Jon Rouse, architecte, directeur de la Commission for Architecture and the Built Environment (CABE)

Pratiques et parcours

Olivier Chadoin and Jon Rouse

p. 111-113

References

Bibliographical reference

Olivier Chadoin and Jon Rouse, « Jon Rouse, architecte, directeur de la Commission for Architecture and the Built Environment (CABE) », Cahiers RAMAU, 3 | 2004, 111-113.

Electronic reference

Olivier Chadoin and Jon Rouse, « Jon Rouse, architecte, directeur de la Commission for Architecture and the Built Environment (CABE) », Cahiers RAMAU [Online], 3 | 2004, Online since 03 November 2021, connection on 22 December 2024. URL : https://cahiers-ramau.edinum.org/508

Les textes présentant les « pratiques et parcours » de professionnels ont été rédigés par Olivier Chadoin à partir des interventions orales des intéressés lors des rencontres Ramau 2002.

Directeur de la Commission for Architecture and the Built Environment, Jon Rouse1 porte un regard critique sur le mouvement de réforme de la construction engagé aujourd’hui en Grande-Bretagne. Pour lui, l’architecture et la construction doivent satisfaire des exigences de beauté, d’humanité, de civilité et de plaisir, inaccessibles aux indicateurs de qualité et dont peu de rapports officiels parlent. C’est pourtant l’ambition que poursuit la CABE. La mission principale de cette organisation est de veiller à ce que ces qualités demeurent, au-delà des notions de produit et de fonctionnalité.

Gérer la tension entre valeur sociale et valeur économique

La CABE est une organisation relativement nouvelle, puisque son existence réelle date de l’année 2000. Son fonctionnement et son statut sont liés à plusieurs instances publiques : le département de la culture, le ministère du transport et le gouvernement local. De fait, cette organisation se trouve prise dans une certaine tension entre deux conceptions : l’architecture en tant qu’objet culturel et l’architecture en tant qu’élément d’un processus de construction. Sa tâche est donc de maintenir l’équilibre entre ces deux conceptions opposées de l’architecture.

Au cours des dix dernières années, en Grande-Bretagne, l’architecture a été tirée vers la mécanisation. L’objectif répété de qualité et la volonté de se débarrasser des défauts a conduit à s’inspirer des processus de productions industriels. Du coup, explique Jon Rouse, nous devons aujourd’hui essayer de créer un certain espace pour la créativité et pour l’expression artistique. Il faut donc s’assurer que les meilleurs architectes travaillent sur les projets dans des équipes intégrées. A cet égard, les objectifs de la CABE sont très simples : produire de la valeur sociale, économique et environnementale, ainsi qu’une bonne conception. Il y a en effet, aujourd’hui, beaucoup de discussions sur la valeur économique et sur la réduction des coûts, mais peu de réflexions concernant la valeur sociale et culturelle de l’architecture, constate Jon Rouse.

Le but de la CABE est bien de soutenir l’architecture, et non les architectes. Néanmoins, la CABE tient pour essentielle la notion de culture professionnelle.

Celle-ci conduit à une véritable déontologie professionnelle qui semble aujourd’hui mise en question par l’instauration de nouveaux procédés de fourniture de bâtiments et de services. L’action de la CABE porte de façon prioritaire sur des actions de conseil, communication, formation et information au niveau des bâtiments qui engagent un service aux populations (écoles, hôpitaux, logement, conception urbaine…). L’objectif général est bien de montrer que l’architecture n’est pas seulement un enjeu économique, mais aussi et surtout un enjeu social.

Une action et une expertise de conseil

L’action de la CABE se réalise à deux niveaux et l’engage à être directement partie prenante des processus de conception dans une action de type préventif.

Premièrement, elle réalise des études de conception et peut intervenir ou faire des observations sur des projets. Dans la plupart des cas, ces études de conception sont efficaces pour orienter les projets vers une qualité de conception plus élevée. Deuxièmement, l’action peut consister en une aide directe pour les clients du secteur public (autorités locales d’éducation, institutions locales de santé, biblio­thèques, galeries d’art, piscines, commissariats de police…). Dans ce cas, la CABE fournit une aide directe en mobilisant un expert en matière d’architecture, de paysage ou de conception urbaine. Ces experts sont des personnes répertoriées qui adhèrent aux objectifs de la CABE et travaillent pour elle, sur la base d’un temps partiel (cent dix personnes).

Un point de vue sur la réforme du système de construction

Pour Jon Rouse, il existe une tension au cœur de la politique gouvernementale au sujet du mouvement de réforme de la construction en Grande-Bretagne. En effet, ce mouvement vise à rendre l’industrie du bâtiment plus efficace et à atteindre l’excellence dans le secteur public. Néanmoins, une autre conception, soutenue par le Premier ministre lui-même, est à l’ordre du jour du gouvernement. Celle-ci vise à encourager, pour les constructions publiques, la qualité de conception afin de créer des bâtiments qui ne soient pas seulement fonctionnels mais également esthétiques, et qui contri­buent au renouvellement urbain avec une véritable « valeur civique ». Aussi est-il essentiel aujourd’hui de parvenir à équilibrer ce mouvement de réforme de la construction en Grande‑Bretagne.

Les éléments de cette réforme apportent des progrès certains. D’abord, ils permettent de concentrer et d’intégrer les équipes par projet. Dans cette situation, l’architecte est un des membres les plus importants de l’équipe de conception. De même, les indicateurs de performance d’exécution permettent d’aider à contrôler les défauts, les dépassements de temps et de coûts. Indéniablement, ce sont des progrès énormes qui ont été réalisés au cours des dix dernières années, sur ces questions.

Néanmoins, pour Jon Rouse, des incertitudes demeurent. Tout d’abord, dans le cas du PFI (Private Finance Initiative) et du partnering, le client n’emploie plus directement l’architecte. Désormais, c’est l’entrepreneur qui le fait. C’est donc un déplacement fondamental qui a des implications extrêmement profondes sur le rapport entre le client et l’architecte. En termes contractuels, le rapport n’est plus direct, l’entrepreneur est maintenant un intermédiaire et c’est lui qui paye l’archi-tecte et contrôle le risque de conception avec ce dernier.

Ensuite, on peut se poser la question de la place des petites structures d’architecture. Les projets qui se développent dans les contrats de partnering impliquent en effet de grands groupes d’intervenants sur des périodes relativement longues et à des coûts très élevés. Pour la petite agence d’architecture, les occasions de projets tels que la crèche ou l’école primaire disparaissent et son rôle s’en trouve changé. On constate que, de plus en plus, ce n’est pas l’architecte qui conçoit réellement le bâtiment mais qu’il agit comme conseiller du client, celui-ci l’utilisant séparément du projet. Bref, l’architecte apporte une qualification supplémentaire au client pour formuler des jugements au sujet de la qualité de la conception fournie par l’entrepreneur.

Les modifications du rôle des architectes

Certes, dans ce contexte, l’architecte est encore prédominant parmi les professions de conception, mais en tant qu’élément d’une équipe intégrée. Son rôle change : le rapport avec le client ne peut plus être un rapport direct en termes contractuels et les architectes doivent maintenant travailler de plus en plus pour l’entrepreneur, dans un rapport de contractant de second rang.

D’ailleurs, à présent, l’architecte n’est plus qu’un membre au sein d’une équipe de conception intégrée. Cette équipe inclut, entre autres, l’ingénieur, l’architecte-paysagiste et l’économiste, ainsi que les acteurs qui fournissent les composants et ceux qui effectuent la sous‑traitance.

Une autre conséquence inévitable de cette évolution est indiquée par Jon Rouse : les nouvelles pratiques en matière de fournitures favorisent l’action des entreprises commerciales les plus grandes. Les grosses structures ont de plus en plus de travail, tandis que le rôle des plus petites change très rapidement et de façon radicale.