Isabel Pinto Gonçalves, architecte, chef du service habitat de la municipalité de Cascais, responsable du programme de relogement

Pratiques et parcours

Olivier Chadoin et Isabel Pinto Gonçalves

p. 63-65

Citer cet article

Référence papier

Olivier Chadoin et Isabel Pinto Gonçalves, « Isabel Pinto Gonçalves, architecte, chef du service habitat de la municipalité de Cascais, responsable du programme de relogement », Cahiers RAMAU, 3 | 2004, 63-65.

Référence électronique

Olivier Chadoin et Isabel Pinto Gonçalves, « Isabel Pinto Gonçalves, architecte, chef du service habitat de la municipalité de Cascais, responsable du programme de relogement », Cahiers RAMAU [En ligne], 3 | 2004, mis en ligne le 03 novembre 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/490

Les textes présentant les « pratiques et parcours » de professionnels ont été rédigés par Olivier Chadoin à partir des interventions orales des intéressés lors des rencontres Ramau 2002.

Depuis mai 1993, la municipalité de Cascais (une des dix-huit municipalités de la zone métropolitaine de Lisbonne) développe un projet spécial de relogement (PSR), pour l’élimination des bidonvilles dans les zones métropolitaines de Lisbonne et de Porto. Ce programme implique, entre autres, la démolition des bidonvilles, la construction d’immeubles d’habitation collective et l’incitation à la mobilité de la population habitant ces quartiers dégradés, qui sera dispersée dans des ensembles d’immeubles construits dans toute la commune.

Pour cette opération, la ville de Cascais a souhaité travailler avec un groupe pluridisciplinaire (professionnels et chercheurs) et avec des représentants de l’exécutif municipal, afin d’identifier les contraintes et potentialités du programme et du territoire, ainsi que la définition de scénarios et de stratégies d’intervention.

Le programme

Le programme de relogement se définit comme un outil stratégique pour le développement durable. Le relogement est réalisé dans une perspective d’action locale et vu comme un moyen de lancer d’autres interventions. Le processus s’appuie sur une intervention auprès de la population et cherche également à identifier de nouvelles compétences pour soutenir les « changements » initiés. Ceci se fait, notamment, par la mise en place d’activités culturelles ou d’activités développées dans les écoles avec les enfants, qui inversent l’image négative de la population et sensibilisent les groupes de travail qui accompagnent et participent au processus tant au niveau du relogement qu’à celui de la qualité environnementale.

La stratégie d’intervention du PSR articule trois niveaux d’intervention

  • Le niveau architectural, urbanistique et environnemental : il s’agit là de travailler en concertation avec les politiques municipales pour définir la zone d’intervention en tant que partie intégrante de la commune, et envisager l’intégration des ensembles d’immeubles en projet dans le réseau urbain. A ce niveau, l’objectif est d’articuler relogement, construction d’ensemble d’immeubles de petites dimensions et création d’infrastructures et d’équipements sociaux. Au final, on vise donc l’inté-gration de ce programme d’habitation dans une politique d’aménagement du territoire et dans une politique urbaine.

  • Le niveau de la cohésion : face à la dimension du territoire, la dispersion et la diversité des populations des différentes zones d’intervention, le PSR parie sur une connaissance profonde et individualisée des zones d’action. Les équipes techniques sont constituées relativement à ces zones d’action, de sorte que la connaissance qu’elles produisent devienne un instrument d’intervention efficace assurant un aménagement adapté aux réalités, de même que la définition de stratégies adéquates. Pour ce faire, il est essentiel d’établir une relation de proximité et de confiance avec les populations. Cela passe par l’intervention d’équipes multidisci­plinaires. Sur chacun de ces territoires, des réseaux de partenariat se créent, des groupes de travail avec les habitants se constituent, et des actions aux objectifs communs se définissent. Progressivement, l’instauration de la confiance permet d’aller au-delà de la relation institutionnelle entre la municipalité et ses citoyens. Cet objectif s’accompagne d’une stratégie de communication affirmée, avec la réalisation d’expositions, de réunions avec les institutions et la population en présence des élus, de réunions techniques et de contacts personnels et informels. Ainsi se développent des projets de mobilité individuelle et familiale. De même, la réalisation d’échanges entre techniciens des différentes zones, des réunions entre les différentes associations de riverains, et des activités sportives et récréatives avec des groupes mixtes d’enfants et de jeunes, sont des actions d’extrême importance pour la démystification des images négatives existantes et pour la création d’une perception plus réaliste de ces populations.

  • Le niveau de la participation et de la citoyenneté : là, le but est de créer des espaces d’expression par la constitution de groupes de travail avec la population locale de façon à identifier ses attentes, ses désirs et ses points de vue relatifs à l’intervention du PSR. Ainsi, la diversité de territoires d’intervention du PSR et les méthodologies participatives appliquées se traduisent par la constitution de plusieurs associations de riverains et par la légitimation des associations déjà existantes, qui assument aujourd’hui un rôle actif dans la concertation et dans la contractualisation sociale avec la municipalité. Divers paliers de négociation et de concertation politique sont donc aujourd’hui établis entre la municipalité et les citoyens. Ils sont formalisés par des protocoles ou des contrats qui expriment les engagements pris par les parties au sujet du développement de la localité (infrastructure à réaliser, équipement à construire, initiatives à promouvoir). Cette dynamique constitue un réel instrument de pouvoir et de participation démocratique.

Un renouvellement du travail urbain

La dynamique propre à ce projet repose donc sur l’articulation volontariste de ces trois niveaux d’intervention. Agissant simultanément sur des territoires socialement exclus, des territoires physiquement déqualifiés, et avec toute la population et toutes les ressources locales, l’intervention a abouti à la création de pôles de gestion territoriale par la municipalité. Cette méthode socio-territoriale a finalement introduit un nouveau regard sur ces contextes. L’intervention multidimensionnelle s’est fait sentir dans les institutions locales comme un gain, comparativement à la nature traditionnellement sectorielle de ses actions appuyées sur des logiques de problèmes-réponse. Cette intervention directe, avec ses pas en avant et ses pas en arrière, ses difficultés et ses succès, s’est néanmoins traduite par une plus grande capacité de partage des pouvoirs, statuts et intérêts, notamment du fait de la production d’une dynamique locale.

Le déroulement de ce projet rappelle que la performance de tout domaine profes­sionnel (indépendamment de sa spécificité) réside dans sa capacité à négocier et à gérer un programme qui incorpore de nouvelles conceptions et perspectives d’intervention et qu’elle exige un renouvellement du regard et des méthodes. Les particularités inhérentes à ce type de projet nécessitent, entre autres choses : une vision globale qui puisse générer des solutions globales, l’interaction des disciplines, l’interaction avec chaque contexte territorial, l’utilisation de méthodologies d’interventions multidisciplinaires, la reconnaissance de l’investissement et de la connais­sance qui résulte de la proximité avec le territoire et, enfin, l’interaction de la connaissance scientifique et de la connaissance pratique.