différents architectes d’opération dans le but de la réalisation de cette visée commune qu’est celle du projet. Là, il est nécessaire d’élaborer des outils et des conditions propres à la réalisation de ces buts généraux ; de faire en sorte que chaque architecte d’opération réalise un projet dans le projet. Pratiquement, il s’agit de définir le cadre par lequel construire une généralité à partir des différentes interventions des architectes d’opération ; de définir et concevoir un mode d’agir global qui dépasse et englobe les individualités afin que, comme l’exprime l’architecte coordonnateur, « les voix s’accordent » et qu’il n’y ait pas de « solistes exhibant leurs tripes ».

A ces fins, le seul règlement de ZAC, qui donne les grandes orientations urbaines (à la manière d’un plan d’occupation des sols), doit être précisé, dépassé. Le RAZ est effectivement un document généraliste : il ne prend pas en compte les expressions architecturales singulières mais propose un cadre réglementaire et collectif. Celui-ci, associé au PAZ donne ainsi l’indication du tracé des voies, la répartition fonctionnelle des îlots et le plafond maximum de leur construction. Il s’assortit également de recommandations générales : volonté d’un traitement architectural d’ensemble du front bâti et recherche d’une relation forte entre le parc et son quartier. Posées comme telles, les pièces constitutives de la ZAC (PAZ et RAZ) définissent en fait un « mécanisme de spatialité » général insuffisant à satisfaire les larges enjeux prédéfinis. Il reste, surtout, à arrêter les conditions d’intervention de chaque maître d’œuvre par lot. Or, c’est pour réaliser ce passage du réglementaire global à l’opérationnel particulier, de l’urbanisme à l’architecture, qu’intervient la mission de coordination.

Le rôle de l’architecte coordonnateur consiste alors à élaborer un document, complémentaire à ceux existants traditionnellement, qui considère en même temps architecture et urbanisme. Ce document « composite », indispensable, n’est ni un règlement urbain, ni un projet d’architecture mais une « charte d’architecture urbaine ». Il vise à composer le général, l’urbain, en accordant le particulier, l’architecture. Partant, pour ce quartier, l’architecte coordonnateur, conformément au principe de base du respect de la synchronie urbaine, travaille à la mise au point d’une sorte de « pré-architecture » en analysant des plans de Paris pour mieux définir la forme urbaine du futur quartier10. Dans ce travail de traduction du plan d’aménagement de zone (PAZ) en charte architecturale le but est de dépasser le règlement urbain pour le transfigurer en « règle du jeu architectural ». Autrement dit : définir et préciser les formes urbaines et architecturales ainsi que leurs modes d’articulation.

Cette charte d’architecture urbaine intègre donc trois éléments de registres d’action et d’ordres différent : le règlement d’urbanisme (dit RAZ) porté par la maîtrise d’ouvrage publique de l’opération, l’exigence de continuité et d’équilibre de la trame urbaine qui fonde l’orientation globale de l’opération et que partagent les acteurs engagés, enfin, la possibilité d’interventions particulières de la part des architectes et de leurs maîtres d’ouvrage. De la sorte, ce document intermédiaire reprend les contraintes réglementaires d’origine et définit un vocabulaire architectural de base destiné à établir une armature morphologique homogène11, (balcon filant, menuiserie, matériau de façade… sont ainsi imposés) tout en découpant le front bâti selon un ordre typologique12 et modulaire de façon à fixer le lieu de l’intervention singulière de chacun des architectes. La typologie qui est finalement lieu de l’articulation de l’architecture et de l’urbanisme fonctionne, selon l’image significativement utilisée par les architectes de ce projet, à la manière d’une partition musicale. Elle définit un cadre d’expression mais n’exclut aucune variation.

Dans la mise une place de ce dispositif relativement complexe il s’établit un équilibre entre le règlement de la collectivité initiatrice du projet, les prescriptions architecturales de l’architecte coordonnateur et l’expression architecturale particulière des architectes d’opération. En particulier, en faisant tenir ensemble une modénature architecturale de base et en aménageant la possibilité d’une expression architecturale d’auteur, c’est la question de la confrontation entre espace public et espace privé qui est travaillée. Dans cet esprit, en plus de la charte un « carnet de détail » précise les éléments tenus pour fondamentaux et établit une partition entre prescriptions et recommandations. Le front urbain, lieu de confrontation des registres est, de cette façon, instruit selon un équilibre entre la prescription d’éléments de continuité de la part de l’architecte coordonnateur et la libre expression des architectes d’opération. « Nous avons donné un système de macro-écriture mais des interprétations différentes sont possibles » commente l’architecte coordonnateur (Buffi, 1994).

En outre, comme l’indique le terme « charte » lui-même, on a affaire à un document « souple et organisateur » qui ne fonctionne plus sur le registre du réglementaire mais sur celui de la règle du jeu. En faisant tenir ensemble dans le même document architecture et urbanisme, la coordination fonde donc une base de compromis entre ces deux lectures de la ville. « Ne pas établir de règles c’est laisser faire le projet par les promoteurs et s’appuyer sur des thèmes généraux n’empêche pas chez les architectes des variations de leurs propres écritures » rapporte l’architecte coordonnateur (Buffi, 1994, p. 102). De surcroît, il n’est pas question de contrainte mais bien d’accord. Le but recherché ici est que chacun ait sa place et son mode d’expression dans un jeu collectif dont la règle est fixée à l’origine avec l’acceptation préalable des joueurs.

Ce document qui trouve son origine dans la traduction du règlement de ZAC constitue donc un premier pas dans la réalisation d’un assemblage ou d’une hybridation entre architecture et urbanisme. On retrouve là en définitive le principe de la traduction (Latour, 1995, pp. 261-292) au sens où ce qui est recherché par le recours à la coordination et la fabrication d’une charte c’est bien un point de passage entre les buts de la collectivité exprimés en termes réglementaires (PAZ et RAZ) et ceux des différents architectes par le moyen de la forme. Plus profondément, la charte offre une base et une visibilité à partir de laquelle il est possible de faire tenir ensemble l’exigence de généralité du cadre urbain et l’exigence d’unicité de l’expression architecturale, entre registre inspiré et registre civique. Désormais, pour les personnes engagées dans l’opération, il ne sera plus question d’architecture ou d’urbanisme mais de « composition architecturale » ou de « composition urbaine »13.

5. Distribuer les rôles

S’annonçant comme une véritable règle du jeu, la charte distribue également les attributions et les positions de chaque joueur. Ainsi, dans le travail de définition de ce document l’architecte coordonnateur a découpé l’ensemble du front bâti en « îlots ». L’idée est la suivante : chaque maître d’œuvre dispose d’une unité de travail (l’îlot) sur laquelle il est autonome, mais, dès qu’intervient un contact avec l’espace public ce sont les éléments de la charte qui s’imposent. On retrouve donc ici le principe de l’interface public-privé qui s’enracine dans le seuil qu’est la façade. En travaillant sur la notion d’îlot et en donnant à chaque architecte des faces d’îlots soit en vis à vis autour d’une rue, soit des deux côtés d’un même îlot, il s’agit donc bien d’éviter la collusion de styles architecturaux par trop différents14. Là encore, c’est une règle morphologique de constance urbaine qui guide la distribution des rôles et le choix des architectes d’opération15. A ce niveau également c’est par conséquent le principe de la traduction du réglementaire au professionnel qui prévaut. La répartition de la maîtrise d’œuvre ne se fait plus au nom d’une logique d’ordre administrative mais à celui d’une nécessité d’ordre morphologique de cohérence urbaine.

Enfin, l’îlot est lui-même défini comme un espace « poreux », c’est à dire comme un lieu qui n’est ni totalement l’expression d’une unicité, ni totalement celle du collectif. Autrement dit, il apparaît dans sa définition comme un objet hybride, à la fois objet architectural et espace public. On note ainsi, une synchronisation d’ordre spatial avec le parc (espace public) puisque les îlots ont été délibérément ouverts en cohérence avec la trame transversale du parc de manière à, selon les concepteurs, « faire entrer le parc, l’espace public, dans les îlots ». Ainsi, toujours dans cette logique de montage composite ou d’objet hybride certains acteurs parlent à propos des îlots, de « compromis entre l’îlot hausmannien fermé et le bloc moderne » et d’espaces « semi‑publics »16.

6. Les objets de l’accord

Le rôle primordial de l’architecte coordonnateur, placé en qualité « d’acteur tiers », entre les architectes d’opération et la maîtrise d’ouvrage, consiste réellement à opérer un passage entre le volet urbain et le volet architectural ; à réaliser une véritable composition urbaine. En organisant l’action des différents hommes de l’art par le biais d’une traduction en terme architectural du règlement et en se donnant les moyens de la distribution des différents architectes d’opération, la coordination aspire à aménager les conditions d’un projet partagé. Pour autant, le seul document composite que constitue la charte n’est pas suffisant pour régler l’éventualité d’une controverse. Aussi, à ce document de base viennent s’ajouter et une procédure spécifique, et la construction d’un objet particulier.

Engager des acteurs aux intérêts divergents à collaborer sur la base d’un compromis nécessite en effet non seulement une objectivation de cet accord dans des objets mais également qu’un minimum de prévisibilité soit possible. Cet objectif se réalise tout d’abord au niveau de la cession des terrains où la charte est annexée au règlement de ZAC dans le dossier de vente des charges foncières aux différents investisseurs. De cette façon les maîtres d’ouvrage qui signent ces documents lors de la transaction sont, de fait, associés à la démarche et, pour ainsi dire, enrôlés dans le dispositif. Au-delà de l’accord entre architecture et urbanisme, ce qui est recherché là, c’est aussi un accord concernant les impératifs de commercialisation et de vente des promoteurs17. Ensuite, pour préserver le sentiment d’une solidité du compromis, nécessaire au bon déroulement de l’action, une méthode d’ordre contractuelle est mise en place à propos du délivrement des permis de construire. Les principes en sont les suivants : chaque architecte d’opération et son maître d’ouvrage s’appuient sur le cahier des charges issu de la charte qui s’applique à leur parcelle pour définir une première esquisse de projet. Cette première esquisse fait ensuite l’objet d’un dialogue avec l’aménageur de la ZAC, les services techniques de la ville de Paris, l’APUR, et l’architecte coordonnateur. Ainsi, on débouche sur un accord préalable de base entre les partenaires qui les rassurent mutuellement. Cette échange assure les maîtres d’ouvrage et les architectes d’opération d’une non remise en question du projet au stade du dépôt de permis de construire. De même, elle garantit aux initiateurs du projet (ville, aménageur, APUR) que les orientations globales du projet seront suivies en accord avec la charte défini par l’architecte coordonnateur. Les documents écrits sont donc relayés par des transactions verbales.

Par conséquent, ici les acteurs peuvent compter sur l’intégration de tous les intervenants et leur accord de principe avant d’agir. Avec cette sophistication des procédures de vente et d’attribution des permis de construire, les acteurs peuvent avancer dans un environnement rendu plus certain. Mieux encore, le « prédossier » de dépôt de permis de construire ainsi constitué, vient donner plus de solidité à la construction du compromis amorcé par la charte architecturale. A ce niveau, c’est pratiquement la capacité de la charte à servir de base à la conception des projets qui est éprouvée. La crainte des acteurs étant de voir le projet encore considéré comme trop singulier et de se voir refuser l’accord du projet, dans de telles procédures il est en fait donnée aux acteurs l’occasion d’évaluer la validité du compromis avant de s’engager dans l’action. Le risque étant évidemment de voir le « compromis » se révéler être une « compromission » au sens où il privilégierait une des deux logiques d’action en présence.

En retour, par le passage à travers ce circuit, la solidité du travail de traduction du coordonnateur se trouve confortée par les adhésions de chacun des acteurs. De la sorte, se met peu à peu en place un véritable réseau en vue de la production du projet. Plus simplement, cette procédure renforce l’entredéfinition des personnes et solidifient le cadre de leur coopération.

Enfin, autre élément d’accord et de coordination, une façade type établie d’après la charte de l’architecte coordonnateur est effectivement édifiée, en vraie grandeur sur le site18. Celle-ci joue également un grand rôle dans la régulation de l’action conjointe en constituant une sorte de condensation en vraie grandeur des accords institués entre les différents partenaires. Face à l’incertitude ou au sentiment d’étrangeté du compromis engagé par la charte, cet objet permet de rassurer les acteurs et de faire la preuve de la réalité du compromis lui-même en lui donnant une incarnation physique. Comme un objet réceptacle des accords constitués celle-ci fournit une véritable incarnation de la faisabilité et de la prévisibilité du projet lorsque les acteurs ont à engager des épreuves : « Lorsqu’on avait un désaccord, qu’un artisan nous disait » c’est pas possible on ne peut pas faire ceci ou cela «, on allait lui montrer la façade type ».

7. La question du traducteur ou la confiance comme conséquence

Ainsi, sur la base d’un parti prédéfini en fonction des exigences de continuité de la trame parisienne, c’est une dizaine d’architectes d’opération, dont quelques « stars »19, qui ont travaillé sous la coordination d’un de leur pair, quelque fois d’ailleurs désigné par les termes « d’arbitre des élégances » et de garant des « règles de courtoisie ». Pour autant, comme l’atteste l’extrait de la controverse rapporté ici à propos de la façade modèle, il est toujours possible aux personnes engagées dans le processus de revenir sur la construction du compromis pour en dénoncer la fragilité où la partialité. Dans le cas de la fragilité il s’agit de dénoncer un « collage raté » ; dans celui de la partialité c’est l’appartenance d’un objet ou d’une personne à un des mondes à l’origine du compromis qui est souligné.

En ce sens, la condition de crédibilité de l’architecte coordonnateur semble reposer du point de vue des acteurs en présence sur deux exigences : celle d’abandonner ou de mettre entre parenthèse pour un temps sa vocation à édifier et celle de la reconnaissance par ses pairs de sa capacité à construire. Autrement dit, l’architecte coordonnateur ne doit pas construire dans l’opération qu’il coordonne sous peine de voir dénoncer sa charte comme étant partiale et ajustée à son propre point de vue. Néanmoins, si ce dernier n’a pas lui-même déjà bâti, sa charte peut être vécue par les architectes d’opération comme étant également partiale20 et ajustée au point de vue de la seule commande. À ce titre on peut souligner la difficulté à déterminer une fois pour toutes la position et la fonction de l’architecte coordonnateur, entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, entre programmation et conception. Assurant le passage d’un métier à un autre il devient difficile d’assigner à la coordination les termes de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre et elle demeure dans l’entre-deux et l’entredéfinition. En un sens, une telle compétence amène à réfléchir à la possibilité de dédifférenciation de l’expertise architecturale vis à vis de la commande.

Afin que le compromis se réalise, le coordonnateur doit être porteur non seulement des qualités des deux registres en présence (celui du collectif en tant que coordonnateur et celui du singulier en tant qu’architecte) mais également se voir reconnaître des qualités équivoques21. Selon les acteurs celui-ci doit avoir de « l’autorité », une « capacité d’écoute et de dialogue » et surtout « avoir de l’expérience » et être « considéré », « reconnu » par ses pairs. Dans cette opération en particulier il semble que le détour par les éléments des répertoires domestique et du renom aient facilité la réalisation du compromis puisque l’ensemble des personnes engagées dans ce projet s’accordent pour souligner le rôle de la réputation de talent de l’architecte coordonnateur et mentionner celui de la continuité de référence et l’inter-connaissance existants entre les architectes d’opération et l’architecte coordonnateur. Comme l’exprime l’un des acteurs de ce projet : « on n’a jamais été confrontés à des situations de conflit importantes sur des options fortes du projet. Parallèlement, les architectes auxquels on a affaire font, en quelque sorte, partis de la même sphère culturelle que nous. Ce sont des copains […]. Il y a des termes ou des concepts que nous partageons, ce sont des gens qui se connaissent, qui lisent les mêmes revues et la règle qui émane de la recherche effectuée par un architecte est plus facile à travailler que celles qu’édicte l’administration ». Autrement dit, la réussite de la coordination semble devoir autant à l’orchestration des professionnels en situation, du fait des qualités reconnues par les coordonnés au coordonnateur, qu’à la solidité du dispositif en soi. D’un côté la transfiguration du règlement en un langage professionnel de la part d’un pair dûment reconnu et de l’autre, le choix d’architectes usant des mêmes référents architecturaux, ont façonné les conditions de la réussite de l’opération. En ce sens, la question préalable de la confiance est déplacée. La confiance semble moins s’appuyer sur une vision partagée de l’architecture par une frange du champ architectural qu’au dispositif mis en place lui-même. Certes celui-ci contribue à stabiliser le cadre de coopération mais il apparaît plus comme une conséquence ; comme un cadre d’action soutenu par une vision professionnelle partagée de l’urbain. Enfin, ce qu’illustre bien cette opération c’est la condition de réciprocité sur laquelle se fonde la confiance. La confiance n’est pas ici seulement fondée sur de qualités reconnues par les coordonnés au coordonnateur, elle suppose également de la part du coordonnateur d’être assuré des signes de confiance des coordonnés. Autrement dit, pour que le coordonnateur lui-même puisse assurer sa mission dans un cadre stable il lui faut également « avancer en confiance ».

En ce sens le dispositif lui-même est insuffisant à la production de la confiance comme cadre d’action et de reconnaissance réciproque. Seule la continuité de référence et des positions architecturales partagées semblent à même de pouvoir fournir cette condition. C’est en ce sens que nous avons choisi de traiter un cas de coordination que tous les acteurs désignent comme étant une réussite. Ainsi, comparé à d’autres opérations coordonnées avec des outils et des procédures similaires cette variable apparaît avec plus d’acuité. De même, ici on peut penser que la continuité des prises de position architecturales des acteurs a joué un rôle important dans la mesure où l’opération fournissait l’occasion à une frange du champ architectural de faire la démonstration physique de la force de ses positions. Non seulement une telle lecture permet de verser au débat sur la confiance la question des positions et des prises de positions des acteurs dans un « champ »22 (ici celui de l’architecture) mais elle permet également d’enrichir la notion de confiance par celle de réciprocité.

1 Notons que cette opposition renvoie également à deux traditions d’action sur la ville : l’une libérale, l’autre réformatrice. Ainsi, on sait que l’

2 Ceci est montré très clairement dans ces travaux qui cherchent dans l’éthique de la discussion les conditions de fabrication d’accord des acteurs

3 Usant de la méthode monographique, ce travail risque d’être lu comme un jugement sur la qualité de l’opération ou comme une exaltation des mérites

4 Ce texte doit en particulier sa constitution à la confection d’une étude comparative à propos de la production architecturale et urbaine en France

5 Zone d’Evolution Urbaine de la Seine.

6 Lors des entretiens nombre d’acteurs parlaient de « point sombre », de « truc commercial un peu à part »…

7 La lecture que nous faisons n’a évidement pas de validité chronologique. Il s’agit seulement d’un effort de « mise en ordre » analytique dans une

8 Toutes les personnes engagées dans l’opération comme d’ailleurs les articles qui en font état rappellent l’importance d’une mémoire de Paris et

9 Rappelons que l’idée de patrimoine peut être rapprochée non seulement d’une « matrice normative » (le règlement des ABF) mais également d’un style

10 Il s’est ainsi inspiré de l’organisation en plots du champ de Mars et de la rue de Rivoli.

11 On retrouve le principe de la façade comme lieu de la confrontation entre espace public et privé qui définit entre autre chose le façadisme comme

12 Sur cette opération le coordonnateur définit quatre types (les refends, le cadre, les pavillons, les liens) qui ont pour objet manifeste et

13 Les acteurs du projet utilisent les deux expressions et font également mention d’une difficulté à arrêter une définition de la démarche. C’est

14 Signalons qu’un seul élément dans ce projet déroge à cette logique de composition : « l’american center » (aujourd’hui devenu cinémathèque) de l’

15 Ceux-ci ont été choisis conjointement par les différents maîtres d’ouvrage des différents lots, l’aménageur (SEMAEST), l’APUR, et l’architecte

16 Cette conception pose évidemment le problème de la séparation entre espace privé et public et de son travail. Notamment en matière juridique où il

17 Dans cette opération il s’agit essentiellement d’un quartier de logements. Néanmoins, dans d’autres cas, cette exigence de l’expression marchande

18 Celle-ci, construite à titre de parangon ou de prototype a bien entendu été détruite à l’issue de l’opération.

19 On peut notamment citer : F. Hammoutène, P. Chaix et J.P. Morel, F. Montès, Y. Lion, F. Dusapin et F. Leclerc, C. De Portzamparc, H. Ciriani, B. 

20 C’est notamment là un des principes sur lequel repose la dénonciation de l’échec de la zone du fond de parc. Non seulement le fait que l’architecte

21 En utilisant ce terme L. Boltanski et L. Thévenot désignent des êtres ou des objets qui peuvent se révéler appartenir à plusieurs mondes (Boltanski

22 La mobilisation de la notion de champ dans le cas présent (cf. sur ce point les travaux de Véronique Biau, p.e. Biau, 1997) permet d’appréhender

Chadouin O., 2000, « L’architecte coordonnateur : entre ordre et généralité », Annales de la recherche urbaine, n° 88.

Biau V., 1997, « Sociologie des architectes », Urbanisme, n° 293, avril, pp. 61‑63.

Boltanski L., Thévenot L., 1991, De la justification. Les économies de la grandeur, Gallimard, Paris.

Buffi J.P., 1994, Le Moniteur AMC, 4 mars, pp. 100‑103.

Callon M., 1997, « Concevoir : modèle hiérarchique et modèle négocié » in : Tapie G. et Godier P., L’élaboration des projets architecturaux et urbains en Europe, Vol. 1. PUCA, pp. 169‑174.

Camus C., Lautier F., 1994, Situations de communication sur un chantier de bâtiment, PUCA, Paris.

Camus C., 1995, « Communication ou activité communicationnelle des architectes » in Cahiers du séminaire du LET, Paris.

Chadoin O., Godier P., Tapie G., 2000, Du politique à l’œuvre, systèmes et acteurs des grands projets architecturaux et urbains, Ed. de l’Aube, La Tour d’Aigues.

Eleb-Harlé N., 1997, « La conception et la coordination urbanistique et architecturale » in : L’aménageur urbain face à la crise de la ville, Ed. de l’Aube, La Tour d’Aigues.

Lamy Y., 1995, « Patrimoine : un style politique ? » in L’alchimie du patrimoine, discours et politiques, Ed. de la MSHA, Bordeaux, pp. 214‑225.

Latour B., 1995, La science en action, introduction à la sociologie des sciences, Gallimard, Paris.

Pousse J.-F., 1994, « La vitalité de la mémoire, la Zac Bercy », Techniques et architecture, n° 412, mars, pp. 34‑42.

Querrien A., 1986, « Compositions urbaines », Les annales de la recherche urbaine, n° 32.

Simmel G., 1998, « Esthétique et sociologie » in La tragédie de la culture, Ed. Rivages, Paris, pp. 129‑138.

Ville-Architecture, 1997, « Libérer l’îlot ? », n° 3, janvier, MELTT-DAU, Paris.

1 Notons que cette opposition renvoie également à deux traditions d’action sur la ville : l’une libérale, l’autre réformatrice. Ainsi, on sait que l’urbanisme qui se caractérise par une volonté d’agir globalement sur la ville naît d’une volonté de réforme sociale. De même, Georg Simmel oppose deux modes d’expression esthétique selon l’axe singularité/généralité (Simmel, 1998).

2 Ceci est montré très clairement dans ces travaux qui cherchent dans l’éthique de la discussion les conditions de fabrication d’accord des acteurs dans le cours des projets.

3 Usant de la méthode monographique, ce travail risque d’être lu comme un jugement sur la qualité de l’opération ou comme une exaltation des mérites de la coordination. Précisons donc qu’il s’agit simplement pour nous ici de « comprendre » ce qu’est la coordination et qu’en conséquence le choix de cette opération n’obéit à aucune autre logique que cette volonté. Outre cela, notre objet n’est pas de juger de la réussite ou de la non-réussite esthétique de l’opération mais bien de cerner un mode particulier de régulation de l’action conjointe, d’en expliciter les principes de fonctionnement et les problèmes auxquels il se propose de répondre.

4 Ce texte doit en particulier sa constitution à la confection d’une étude comparative à propos de la production architecturale et urbaine en France et en Espagne. (Chadouin, Godier et Tapie, 2000 ; voir aussi : Chadouin, 2000, pour une lecture de ce cas.)

5 Zone d’Evolution Urbaine de la Seine.

6 Lors des entretiens nombre d’acteurs parlaient de « point sombre », de « truc commercial un peu à part »…

7 La lecture que nous faisons n’a évidement pas de validité chronologique. Il s’agit seulement d’un effort de « mise en ordre » analytique dans une optique compréhensive.

8 Toutes les personnes engagées dans l’opération comme d’ailleurs les articles qui en font état rappellent l’importance d’une mémoire de Paris et mentionne l’intérêt de sa couverture végétale.

9 Rappelons que l’idée de patrimoine peut être rapprochée non seulement d’une « matrice normative » (le règlement des ABF) mais également d’un style politique au sens où l’État libéral semble avoir vu dans le patrimoine une manière de se raccorder à la société civile d’une part et d’en maîtriser les mutations successives de l’autre en lui proposant un principe éthique. (Lamy, 1995).

10 Il s’est ainsi inspiré de l’organisation en plots du champ de Mars et de la rue de Rivoli.

11 On retrouve le principe de la façade comme lieu de la confrontation entre espace public et privé qui définit entre autre chose le façadisme comme principe et problématique de la résolution de cette confrontation. Ici, cf. sur ce point le récent colloque « Façadisme et identité urbaine », Paris, les 28, 29 et 30 janvier 1999.

12 Sur cette opération le coordonnateur définit quatre types (les refends, le cadre, les pavillons, les liens) qui ont pour objet manifeste et manifesté de créer un « théâtre urbain » en articulant de façon systématique domaine public et domaine privé.

13 Les acteurs du projet utilisent les deux expressions et font également mention d’une difficulté à arrêter une définition de la démarche. C’est toujours l’idée d’un entre-deux qui est évoquée dans les entretiens. Comme si la nature composite du dispositif lui-même interdisait qu’on en stabilise la définition selon des catégories connues.

14 Signalons qu’un seul élément dans ce projet déroge à cette logique de composition : « l’american center » (aujourd’hui devenu cinémathèque) de l’architecte Frank Gehry. Celui-ci, situé en tête du front bâti et à l’entrée du parc semble en fait bénéficier d’un raccrochement à la seule cité inspirée qui lui confère un statut d’exceptionnalité accepté par tous les acteurs. Ainsi, il est décrit comme un « évènement », une « locomotive » en tête du front de logements (« des wagons ») et, en vertu de son statut d’équipement (donc d’objet non ordinaire) il obéit seulement à une contrainte de matériau.

15 Ceux-ci ont été choisis conjointement par les différents maîtres d’ouvrage des différents lots, l’aménageur (SEMAEST), l’APUR, et l’architecte coordonnateur (J. P. Buffi).

16 Cette conception pose évidemment le problème de la séparation entre espace privé et public et de son travail. Notamment en matière juridique où il n’y a d’espace que privé ou public. (Pour un point sur ce débat, cf. Ville-Architecture, 1997).

17 Dans cette opération il s’agit essentiellement d’un quartier de logements. Néanmoins, dans d’autres cas, cette exigence de l’expression marchande peut devenir première. Ainsi, N. Eleb‑Harlé signale que généralement deux objections sont faites à la coordination : celle de l’entrave aux libertés d’expressions architecturales ; celle des contraintes aux objectifs commerciaux des promoteurs. (Eleb‑Harlé, 1997).

18 Celle-ci, construite à titre de parangon ou de prototype a bien entendu été détruite à l’issue de l’opération.

19 On peut notamment citer : F. Hammoutène, P. Chaix et J.P. Morel, F. Montès, Y. Lion, F. Dusapin et F. Leclerc, C. De Portzamparc, H. Ciriani, B. Desmoulin…

20 C’est notamment là un des principes sur lequel repose la dénonciation de l’échec de la zone du fond de parc. Non seulement le fait que l’architecte coordonnateur y ait construit est mis en avant mais c’est aussi une situation trouble de double contrainte qui est évoquée. Effectivement, celui-ci était désigné comme coordonnateur mandataire de l’aménageur public mais rétribué par le concessionnaire privé de la zone.

21 En utilisant ce terme L. Boltanski et L. Thévenot désignent des êtres ou des objets qui peuvent se révéler appartenir à plusieurs mondes (Boltanski et Thévenot, 1991, pp. 278‑279).

22 La mobilisation de la notion de champ dans le cas présent (cf. sur ce point les travaux de Véronique Biau, p.e. Biau, 1997) permet d’appréhender les processus de production architecturale comme des constructions qui reposent à la fois sur des dispositifs d’interdépendance mais engagent également des valeurs. Elle permet de dépasser la simple lecture économiciste, en termes de concurrence sur un marché, des partages de la commande architecturale.

Olivier Chadoin

ARD – Ecole d’Architecture et de Paysage de Bordeaux
Domaine de Raba 33405 Talence
olivier.chadouin@bordeaux.archi.fr

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